# Le journal des 20,
(09 février 2022 - 01 mars 2022)




(mercredi) 9 février #1

(23:19) Tous les soirs à l'instant de m'installer au sommeil, je prends l'épais carnet rose et face au miroir je dessine un visage de moi sans regarder le papier, tous les soirs à côté de ma silhouette approximative je note quelques mots de la journée.

Je voudrais pouvoir tous les soirs me retrouver au clavier, écrire des choses au hasard, parce que l'autoroute des jours m'aligne et que je n'ai pas aimé me faire tabasser par la tristesse ces deniers jours, je n'ai pas aimé cette version de moi fragile vulnérable pesante et emmêlée. J'étais grise, lente et gluante. Je n'ai pas aimé être cette femme qui va s'asseoir huit minutes dans sa voiture pour pleurer avant de revenir dans la cuisine, parce que la tisane est servie et
que le carré de chocolat trépigne.

Je me souhaite campée, droite dans mon identité, sérieuse en moi et fiable aux autres. Je me souhaite grandie, palpable, lumineuse.

Le robinet de l'écriture m'a rincée, barboter dans l'écran - jouer aux éclaboussures et avoir l'épiderme tout doux et tout mou de textes par tous les bouts m'a réconfortée.

Il y a des années, j'ai parfois, pour traverser un hiver tempête ou un hiver obscurité, tenté le défi d'une écriture par jour. Cela s'appelait " Le journal des ". Il y a eu le journal des 35, des 36, des 18. Ce n'était pas ici, mais là-bas, sur le blog.

Jusqu'au premier mars, ce sera le journal des 20.

Il est temps du sommeil depuis une heure déjà, tu n'as pas idée comme j'ai de la vie partout qui m'électrise la peau, j'ai envie de danser les yeux fermés, d'onduler jusqu'à l'apnée.

J'hésite à lancer le premier poignet, vais-je dormir, après ?



(jeudi) 10 février #2

(17:01) Elle a dit : Et toi, ton coeur ? J'ai demandé : Est-ce que la question c'est est-ce qu'il y a quelqu'un dans ma vie ? Elle a dit : Oui, c'est ça. J'ai répondu : Il y a des gens. J'ai des histoires, mais pas des histoires de coeur.

Je ne m'attendais pas à cette question, pas à ce moment là. Et puis, c'est une question posée sans être posée. Elle est dirigée, percutée, il y avait peu de place dedans pour se retourner.

Il y a trois ans, notre relation amoureuse s'est arrêtée, et cela faisait plusieurs mois déjà que je me sentais aliénée par l'histoire de couple, par les sentiments romantiques. J'avais, dès l'été, dit : Je n'en peux plus de ne pas savoir garder mon énergie, mes anecdotes de vie, que tout soit sans cesse destiné à l'autre, qu'aucun vécu ne reste niché en moi, que je sois perpétuellement en train de raconter ce qui me traverse, je ne sais pas être autrement et c'est épuisant.

Je voulais vivre à nouveau par et pour moi, que les sensations viennent d'abord me peupler les arabesques intérieures, avant qu'un jour peut-être je choisisse de les semer dans une conversation. Je me souhaitais, dur comme fer et sérieux comme jamais, un chemin seule.

Et je le tiens fermement, le fil rouge de ma pelote d'individualité. Je couve mon indépendance, je la nourris, je la cajole, je la surveille et je la remercie. Je n'ai pas encore changé de perspective, je suis toujours précisément heureuse comme cela.

Je jubile d'être cette personne polyamoureuse amoureuse nulle part. Je suis enthousiaste de ma liberté de relationner, et je fête mes désirs mes élans mes coeurs attendris mes joies et mes curiosités.

Je veux m'éprouver partout où j'aurais le goût de l'aventure, je veux vérifier mes certitudes et ajuster mes doutes à toutes les entournures, et je veux connaitre les humanités diverses et différentes de tous ces gens drôles et délicieux.

Je n'ai aucune raison pour l'instant, dans cette vie, de vouloir autre chose que cela. Je suis convaincue du juste endroit où je me tiens.

Et moi, mon coeur va bien.



(vendredi) 11 février #3

(11:55) Parce que j'ai fini décembre sur les chevilles, je m'oblige à ne plus déconner avec le sommeil. 22h au lit, 23h pénombre et oreiller.

A 22h10, je suis allée éteindre toutes les loupiotes de la cabane sous les toits et je me suis installée dans mon gâteau moelleux de couvertures avec la lumière de chevet. Je ne me sentais pas du tout fatiguée. Je me suis rappelé cette vidéo que j'avais croisée le midi, j'ai décidé d'écouter le morceau.

