24 octobre 2016

Dans l'appartement, l'humain qui utilise vraiment l'infrastructure disponible des 38m2, c'est l'amoureux. Ça a beau être chez moi, chez moi se limite au fond du lit. Le reste, c'eeeeeest. De le place pour mettre le bazar. Du coup, très souvent, il fait les allers-retours entre la bouilloire et le lit, la cuisine et moi. On est devenus experts en extraction de Louise du lit. Le lit est à un mètre cinquante du sol et il fait deux mètres de largeur. Il me tire avec une main et me charge sur son dos, me dépose directement sur le frigo, dans la cuisine, c'est d'un pratique ! Quand je suis au fond du lit, je suis vraaaaaiment loin dans des éternités d'oreillers et de couvertures. Et l'amoureux vient toujours au bord de mon bateau-lit comme ça, ses épaules et sa tête, me ravitailler, me demander des trucs, me dire au revoir.

L'autre fois, il s'apprête à partir, il a ses mains sur le matelas, je vois juste ses bras et sa tête de bébé, et il me demande Louise, tu me dis au revoir ? Depuis que je suis avec lui, je suis devenue un humain très drôle, j'ai jamais eu autant d'humour de ma vie, c'est fou comme j'ai désormais un sens aigu de la blague. Il me demande Louise, tu me dis au revoir ? J'ai baissé lentement mon pyjama et je me suis tournée lentement pour lui montrer mes fesses. Je l'ai regardé et j'ai dit Voilà, au revoir. Je vous avais prévenus, Louise, un rare exemple de finesse.

Aujourd'hui, on fait du shopping sous la pluie pour lui trouver des ballerines moelleuses pour ne pas voir froid aux pieds chez moi. En haut d'un escalator, je lui dis Ça va bientôt faire un an et demi qu'on est ensemble.
- Ça te faire peur ?
- Non.
- Tu te sens prisonnière ?
- Non.
- Tu as l'impression de rater des choses en étant avec moi ?
- Mais eeeeeenfin qu'est-ce que tu veux que je rate, je suis avec toi, j'ai tout ce que je souhaite !
Il a souri doucement, a fait son regard de timide vers le sol et a dit
- Uuuuhuuuu.
(Comprendre : "Oh, que je suis touché !")

Plus tard, dans un autre magasin, j'étais en train de choisir des biscuits sans gluten mais avec plein de sucre dedans, et il m'a dit, Louise, tu te souviens l'autre fois quand je suis venu te dire au revoir au bord du lit et que tu m'as montré tes fesses ? J'ai pensé la même chose que ce que tu m'as dit tout à l'heure, je rate rien du tout, rien du tout en étant avec toi ! Oh la la la, pendant toutes ces années, j'ai espéré ça, j'ai attendu quelqu'un comme toi, mais Louise, tu es la feeeeeeemmmmmeeeee de mes rêêêêêêêves.

Franchement, on est carrément rodés côté déclarations au rayon chausson et au rayon biscuits de Neukölln.




