Samedi 9 février 2013 à 0:41

Quand j'écris, quand je pense en mots, je pousse ma petite porte en bois et je vais explorer mes sous-bois. Je vais à la cueillette de champignons, je mange les vénéneux, je dissèque les hallucinogènes, je fête les comestibles. J'arrose bien pour que tout reste humide. Je referme la porte pour préserver des déserts. Tout le reste, absolument tout le reste, les autoportraits, les photographies avec les autres gens, les heures de théâtre, tout le reste est censé m'apporter le contraire. La lumière, l'oxygène, la hauteur, le recul, l'aventure, pour repousser les frontières, pour vagabonder hors de soi, pour abandonner les clefs, pour aller voir ailleurs.

Vendredi 8 février 2013 à 22:57

Je nais un peu chaque jour, je meurs plus souvent, mais mes camardes ne sont plus si graves, si profondes. Ce sont de petites morts, des morts déjà visitées, rien d'inexploré. Des évènements que je connais déjà. Ça fait aussi mal que la première fois, mais rien de nouveau. Par contre, chaque naissance est un miracle. Aussi petite soit-elle. J'ai si longtemps oublié de naître, j'ai perdu avec obstination le fil de mes commencements, c'est incroyable, tant d'acharnement, tant de peurs. Je viens de m'enfiler une vie entière dans une carcasse d'oisillon, je veux un destin de dragon.

Quand je danse, à chaque coup de talon au sol, je me dis que ça ne sera plus jamais des sables mouvants. Ça n'a pas à l'être.

Vendredi 8 février 2013 à 22:40

 Je ne sais pas de quoi je pourrais avoir envie, si ce n'est pas de toi.
 A  l  o  r  s   l  a  i  s  s  e  -  m  o  i  .

Jeudi 7 février 2013 à 2:35

Tu vas me manquer, tu me manques, je ne sais pas comment dépasser cette autoroute qui m'unit à toi, parfois les alternatives semblent se dessiner sous mes pieds, naturellement, d'autres fois je reste sur la bande d'arrêt d'urgence, avec une seule envie au ventre, celle de m'élancer à nouveau sur l'asphalte, pour une course avec toi.

Samedi 2 février 2013 à 12:31

Tu as bougé ton bras et tout à coup nous nous touchons à travers la couverture. J'ai le coeur en alerte, éveil total, apnée. Mon système nerveux est désormais hypersensible. Je sens mon corps se vider, toutes mes cellules se précipiter et se jeter vers le lieu de la rencontre. Ébullition immobile. Ça s'agite côté neurones. Vent de panique, peur de rompre l'instant suspendu. Je prends des mesures, calcule la superficie, la densité, la matière. Ne plus bouger, pour l'éternité. Je délimite la zone, je la sens, la pressens, l'imagine, la caresse, l'aime. Je te regarde, je me demande si tu es conscient, je te regarde et je suis tellement consciente que tout bourdonne, tout mon moi s'est concentré à toi et mon bras s'engourdit. Mon bras s'engourdit et disparaît lentement, il mue, il devient drap, il devient couverture, il devient toi. Nous voilà siamois, je te regarde, nous voilà siamois et tu ne le sais pas.

Je voudrais passer ma main dans ton cou, dans tes cheveux. De t'être si proche je revis tous les connus de nos nuits côte à côte. Je vois précisément ce que j'avais pu oublier, l'odeur de ton sommeil, la couleur de nos silences, la matière de nos respirations, de nos calmes et de nos impatiences, la façon qu'avaient nos corps de se côtoyer. Quand tu étais allongé comme ça, et que j'étais allongée comme ça. Quand nous étions emmêlés comme ça. De t'être si proche, tout me revient, et ce n'est pas du passé, mais bel et bien du présent. De t'être si proche la mémoire n'est plus mémoire, mais sensation. Je voudrais passer ma main dans ton cou, dans tes cheveux. Les yeux grands ouverts j'effleure ta silhouette, j'imagine le bout de mes doigts voler au dessus de toi, c'est ta main que je veux, je voudrais prendre ta main et la poser sur moi, oh oui, juste ce geste là, ta main sur mon bras, ta main sur ma joue, ta main dans le bas de mon dos, ta main ta main ta main. Ta main dans ma main. Ça y est, je sais, c'est ma main qui veut ta main, c'est plus fort que tout, le bout de fil qui me relie à toi est tellement tendu que ma paume de main se vrille se cambre vacille, aimantée à ta destination, ta main dans ma main ça toujours été la solution à tout et mes délivrances, ma main dans ta main ça semble une telle évidence, comme si ça avait toujours existé, comme si ça n'était jamais fini, nos mains s'appellent se parlent se demandant se veulent nos mains sont une, je peux ?