Le téléphone posé dans une cascade de draps, j'ai mis 31 secondes à être à Berlin. 1 minute et 5 secondes à me sentir physiquement dans une des caves électro de la capitale. J'avais peur d'avoir encore moins envie de dormir, d'être ennivrée, joyeuse, dansante. J'ai été surprise de l'effet de plénitude dans ce changement d'espace temps, je sentais la poussière des murs, l'haleine des gens autour de moi, le collant du fauteuil et du matelas défoncés, la sueur imprégnée dans le strict minimum de tissu enfilé pour danser, je sentais les vibrations des basses onduler sur ma peau, la musique vient toujours à moi se coller dans le cou dans le décolleté sur les épaules,

plus rien de la réalité n'avait le goût de la cabane sous les toits, ni le goût des paysages de Loire, ni le goût des humains du coin

tout était aux couleurs et aux odeurs de Berlin, tout était à la taille et à l'envergure de mes gens de là-bas, tout était au toucher et à la fluidité de ma garde-robe d'autrefois

je me suis endormie avant la fin du morceau, emportée, apaisée, déconnectée, irradiée et comblée.

(Est-il nécessaire d'écrire, Berlin, qu'une immersion de toi manque à mon existence ?)



(samedi) 12 février #4

(22:04) On a eu cette conversation qui m'a semblée ubuesque, mais qui était nécessaire. La question qui semble planer, qui planait, c'était : pourquoi est-ce que j'accorde mon temps et mon énergie à des amants dont l'attitude laisse à désirer quand je n'accorde ni de temps ni d'énergie à des ami.es qui m'apportent du soutien et de l'écoute. Cette formulation m'a exaspérée. Oui, je veux que l'on interroge mon amitié et que l'on me dise ce que ça fait, quand je disparais de la surface du monde. Mais quel rapport, s'il vous plait, avec qui et comment et combien je baise ? Je crois que je commençais un peu à m'énerver, parce que merde, c'est quoi cette comparaison absurde. Et puis par hasard la conversation a fini par trouver le virage en épingle qu'on n'avait pas distingué avant, j'ai dit des mots qui ont été écoutés et on m'a répondu : Je ne pensais pas, je ne savais pas, je ne connais pas, je crois que je comprends désormais.

Une soirée tisane avec une personne de qualité, quelqu'un avec qui il y a de l'écoute et de la considération, ce ne sera jamais égal pour moi à une soirée tisane avec une personne de l'intime, quelqu'un avec qui il y a du corps et de la peau et de l'odeur. Les endroits de rencontre ne sont pas les mêmes, un point c'est tout. Jamais je ne traverse les mêmes paysages, jamais je n'arrive aux mêmes endroits si c'est une heure discutée ou une heure étreinte.

Oui, il est urgent pour moi de me mettre en branle pour trouver des pistes de réponse et des perspectives de mieux quant à l'amie que je suis.

Mais non, je n'ai pas à justifier de l’intérêt vital d'amants dans mon quotidien, parce que s'ils sont là avec tous leurs défauts et leurs imperfections, c'est que j'ai fait le calcul mathématique du bienfondé de l'opération. C'est que j'ai besoin de cette énergie qui circule, besoin de ce parfum, besoin de cette tendresse, besoin de cette bouche, et besoin de ce lien.

Évidemment que c'est un lien dont la richesse est parfois pauvre, mais je sais exactement où je suis, j'ai œuvré sérieux pour corriger la cartographie de nos promenades et je n'en démords pas.

Je veux ces orgasmes, je veux cette séduction, je veux cette confiance, je veux ces sommeils, je veux cet abandon. Et je m'en tape que ces gens ne soient pas des piliers, que je ne puisse pas m'y reposer, ce n'est pas ce que je demande. Ce que je demande, c'est que mon épiderme vibre et que mes organes parfois soient colmatés, retirés des plaines ensevelies de vents.

Pour cela, il faut que je sois tenue, que je sois serrée, que je sois enlacée, attrapée, embrassée.

Et la valeur de ces apparitions de corps est trésor.

Trésor !



(dimanche) 13 février #5

(21:47) J'ai réussi à aligner six tupperwares de casse-croûte midi et une soupe entière pour les soirées, mais la cabane sous les toits est retournée tête en bas, je crois qu'il y a du sucre glace de boudoirs dans le lit et des miettes de terre de la porte à la sortie.

Il n'y aura pas un seul jour de repos d'ici le premier mars, ça va être une course de fond cette histoire, une enfilade de quotidien en flux tendu,

c'était bien de ne pas déménager pendant une année et demi,

désormais il serait correct de vivre dans un espace où je puisse déballer mes cartons berlinois qui tombent dans l'oubli depuis trois ans déjà.