4 octobre 2016

Je suis un petit être de la déprime. Parfois, je me décris comme paresseuse. C'est parce qu'il est plus compliqué de se décrire comme vidée d'énergie.
Je suis triste et en colère. Ce matin, quelque secondes après avoir ouvert les paupières, j'ai commencé direct à ranger mon appartement. J'avais pour objectif de sortir dans la demi-heure, pour aller faire quelques photos. En même temps que je mettais de l'ordre dans mon bazar de la veille, je faisais chauffer un reste de riz et de légumes pour avaler un truc avant de partir. J'étais au taquet.
J'ai mangé, donc.
Et depuis, je suis enroulée dans mon lit, zéro énergie, envie de vivre dans un trou pour les cent prochaines années, qu'on m'oublie. C'est toujours graduel. Je mange. Et puis je me dis, "oh, j'ai envie de m'asseoir un peu dans le lit", et puis, en fait, je m'allonge, et puis en fait, je me dis que ces deux oreillers sont vraiment ce qu'il m'est de mieux arrivé dans cette vie, et puis, en fait, je réalise que je viens de me lever après une nuit complète de sommeil, que je ne peux donc pas être fatiguée, et que pourtant, toutes mes cellules me disent " HEY VIENS ON VA DORMIR TOUTE LA JOURNÉE CA VA ÊTRE COOL ", et je pense à l'amoureux à qui j'ai dit qu'on allait au marché, et j'angoisse parce que je sens que je ne vais pas pouvoir sortir de l'appartement, et je comprends pas à quoi joue mon corps pourquoi il pèse de tout son poids contre moi mais qu'est-ce que j'ai fais pour mériter ça.
Quand je mangeais encore du gluten, je dormais la nuit,mais je dormais le jour aussi, j'étais tout le temps déprimée et maussade, agressive à l'intérieur et à l'extérieur. Quand j'ai arrêté le gluten, j'ai repris des couleurs, j'ai cessé de dormir la journée, je me suis dit que je n'étais pas dépressive et que c'était une très bonne nouvelle, j'ai eu la sensation d'avoir le droit à une deuxième vie.
Quand je mange du sucre, je me prends toujours un coup de masse derrière la tête, je suis étourdie, je me sens lourde, j'ai de vagues maux de tête diffus et envie de me réfugier là il n'y a pas trop d'humains pour m'emmerder.
Et là, tu sais, dans le lit tout à l'heure, je pense à tout ça, ça commence grave à tourbillonner, je sens comme je suis en train de fusionner avec mes draps et comme ça va être le drame pour sortir de là. J'ai depuis longtemps abandonné l'idée de faire des photos aujourd'hui, tu l'auras compris.
J'ai demandé à l'amoureux de m'appeler et j'ai pleuré parce que je suis fatiguée de me battre pour vivre contre mon corps qui ne veut pas aller où je veux, qui ne veut pas faire ce que je veux. Mon corps veut son indépendance pour se vautrer dans une piscine de chocolat tiède où somnoler pour l'éternité.
C'est pas vraiment mon idée de la vie.
Il y a des jours où je ne sais plus, où je ne sais pas.
Je vais mettre mon doudou dans mon sac, enfiler un pantalon et aller au marché voir si l'amoureux veut bien de moi entre ses bras, j'ai l'âme en berne, des larmes sur la langue et envie de dire Oubliez-moi.
 
 

2 octobre 2016
 
 
J'ai encore pleuré au café aujourd'hui
incroyable
j'aurai du tenir un cahier de bord des larmes
dans ce boulot !
il y avait assez de monde
(c'était plein, je veux dire)
il y avait la journée d'hier 
que j'avais un peu pas avalée
il y avait une collègue
dont le comportement 
était plus que nul à chier
-
et puis, il y a eu le lave-vaisselle,
ce génie de la journée,
qui a arrêté de fonctionner
un lave-vaisselle qui fonctionne pas, 
dans un restau, c'est la merde
mais ! un lave-vaisselle qui fonctionne pas,
un dimanche midi pendant un brunch,
avant d'accueillir un groupe de 25 personnes
pour un anniversaire,
c'est plus la merde, en fait, 
c'est simplement le naufrage annoncé.
on a commencé à faire la plonge à la main,
on était 4 sur le coup, là où normalement ne bosse qu'une personne
et tu vois, dans ces cas là,
je fonce la tête sous l'eau sans respirer,
je suis en mode taureau,
je vis la situation à 600%,
j'ai le cerveau qui voit tout qui entend tout,
le moindre client qui bouge qui parle qui tousse qui,
j'arrive pas à faire abstraction
et puis, à un moment,
y'a un technicien qui est venu
DONC JE TE RÉSUME
on est à 4 personnes au dessus d'un évier,
y'a trois tables autour de nous
pleines de vaisselle sale empilée
et en plus, y'a un guignol qui se met à bricoler
il a démonté le lave-vaisselle
derrière le comptoir, 
on peut plus passer,
plus travailler,
le café est plein,
ça doit fait deux heures que j'ai pas respiré,
à un moment, le guignol dit
" c'est bon, ça marche "
je le regarde
" t'es sûr ? "
il me dit
" ça fait 30 ans que je fais ça, ça marche "
alors j'ai commencé à rire,
nerveusement,
le dos contre le comptoir,
j'ai ri
j'ai fermé les yeux
et nerveusement,
j'ai commencé à pleurer aussi
et j'ai senti
tout mon corps
aller à l'abordage
des larmes
j'ai fait volte-face
j'ai traversé le café
j'ai traversé la rue
je me suis assise sur le trottoir
ET BORDEL QU'EST-CE QUE J'AI PLEURÉ
OH LA LA LA LA QU'EST-CE QUE J'AI PLEURÉ
Le technicien, en partant,
il m'a vue adossée au grillage,
il est venu s'asseoir deux minutes,
franchement, il a été chic, 
non seulement, il a sauvé notre dimanche,
mais en plus, il a pas oublié d'être un humain.
et de nos jours, ça se salue !
merci, l'ami !
 