Mardi 29 janvier 2013 à 12:59

J'ai vissé mes écouteurs au coeur de mon retour et crée une surdité à la ville, laissant un rempart entre moi et ce qui aurait pu m'assaillir. Je suis un petit bout d'humain hermétique et peu importe les informations que m'envoient mes yeux, je n'ai pas cette sensation de médiocrité qui me flotte dans le cerveau. Je ne laisse que la moitié des choses venir à moi, et pour ce soir, c'est la bonne recette. J'ai le contrôle. Je reste concentrée.

Mardi 29 janvier 2013 à 12:58

Quand, dans le tram pour aller à l'aéroport, j'ai entendu pour la première fois de l'allemand, mon corps s'est rétracté. Tout me criait n'y va pas, n'y va pas ! Berlin ist nicht mehr mein zuhause;  il y a quelque chose de brisé. Mon instinct me dit que je n'y suis plus la bienvenue, mon ben sens se refuse à la ville et trépigne, je dérape. Les sonorités allemandes ne sont plus ma liberté, mon oasis, elles m'angoissent désormais, présagent des tornades des néants des incertitudes.

Vendredi 25 janvier 2013 à 23:13

Libérée de Berlin je suis calme, claire, limpide et lumineuse. Je peux parler de cauchemars sans les revivre. Je peux nommer des sensations expliquer des phénomènes raconter des folies. Écoute-moi quand je suis une femme et profite. Regarde-moi, me reconnais-tu ? Je respire entre les mots, l'imminence du danger s'est tue. Elle reviendra bien vite. Pourquoi la ville est devenue ma prison, d'un coup d'un seul, comme une claque d'absolu ? Je promène ma carcasse de torturée, me tord de douleurs, hoquète des phrases sans logique. Il se joue la trame d'un drame dont je peux définir les contours lorsque je suis loin, mais dès que je m'en approche, je suis engloutie déglutie avalée noyée. Je ne me reconnais pas. Je me connais par coeur, me projette dans les défaites les renoncements les pleurs. Je suis anéantie par une force dont j'ignorais l'existence. Je n'ai pas les outils pour la traverser, la contourner, l'enfermer, la mettre à mal, la faire fuir, lui infliger une raclée. Il me manque des compréhensions des reliefs des cachettes. Me voilà redevenue débutante, je suis à nue, ignorante, à vue, sans savoir décider d'un plan de repli, d'une capitulation, d'un armistice.

Mardi 22 janvier 2013 à 2:03

 Un joli pied de nez, une louise de libre, une !
j'ai un chant joyeux au coeur,
fini les turpitudes,
cette semaine

Dimanche 20 janvier 2013 à 1:08

Tout à coup, éclaircie. Je me protégeais. Je m'étais plongée dans un coma, et je flottais, sans bouger, à l'aube de mon silence. Je comprends. Je suis une futée. Je repoussais, maline, le drame. Enveloppée de brume de brouillards et de sommeils, je masquais la réalité. Agacée par ma léthargie, je ne pouvais pas remarquer le reste. Stratégie inconsciente de survie. Joliment essayé, malheureusement éphémère.
Le boomerang que l'on lance revient toujours vous chercher. Reste à savoir si vous imaginiez qu'il vous trouverait. En l’occurrence, je feignais avoir oublié l'existence de cet objet. Il est venu me faucher tout à l'heure, trop content que je sois sortie quelques instants prendre l'air. Prendre l'air, quelle naïve ! Il aurait fallu que je reste sur mes positions défensives. Mais n'ayant conscience des vrais enjeux, j'ai cru devoir remonter à la surface du monde.
Le monde, parlons-en. L'erreur du monde, l'horreur. Rien ne fut plus accablant que de monter dans le bus pour rentrer chez moi. Rien de plus triste, de plus funéraire, que de marcher dans cette ville qui ne me touche plus. Quelles chimères me suis-je inventées ! Quelle vie pour moi ici ? Aucune. Rien ne me retient, rien ne me tient, rien ne m'attire, rien ne me donne des raisons.
Maintenant, avec tous les signes post crises de pleurs, le maquillage jusque dans la bouche, la peau salée qui craque, les paillettes étalées grotesquement, maintenant tout est bien réel, physique.
Ne pas manger, ne pas faire de lessive, ne pas ouvrir son courrier, laisser tout et le reste de tout joncher le sol, vivre sans désirs, constater l'odeur rance de la solitude, faire corps avec les draps du lit, faire draps avec le corps du lit, tout ça, oui, oui, oui.
Je ne suis pas dépressive. Ni folle. Je ne suis pas au bon endroit, c'est tout.

Il va falloir reprendre une apparence de quotidien en ayant conscience de ça, bon courage.
Mais ça ne sera pas si dur, je le sais : l'amnésie guérit de tout.
 
Berlin, tu me donnes la nausée, mais rien, 
rien, ne t'inquiète surtout pas
demain j'aurais oublié.

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