(lundi) 14 février #6

(20:46) Hier j'ai réalisé que je n'allais ni avoir le temps de nager et certainement pas non plus le temps de lire. Je veux dire, là, ces jours à venir. Ça m'a fait quelque chose. Ce midi j'ai passé le moment du repas dans les serres et j'ai dessiné. Les deux croquis ne sont pas fameux mais ce temps de silence m'a fait du bien. Une heure entière, en calme de gribouillages. Je crois que c'est ce qui m'a le plus déstabilisée, quand la formation a démarré : de 09h à 17h, ton attention est constamment sollicitée. Pendant les cours, tu es censé.e écouter la parole de la personne debout là-bas, et pendant toutes les pauses tu pratiques la sociabilisation avec les petits camarades. Jamais de vagabondage solitaire, jamais d'instant entre toi et toi même, jamais de repli au creux du coquillage. Les premiers soirs je posais mon corps derrière la porte d'entrée et je ne pouvais plus bouger, j'étais vidée. J'avais l'âme en toupie et en panique d'être tirée, étirée, déséquilibrée, malaxée. Où le repos, où le renouveau des cellules, où la lumière ?

Hier il m'a appelée, il avait besoin d'une silhouette pour un projet d'école. Il a toujours des prétextes parfaitement saugrenus pour me revoir. J'écoute sa dernière trouvaille le sourcil levé et le sourire narquois, je ne fais pas de commentaire sur son intention, il justifie très bien le fait de me solliciter. J'ai, comme d'habitude, ricané, je ne sais pas ce qu'il se raconte au moment où il choisit mon numéro dans le téléphone, c'est évident que je suis la fille des vents.

Sam et Eli me manquent. Je ne souhaite ni amoureuse ni amoureux mais parfois j'ai la nostalgie de la complicité. De cette autre chose également : la connaissance. Savoir l'autre, ce n'est pas rien.



(mardi) 15 février #7

(22:24) Ce matin je me suis réveillée et j'avais deux tout petits boutons d'acné, un sous l'oeil et un près de la bouche. Ce n'est pas leur endroit de conciliabule habituel mais soit. Je les ai regardés et j'ai pensé : C'est la valse des migraines qui démarre. J'ai jeté un oeil au calendrier dans mon application menstruelle : dernier jour d'ovulation. Le début des emmerdes, quoi.

Après, je n'ai pas supporté l'humain. Ielles m'ont toustes énervée, j'avais envie de mordre, de dire Merde, d'être méchante, de crier. A la pause de midi je me suis barrée parce que j'étais profondément excédée, je faisais des boucles dans ma tête et tout le monde était un abruti, comme j'étais à quelques secondes de dire mon poison à voix haute et claire, j'ai mis de l'absence sur ma chaise et je suis allée voir ailleurs si personne n'y était.

Assise avec la musique au milieu des plantes je me suis rappelée comme hier, j'allais bien. Comme j'étais centrée, apaisée, contentée. J'ai pensé que c'était de la merde, les hormones. J'ai vécu trois jours heureux, équilibrés, et PAF, le retour de la soupe rance sur son lit d'irritabilité.

J'ai 32 ans et je commence, parfois, à identifier dans mes océans des marées qui ne sont pas que de ma composition. Je commence à voir qu'il y a des courants et des phénomènes chimiques qui ne relèvent pas de mes talents de chorégraphe.

J'ai si souvent, à mes sautes d'humeur et mes changements de météo, pensé que j'étais folle, malsaine, inapte, dégueulasse.

Adolescente, j'ai traversé des horizons putrides que rien n'expliquait. J'aurais aimé savoir que j'étais un cocktail d'hormones en tempête, et que cela affectait mon existence, ma capabilité, mes perceptions et le bâti de mes pensées.

J'aurais aimé pouvoir dédramatiser. J'ai beaucoup pensé de moi que j'étais un monstre.

Je ne le pense plus désormais, même si aujourd'hui, j'étais, comme je le dis souvent, dans mon humeur de tueuse.

Ces jours de ma vie où quand tu m'emmerdes, je te décapite.

A ne pas tester sans surveillance.



(mercredi) 16 février #8

(21:58) Je n'ai pas fait ce qui était prévu, je n'ai pas fait ce que je devais faire. J'étais attendue de l'autre côté du pont avec un crumble, et en arrivant chez moi pour repartir quelques tours de montre plus tard, j'ai senti que je n'avais pas la force. J'ai avalé un cachet contre la migraine qui m'embrassait tout doucement la peau du cou depuis des heures, et je me suis assise au milieu du lit. J'ai envoyé un message pour annuler ma participation au repas. J'ai pris une douche, je me suis réassise au milieu du lit. Je me suis promis de me relever, de ranger l'improbable chaos de la cabane sous les toits, je me suis promis de boire toute la soirée, de manger, et de commencer un tri. Je n'ai rien fait de tout ça, j'ai été au téléphone. Tout le temps au téléphone.

Il est 22h et je suis un peu abattue, nauséeuse, faible et furax. Rien de tout cela n'est pertinent, à part bien sûr la perte de repères parce que j'ai mal à la tête et la faim qui me traine au sol. Pour le reste, il est absurde d'en faire une histoire : je suis têtue et butée. C'est une évidence que lorsque je ne veux pas être là où je suis attendue (comprendre : garder le contrôle sur mon quotidien, faire mes cartons), je n'y suis pas. Il est évident que si je décide de tout vivre dans la catastrophe de l'urgence, faire un drame de qui je suis et de qui j'ai toujours été ne sert ni ne dessert.