 
24 septembre 2016
 
Je fais déguster des yaourts carrément délicieux aujourd'hui, de carrément bonne qualité, et j'ai pleins de parfums. 
Pendant une heure, je me suis plantée, et j'ai annoncé le parfum châtaigne comme étant abricot, et le parfum abricot comme étant châtaigne.
Personne n'a relevé. 
Il a fallu que ma propre gourmandise me fasse remarquer mon erreur.
Non mais sérieux, ils ont tous les papilles en vacances ou quoi ?
Littéralement: je pourrais leur faire avaler n'importe quoi.
 

24 septembre 2016
 
Moment de grâce: mon vibro est tombé en rade de batterie à l'instant où j'ai joui.
 

13 septembre 2016
 
(Ça frappe à la porte)
Bonjoooour ! Je suis ton infection urinaire numéro 4831, laisse moi entrer !
(Elle s'installe dans mon lit)
Aaaaaah je suis contente de te rencontrer, on est bien chez toi ! J'ai eu une note interne, les filles se sont pas fichues de moi. Bah, pourquoi tu me regardes comme ça ? Tu ferais bien d'aller te faire un thé, la journée va être looooongue hahaha. Je suis à peine désolée de te réveiller si tôt, je suis insomniaque et j'aime pas être seule. Ça me fait plaisir d'être là. Tu dois aller bosser bientôt ? Je viens ! Ça va être chouette, je m'entends déjà super bien avec toi.
 

 
11 septembre 2016
 
Quand la musique est devenue forte et que je me suis rendue compte que je n'avais pas de boule-quies, j'ai bien failli pleurer, assise sur le trottoir. 
Mais je me suis relevée, et de mon plus beau déhanché j'ai marché jusqu'au Hilton. J'ai dit au garçon de la réception: 
- Vazi, j'ai mal au tympans, file-moi des bouchons. 
Il a répondu :
- Grave, grave !
Ils sont comme ça au Hilton, sympas et détendus. Pas comme mes acouphènes.
 

10 septembre 2016
 
L'été n'a pas été calme. La rentrée est remplie. Je ne sais pas où je vais, ni comment y aller, j'ai la tête pleine des pierres et des arbres de l'été. Berlin m'emmerde mais il faut bien que je compose avec. J'essaie de rester concentrée sur mes pieds, de rester tranquille, de ne pas paniquer, de ne pas me laisser aspirer, je cherche la discrète, je ne fais pas trop de bruit quand je vis.
J'ai l'impression qu'à tout moment, tout peut devenir géant et me balayer. Je suis si petite. Je me concentre sur les insectes qui habitent mes tomates et les événements mesurables en centimètres : la moisissure dans le fond de la casserole, les progrès de la patate douce le long du ruban, le vernis bleu qui s'écaille sur mes ongles, les acouphènes de mes oreilles qui grandissent.
Je pense souvent aux lèvres de l'autre garçon, celui que j'ai assez envie d'embrasser. Ça ne m'est pas arrivé depuis le dernier hiver, d'avoir envie d'ailleurs. C'est bien agréable, le désir pour l'inconnu. Ça me démange, de palpiter, d'avoir chaud au ventre et de fondre pour rien. J'ai envie de tomber amoureuse. Je suis déjà amoureuse. Je pense souvent à cette bouche que je ne peux pas prendre. Elle ne fait pas parti des accords avec l'amoureux. C'est un peu frustrant, pour une fois, (une !) que j'avais de l'attirance. J'aurais aimé y croire un peu plus que si vite fini. Même s'il ne s'était rien passé, tu sais, juste y croire ? Tu te laisses bercer, tu espères, tu rêves un peu. Il y a cette brise fraîche qui toque à ta tête, un parfum que tu imagines parce que tu ne le sais pas, ça t’enivre tiède, tu y penses tellement que parfois c'est écœurant.
J'ai envie de bras poilus et d'une étreinte forte, d'un humain qui soit inconnu et dont la découverte me fiche en pagaille, je ne suis jamais libre dans l'inconnu, l'inconnu me désarme et me laisse à terre. Moi qui aime tant le contrôle, je ne cours pas à mes failles.
Pourtant, en ce moment, j'ai envie de me mettre à l'envers.
L'été n'a pas été calme,
J'ai oublié de me nettoyer,
De défaire et abandonner le costume,
- J'ai tellement envie de me mettre à l'envers.
 