Je suis grise de fatigue, collante de transpiration et j'ai mis des graines plein le lit. Évidemment, que je rêve d'une meilleure version de moi-même. Demain, sans doute ?

C'est ce que je me dis tous les soirs. Demain : mieux.

Et toi, tu te dis quoi ?



(jeudi) 17 février #9

(20:52) J'ai été dans un marais mauvais toute la journée, noyée de colère et de violence, j'aurais voulu crier. Tout était insupportable. Quelques de mes camarades connaissaient des états assez similaires au mien, rapport que l'interrupteur de ma rage était notre formateur du jour. Quelques autres savaient mais relativisaient. Les bavardages des dernier.es, celles et ceux qui planaient, me donnaient des bouffées de chaleur. J'avais la mâchoire serrée et j'étais incapable de participer à quoique ce soit. Mon corps hurlait fuite et mon visage fermé suintait haine. Partout, j'ai essayé d'être là où il n'y avait personne.

Après, je suis montée dans ma voiture et je me suis assise au bord de l'étang, puisqu'il a fait soleil et doux toute la journée, un goût de printemps. J'ai essayé de me réjouir. Mais je me suis demandé ce que je foutais là, à la campagne, pourquoi est-ce que je n'étais pas à Berlin avec Léopold au bout du chemin. Pourquoi est-ce que je n'étais pas à Lyon avec Flo au bout du téléphone. C'est quoi mon appartenance à ce territoire ? A qui percer un tympan le soir après les cours quand je vomis les gens, quand je suis ivre de tempête ?

Je crois que l'on peut dire avec une certaine certitude que je suis en période pré-menstruelle, tout m'épuise, je passe de la haine à la tristesse à une rapidité effarante, j'ai besoin d'amour de tendresse de complicité bavardée autant que je veux être tue, roulée en boule intouchable et intouchée.

Ça fait deux semaines déjà que je ne t'ai pas croisé, tu m'emmerdes à ne jamais rien proposer, ça me ferait tellement d'oxygène et de lumière nos corps enlacés. Ces jours-ci, je suis à deux clics de t'imprimer tous les textes qui racontent notre histoire depuis mon alphabet. Ça va te tomber dessus un de ces quatre, c'est sûr.



(vendredi) 18 février #10

(rattrapage) J'ai oscillé toute la journée entre les longs moments où je restais connectée au présent et les courts instants où tout me semblait insurmontable et j'avais la tristesse en excès.

Je n'ai jamais imaginé rester toute la soirée dans le froid sur les tables en bois loin du feu. Quand je suis rentrée, glacifiée dans chaque endroit de l'épiderme, je me suis endormie comme une buche de bois, toute habillée, lumière allumée.

J'ai dit, le matin, dans le brouhaha de la salle de greffe, qu'on était obligé.es de faire des blagues de cul si on voulait rester intégré.es. Après, les camarades sont venu.es me voir sans cesse en appartée, toute la journée, pour savoir pour me demander pour me rassurer.

Je n'ai pas pensé ne pas être intégrée. Je me connais, je sais que je peux facilement rapidement me désintégrer. Je suis la mauvaise élève. Les autres certains jours me pèsent.



(samedi) 19 février #11

(22:42) Il a fait beau aujourd'hui alors je suis restée parfaitement immobile sur le quart de lit baigné de lumière. Je crois que j'étais d'humeur dégueulasse, franchement lourde et un peu moite. J'ai essayé en vain de me mettre en branle mais y'a pas à dire, je n'ai pas foutu quoique ce soit du matin au soir.

Par contre, j'ai passé du temps à imaginer comment ça serait de te niquer (toi, toi ou toi). Le soleil sur ma peau sensible d'hiver m'excite. J'ai décliné plein de scénarios, le lit, la voiture, l'étang, la Loire, sous les toits de chez toi. Avec le garçon de l'année, avec toi que je n'ai jamais touché, avec toi que je ne connais pas. J'me suis raconté du silence, des murmures, des ondulations, des soupirs, du plaisir, de la joie et de la connivence.

J'aime mon âge, j'aime mon expérience, j'aime affuter mon rapport au corps, et si je ne suis pas complètement sortie des marécages, j'aime sentir de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps le sol sous mes pieds.

Un jour, il n'y aura que de la baise heureuse et décomplexée, des gens à sucer lécher embrasser fêter respirer attacher et célébrer, des personnes à mettre en couleurs en odeurs en reliefs et en sueur, un jour il y aura autant à offrir qu'à recevoir,

en attendant ça fait trois semaines que je n'ai pas collé ma silhouette nue à un être vivant consentant,

et pardon, mais ça va commencer à faire long.

La dernière fois que je l'ai vu, je me faisais des shoots de la peau tendre de son cou, je devais me douter que j'allais être rationnée.

Quel incroyable sixième sens, Louise, tu es épatante.



(dimanche) 20 février #12

(11:38) Hier j'ai écrit que je n'ai rien foutu, ce n'est pas vrai et c'est intéressant de faire le constat de ce que ça veut dire, désormais, dans une vie où tout va moins pire, ne rien faire. Certes, je n'ai pas fini de ranger l'appartement et je n'ai absolument commencé aucun carton ni aucun tri. Et c'était ça, qu'il fallait que je fasse. Mais je me suis levée, je me suis lavée, j'ai tressé mes cheveux, j'ai fait du feu, j'ai consulté les annonces locatives, j'ai bu plusieurs théières, j'ai fait revenir du quinoa dans du beurre, j'ai rincé la salade, j'ai cuit deux oeufs, je me suis assise au soleil pour manger, j'ai dansé, j'ai rangé l'appartement, je suis montée dans ma voiture, j'ai acheté des légumes de l'autre côté du fleuve et j'ai fait une lessive, que j'ai étendue en rentrant. (J'ai bien sûr regardé beaucoup trop de séries, cela va de soi.)

Dans certaines vies que j'ai vécues, faire bouillir de l'eau pour un thé, c'était trop. Dans certaines vies que j'ai vécues, cuisiner était la victoire de la semaine. Dans certaines vies que j'ai vécues, je dormais toute la nuit et quatre autres fois encore au cours de la journée. Dans certaines vies que j'ai vécues, créer le mouvement nécessaire pour aller faire les courses me vrillait le coeur et me déposait aux portes des crises d'angoisse.

Hier, je n'ai pas rien foutu. Je n'ai pas accompli ce qu'il était nécessaire d'atteindre dans ma journée, c'est vrai. Mais je me suis lavée, habillée, nourrie, hydratée, coiffée, et j'ai même été un peu hors de la maison.

Je n'ai pas été optimale et recommandable, mais je ne crois pas que cela soit si grave. Je me contente de peu. C'est, il me semble, le trait dominant de mon caractère, quand il s'agit de moi à moi. Je fais avec ce qu'il y a.



(lundi) 21 février #13

(21:27) Il est l'heure de commencer un rituel de nuit, éteindre les lumières, se caler dans le lit. Pourtant j'espère encore faire la vaisselle, préparer les ingrédients du smoothie, pousser deux trois cartons. J'essaie d'inspirer et de ne pas couler, mais ça commence à devenir compliqué dans ces jours chamboule-tout. Aujourd'hui, chamboulé l'emploi du temps de formation, chamboulés les profs de la semaine, mais sais-je si l'examen de la semaine prochaine chamboulé aussi sera ? Aujourd'hui, chamboulé le planning de déménagement, chamboulé le lieu de stockage, mais sais-je si maintenu et combien pour où ?

Je l'ai invité à prendre une sieste chez moi, il a répondu que ça s'étudiait. Je ne l'ai évidemment pas vu. Ça aurait été bien je crois. Je suis en manque terrifiant de corps, je crois que ça va devenir la récurrence de mes mots, je ne sais pas combien de fois déjà j'ai évoqué cela ces derniers mois. Je radote comme une camée détraquée. C'est désormais une petite boucle que je me passe quand je fatigue : je pense aux très rares personnes que je serre à moi pour dire bonjour et au revoir. Je me rappelle que je vais les croiser un de ces quatre et que cette étreinte me sera une respiration.

Tout à l'heure dans la voiture un voyant s'est allumé et il était rouge, il ne faut jamais rouler avec un voyant rouge je le sais mais j'ai continué, et tout le trajet je pensais à Berlin et à nos corps amis, je n'ai pas l'amitié tactile mais enfin il y a eu tous ces humains qui l'avaient plus que moi et qui m'ont embarquée. Corny le tout premier, Corny le premier corps de ma vie, Sonja sans doute après, un jour je lui ai fait une tresse et elle s'est blottie contre moi j'ai cru ne plus jamais respirer, et puis Ruby surtout, j'ai cette photo de son visage et ses cheveux en cascade sur mes genoux, Ruby invitait le corps partout. Et puis Lea, Basta, Kilian, Hande, c'était pas rien ces collègues qu'on tripote tous les jours du monde, tous les jours du monde l'embrassade, tous les jours du monde la main sur le bras, la main dans le dos, la main sur la hanche, la main sur le mollet.

Il y avait Léo mon couillon de Léo qui prenait un plaisir immense à me serrer étouffade et à ne pas me lâcher. Aujourd'hui, c'est moi qui en redemande.

En fait, la liste serait infinie, parce qu'à part ma cheffe et la vendeuse de légumes du marché, je crois que tous mes réguliers berlinois sont passés entre mes bras.

Je ne supporte pas ce quotidien sans corps. C'est un désastre. Toustes ces camarades que je n'ai jamais effleuré.es. Toustes ces ami.es dont je ne connais pas la tiédeur.