25 aout 2016
 
J'ai la chouine plus grosse que mes valises. Après le vol du portable et la panne de voiture, bienvenue à Orly. Orly, cet aéroport où j'ai si souvent dormi : j'arrivais tard par le dernier train et je repartais tôt dans le premier avion. Dans l'entre-deux, je me glissais avec une pointe d'excitation dans un des fauteuils du grand hall qui surplombe le tarmac. Et je passais la nuit là, avec les autres oiseaux voyageurs qui se bricolaient un nid de quelques heures, un peu dans tous les sens, les uns à califourchon sur deux fauteuils, les autres allongés sur la moquette orange, certains glissés entre deux plantes. Je passais le temps de ma correspondance entre somnolence et ennui, lovée dans un duvet, mon ordinateur sur les genoux. L'aéroport était plongé un temps dans une semi-obscurité que seules les voix des agents d'entretien bousculaient.
Je viens d'arriver à Orly et quel choc de découvrir qu'il n'y a plus de moquette orange accueillante, ni de fauteuils ronds, ni de plantes, ni de prises électriques ! Mais un grand hall froid de carrelage qui couine, quelques bancs ridicules avec pleins d'accoudoirs pour entraver les dormeurs, et on y croit à peine, mais : la promesse d'une batterie bientôt éteinte. Oui, oui, on est en 2016 et il n'y a pas une seule prise électrique fonctionnelle.
Je suis triste de ne pas être restée sur le souvenir doux de mes nuits ici, et la prochaine fois, c'est sûr, je prendrai le bus.
 