J'ai un manque viscéral, ça me déchire, ça me tracasse, ça me taraude et ça me hante. S'il était venu pour la sieste ça aurait été bien, tu vois ?



(mardi) 22 février #14

(22:34) Je suis ahurie, sonnée, cloche. Je suis nébuleuse, vaporeuse, orbitée. Je suis fatiguée, à côté, en plein dedans.

J'ai mal dormi cette nuit. Il faut dire que les draps sont pleins de miettes et qu'il y avait de quoi vivre du tourment dans l'inconscient. Je n'ai pas réussi à me hisser hors du lit au matin, alors j'ai juste mis un café à cuire et je suis partie. Je ne bois pas de café, c'est la boisson des invités. J'ai avalé la moitié de la petite cafetière italienne, ça m'a fait du bien. Sans doute que demain je recommencerai la même.

J'ai pleuré pendant les travaux pratiques, je suis allée m'asseoir sous un sapin. Je ne sais pas regarder au delà des drames, je ne sais pas me projeter au jour où ce ne sera qu'un souvenir, parce que, comme j'expliquais à Alice : oui, bientôt toute cette semaine tempête sera derrière moi et elle n'aura pas été insurmontable, mais l'épuisement, lui, je le garde contre moi. Et c'est ça qui me fait vriller. La fatigue qui me caillasse l'esprit.

Je suis en flottaison.



(mercredi) 23 février #15

(23:55) J'avais éteint la lumière et puis j'ai murmuré dans un souffle excédé "Oh putain mon journal". J'ai poussé la couette et j'ai attrapé l'ordinateur posé là. La cabane sous les toits est presque vide et je suis un petit peu ivre. C'est agréable, j'ai chaud partout dans le visage et j'ai l'âme qui flotte. Je ne ressens pas l'alcool ailleurs dans mon corps,

oh

non

je suis à la dérive - si je me laisse réfléchir je perds le fil et je vais m'échouer aux sujets qui me frustrent qui me fâchent qui me cassent qui me tristent.

Je voulais pourtant juste écrire que j'étais bien, dans ce camion, bien, au centre de mes deux pitres, bien à poser ma tête sur son épaule et bien à faire l'étreinte, que c'était bien de ranger ces cartons et d'avoir une emmerde en moins sur l'échine

Mais il est 23:59 et si je me laisse éveillée je vais broyer des gravats, j'ai une certaine tendance à ça, toujours chercher le caillou qui râpe la langue, toujours chercher le sable qui raye les gencives

je le disais tout à l'heure : je souhaite édulcorer mais je n'ai pas de recette miracle, c'est un immense chemin celui de faire de moi une existence moins négative

il est minuit 2 et il faut dormir



(jeudi) 24 février #16

(22:15) Je me suis faite pulvériser par une amie qui au départ me présentait ses excuses de m'avoir claquée bien sévère et sans détour, qui finalement a eu besoin de m'atomiser une deuxième fois. Je me suis faite pulvériser par un camarade de classe à qui j'étais en train de dire qu'on pouvait faire attention à lui et à sa lassitude de la dynamique du groupe. Je me suis faite pulvériser par une camarade de classe après notre exposé qui a fait un carton. L'accidentée de mon été 2020 m'a appelée pour me raconter une histoire glauque à mourir et elle avait oublié qu'elle m'a fait subir la même chose exactement, la similitude est ahurissante. Je lui ai dis : tu sais que cette histoire que ta colocataire vient de vivre, tu me l'as faite à moi ? Elle a répondu : je ne me souviens pas je crois que je vais vomir.

Il était 16h quand les autres revenaient de pause et que j'ai senti que j'allais hurler sitôt tout le monde arrivé il n'était pas l'heure que la journée soit finie quand j'ai senti que j'allais envoyer ma table à l'envers de travers dans les dents en culbute

Alors j'ai mis mes affaires tranquillement dans mon sac et j'ai dit au formateur : je pars parce que je m'apprête à devenir quelqu'un d'agressif que vous ne voulez pas voir

Je me suis assise dans ma voiture et j'y ai passé 70 minutes, immobile, les mains sur le volant, complètement sonnée par les deux derniers jours, complètement assommée par ces deux mois 2022

Et c'est la première fois que je refusais de démarrer le moteur, je n'avais que 6 minutes de route mais je ne me faisais pas confiance.

Je n'étais pas en tremblements ni en pleurs en panique en vrille en balancement, j'étais un gigantesque écran blanc traversé d’acouphènes, j'étais en état de choc, et j'avais peur que sur la route du fleuve tout à coup le couvercle explose en morceau et que je ne puisse éviter un éclat des bouquets d'artifice

J'ai eu un sms de réconciliation un appel bienveillant une visite consolante une conversation inattendue des messages vocaux un croquis doux

Je me souhaite la première nuit de sommeil complète depuis le début de cette semaine lunaire. Je me souhaite un cessez-le-feu de l'âme, toutes les nuits je me réveille en nage et en rage, j'ai la colère qui me tient éveillée, il faut dire qu'aujourd'hui j'ai tellement été canardée et trouée, j'espère être exténuée jusqu'à demain



(vendredi) 25 février #17

(rattrapage) Je n'ai pas été capable hier soir de déplier l'ordinateur, j'avais réussi à mater un départ de migraine en fin de matinée et en fin d'après-midi la nausée des maux de tête est apparue pour réclamer son dû. Je suis restée prostrée dans le coin gauche du canapé, j'ai fait du portable jusqu'à épuisement, je me suis glissée dans mon lit et j'ai dormi.

Le poêle s'est mis à bombarder une chaleur insupportable, les plantes et moi on étouffait, j'ai rêvé fenêtre ouverte, j'aime le froid quand je suis blottie dans la couette épaisse et moelleuse.

Je m'apprête à l'informer que c'est fini, que je ne veux plus le voir. J'ai l'humeur aux ruptures et aux éloignements. Il manque trois fois rien pour qu'il reste mon régulier, il suffirait qu'il m'écrive parfois, qu'il m'invite, qu'il propose un rendez-vous. Depuis une année, il ne le fait pas. Je ne suis pas celle qui résoudra l'immense fossé entre les pensées et les gestes imaginaires qu'il fait vivre en lui, sans compromis avec son silence assourdissant. J'ai tellement ajusté pour garder sa compagnie, j'ai tant revu mon attitude et mes attentes. Je ne peux pas revenir sur tout. Je veux être désirée et désirable.

Je préférerai sa peau et son odeur. Nous avions résolu les tensions et les conflits, j'aimais nos moments raisonnés, raisonnables, intelligents. Il y avait eu une évolution. Je pouvais me contenter de la tendresse du présent et d'une discussion à cœurs ouverts de temps en temps.

J'ai été franchement seule ces dernières semaines, un de plus et deux de moins, je crois que je tiens la barre quoiqu'il arrive.



(samedi) 26 février #18

(tard) Je lui ai écrit que je souhaitais que nous cessions de nous voir et il a répondu qu'il comprenait que j'en ai marre, qu'il espérait qu'on ait l'occasion de discuter de tout ça en face à face, qu'il était désolé encore pour plein de trucs.

Je ne veux pas le revoir parce que je ne cesse pas de le désirer. Parce que ça n'aura aucun sens que de faire semblant de le bouder pour l'embrasser vingt minutes plus tard. Je souhaite juste quitter cette embarcation où je suis seule à œuvrer pour deux. Je n'ai, aujourd'hui, absolument pas l'intention de ne pas picorer à la peau de son torse si je devais l'avoir aux alentours.

Je lui ai écrit que j'étais en colère et que je n'avais pas envie de revenir vers elle ou d'arranger quoique ce soit. Elle a eu la même temporalité que la dernière fois, d'abord des excuses, et puis après, elle me dit qu'elle ne souhaite plus recevoir de messages ni avoir de lien avec moi. Elle conclut par "Bonne continuation."

" Tout à fait, va bien te faire foutre Amandine " est la phrase que je n'ai pas ajoutée à notre conversation. Je suis scotchée par l'étendue des libertés qu'elle s'est accordée. D'abord de me secouer sans ménagement, ensuite de décréter ce que j'avais compris de notre promenade houleuse et d'affirmer ce que je pensais d'elle, après de me mettre un ultimatum et enfin de me signifier une mesure d'éloignement.

Dans. le. plus. grand. des. calmes.

S'il est évident et non questionnable que je l'ai blessée et qu'elle est déçue, l'absence magistrale de remise en question à tous les stades de cette fin de relation ET le fait qu'elle fasse le procès d'anciennes amies à travers moi, me fait doucement ricaner.

Je voulais que l'on parle de nous et de l'amitié,
pas qu'elle projette des vieilles merdes sur moi
à des endroits qui ne sont même pas pertinents.

Donc, oui, toi aussi, comme Xavier une matinée de février, je te tends un bon vieux doigt d'honneur des familles.



(dimanche) 27 février #19

(21:46) J'ai l'intention d'essayer un sommeil dans quelques minutes pour me lever à l'aube demain et charger la voiture avant d'aller en cours. Il faudrait que je finisse ou un deux cartons. Que j'ouvre le cagibi pour la première fois et que je fasse le constat de ce qu'il renferme. Je n'en reviens pas de mon talent que je connais et sous-estime pourtant : cette aptitude sublime à remplir à ras-bord mes logements sans que jamais ça ait l'air d'une catastrophe, sans que ce ne soit désagréable. Si je savais que je ne devais en aucun cas minimiser l'envergure des objets que j'ai réussi à empiler dans la cabane sous les toits pendant une année et demi, je n'en reste pas moins surprise du chaos qui m'entoure encore, après avoir vidé l'appartement par les pieds mercredi soir.

Je ne panique pas, pourtant l'étendue de mon retard est impossible à rater. Je m'en tape je crois : je n'ai aucune miette de respect pour ma propriétaire, et je viens de vérifier, les formateurs que j'ai lundi après-midi et mardi matin non plus ne m'intéressent pas. Alors au pire, je tirerai à pile ou face à qui je fais faux bond.



(lundi) 28 février #20

(16:18) Quelle plaie, finir ce journal sur une débandade généralisée, sur une glissade théâtrale dans la cave. Je crois que je n'ai regardé personne dans les yeux aujourd'hui. J'ai l'orbite morne qui traine au sol. Je ne me suis pas vue non plus sombrer dans l'angoisse, je croyais être à la surface des choses, ancrée. Peut-être que les nuits hachées d'heures sans repos m'auront mise dedans. Je suis fébrile, tremblante, pleureuse, toute la journée en train de basculer. Je bois du café pour ne pas m'endormir alors j'ai le palpitant. Par peur de craquer, j'ai tout verrouillé, il me semble être complètement en apnée, il n'y a plus rien qui entre, plus rien qui sort, je suis devenu un organisme imperméable. Au milieu des autres et hors du monde. Dans quelques minutes, la journée de formation s'achève, j'aurais tenu jusqu'à 17h, c'était un challenge. Ce soir, un marathon, encore un, il faut aller vider la voiture, les plantes toute la journée au soleil vont m'en vouloir terrible, et puis rentrer une ultime fois, pour les derniers cartons, cette fois les derniers de derniers il ne peut plus y en avoir après, et le rangement, et le ménage.

Si je ne l'avais pas quitté il y a deux jours, je lui aurais sans doute écrit, peut-être sollicité, quelque chose comme : Hey, je suis à bout de moi, est-ce que tu viendrais jusqu'à la cabane sous les toits, je veux bien passer une heure de tes bras.

Ou peut-être pas. Qui sait.

Il est 16:29, je suis sans force, mais on le sait, toi, moi, que comme d'habitude, ca va le faire dans un sens ou dans l'autre et qu'un jour ces mots ne seront plus une réalité, mais une archive à relire.



(mardi) 29 février #épilogue


Cher journal des 20, on était bien, non, hein ? J'ai un peu de mal à te regarder t'éloigner, je suis triste, je préférais quand tu étais là, j'ai l'impression d'avoir encore plein de choses à te raconter et j'ai sans doute un peu la trouille des jours à venir. C'est qu'il s'en est passé des vertes des pas mûres des colorées et des pochées, pendant ces 20 jours. C'est que je l'avais vu venir, ce mois de février tempête girouette galipette.

Je n'ai plus de logement, plus d'amant. J'ai perdu une amie, un camarade de classe. Il y en a un que je retrouverai, l'une c'est sûr que non, et l'autre, et bien. Tu sais, s'il venait à moi, de quelque manière, je dirais oui, hein. Je ne suis pas soulagée ni en accord de lui avoir dit qu'il suffisait.

Il est certainement temps de rencontrer sérieusement ailleurs. Seulement, avec ma fenêtre relationnelle extrêmement précise, inventive, exigeante, ce n'est pas non plus si facile. Ça se joue à peu de choses, avec le garçon de l'année 2021. Tant pis. Je l'espère encore un peu. Un matin, je me serai fait une raison.

J'aurais aimé te parler du sucre, cher journal des 20, j'aurais aimé qu'on se regarde dans les yeux et qu'on se dise que j'ai complètement perdu les pédales mais que c'est autorisé parce que ça a été très dur de rester bien droite bien vivante et bien adulte. Tu vois, ça me fait pleurer de t'avouer ça, j'hyperventile et je m'effondre. J'ai été carrément et démesurément shootée au sucre tout le jour et toutes les nuits pour tenir le cap, je pigne pour des goûters aux heures de pause, je murmure le mot chocolat sur tous les tons pendant les cours, j'ai acheté la pâte à tartiner aux éclats de crêpe dentelles six cent fois ce mois, et là, si Serge n'avait pas laissé des biscuits sur la table basse, je serai passée à la boulangerie. C'était ma ligne de mire depuis 15h30 : quel sucre ce soir ?

Ça va être un tel challenge, de redescendre de ça. Je préfère ne pas y penser tout de suite, d'accord, tu veux bien ?

Est-ce que je t'ai dit que j'ai vidé trois fois ma maison en six jours et que ce week-end on déménage la vie de Pat et la mienne et que la semaine d'après ce sera la vie de Pat la vie de Louise la vie de Flo ?

Est-ce que je t'ai dit que je suis fatiguée, très, très, très fatiguée ?

Je voudrais Sam, je voudrais Eli, je voudrais Antoine. Je crois qu'il y a Balthazar dans mon sac. Je déconne. Je ne crois pas, je sais.