15 aout 2016
 
C'est dingue, comme, en matière de relation, je préfère parfois ne pas écrire par peur de précipiter... Si j'écris que je n'ai pas envie d'être amoureuse, et que plus tard je me désamoure, est-ce que l'avoir écrit m'aura accéléré le processus ?
Alors je n'écris pas.
Je ne suis pas heureuse de mes semaines hors Berlin. Les autres fois, j'ai couru partout, j'ai découvert la France, je me suis cognée à pleins de portes inconnues et j'ai rebondi avec joie dans la solitude. Les autres fois, j'étais jeune, sans filet, aventurière. Pas toujours de bonne humeur, pas toujours reposée, pas toujours bien nourrie, mais j'avais le vent sous les fesses. Un sacré courant d'air, un joyeux contraste avec l'immobilisme de moi dans Berlin. 
Et cette fois-ci, qu'est-ce que je fais ? Je ne sais pas. Je patauge dans le fond de ma tête, je ne suis nulle part, dans aucune aventure, dans aucune solitude; je n'ai pas été bousculer des paysages non répertoriés, je n'ai pas trouvé un trou où me compter tranquillement les rayures de la tête. Je stagne.
Je dors dans de vrais lits et je suis bien nourrie, mais j'ai les pensées méchantes, les pensées qui me jettent des reproches, qui me sifflent, qui me disent On t'emmerdera jusqu'au bout ! J'ai les pensées qui me traitent de vieille peau, me demandent pourquoi je suis encore là où je suis, pourquoi je ne suis pas de par les routes, pourquoi j'ai pas ma carte de France dans le rétroviseur et le pouce en l'air, pourquoi j'entends le chien des voisins pleurer la nuit plutôt que chanter les cigales.
Mes pensées méchantes me mettent à sac, et moi, reine des nouilles, je les laisse faire. Plutôt que de leur dire de me fiche la paix et d'aller jouer avec leur crottes de nez, je les écoute. Elles sont frustrées, je les comprends, je leur avais vendu un plus bel été, mais ce n'est pas grave, c'est ce qu'il faudrait leur expliquer. Je n'y arrive pas. Et pourtant, ce n'est pas grave, non ? Il y a un temps pour tout, c'est bien ça ? Cette fois ci, c'est rendez-vous avec l'attente, c'est peut-être un grand rendez-vous de vie qui arrive bientôt, un vrai beau virage, un virage bien serré. Et qu'en attendant de savoir à quoi s'en tenir, c'est comme ça un point c'est tout. Et que si elles sont bêtes comme des gamines capricieuses, elles sont libres de partir. Ça me fera des vacances.
(Haha, trop drôle, non ? "ça me fera des vacances" alors que je suis en vacances, c'est pas un peu de l'humour ? Je tiens le bon bout, là ?)
Toute la soirée j'ai eu envie, par cycles de dix minutes, de pleurer, crier, me mettre en colère-colère, ou alors, dans d'autres cycles de dix minutes, tout m'était égal, j'étais l'indifférence incarnée. Si j'ai mes règles demain, on se dira TU M'ÉTONNES, n'est-ce pas. Et sinon, on sait bien que j'ai un petit vélo sans pédales au milieu du cerveau, on n'est pas surpris.
J'ai appelé l'amoureux six fois pour ne rien dire. Pour ne vraiment rien dire du tout, je veux dire, je l'ai appelé pour me taire. Grosse maline. Après m'être flanqué des crampes à six ou sept organes différents et avoir pleuré un peu, j'ai tout dit. Tout de tout et franchement, à mon avis, il ne danse pas sur les toits, l'amoureux. Je lui ai fait la totale : je m'aime pas, je suis saoulée et saoulante, je n'aime rien, il ne me manque pas et je m'imagine pas le prendre dans mes bras, j'ai envie d'être seule, j'ai pas envie d'être en couple. Je te la fais courte, mais à lui, je l'ai fait longue. Une heure et demi de téléphone portable depuis la terrasse jusqu'à Berlin, la facture va être salée, mon fournisseur va se régaler. Tout ça pour avoir mes règles demain...
Je fais l'idiote. Ça a duré une heure et demi, et ce que je veux dire, c'est que tout ce que je lui ai déballé, ça faisait des jours que je me disais " Bah quand même, écrire ce serait peut-être bien..." Mais je n'osais pas, par peur qu'écrire une non-envie fasse réellement disparaître l'envie. Je suis preneuse de toute explication scientifique rationnelle à base de "L'écriture d'un doute chez l'individu humain n'a jamais propulsé ce doute à l'état de vérité, dans toutes les populations étudiées à travers un millénaire". Comme je suis très rationnelle, je suis rassurée par les trucs rationnels, tu vois.
Je sais que tu me vois faire le pitre, mais que tu sens bien que mes crampes d'organes ne sont pas encore passées, que je me donne du mal mais que je suis toujours un peu tourmentée. C'est vrai. Mais tout de même, me tricoter la pire facture téléphonique de mon existence aura eu du bon. J'ai dit à l'amoureux que j'allais certainement être chiante, mais que déjà, j'envisageais de lui faire un bisou sur la joue.
Et un bisou sur la joue, c'est bien, c'est tout.
 

10 aout 2016
 
Depuis que je suis en France, je raconte n'importe quoi à tours de bras. Dernier exemple en date : il y a cinq minutes, j'ai demandé à ma mère d'arrêter de sourcer les froncils.
 

7 aout 2016
 
Chers amis de Montsabert ! Louise a une annonce à vous faire !
" Dimanche, tôt.
Montsabert, le 7 août.
J'ai un soleil tendre sur la nuque. Il fait beau ce matin à Montsabert. J'ai marché pieds nus sur le chemin, et tout est d'un calme ! Il n'y a que les oiseaux et les insectes pour peupler le silence. De temps en temps, on croise un vélo. Une voiture. Pas souvent. Parfois, l'impasse se transforme : vous êtes arrivés avec vos bavardages et vos rires.
Hier, j'ai lu à haute voix et pour quelques personnes assises là, la "Lettre à un amoureux", petit recueil de mes écritures. On était au jardin, sous les arbres, et je ne m'attendais vraiment pas à ce que ce moment soit si doux, si plein. Je ne m'attendais à rien, en fait. J'ai été surprise. J'ai été ravie.
Montsabert est un point de repère pour belles personnes. Hier a été une journée riche, remplie de passages, de rencontres qui font du bien, de rencontres qui laissent la lumière allumée derrière elles. Quand vous avez visité une âme, désapprenez vos réflexes écologiques. Quand vous avez visité une âme, partez en laissant la lumière allumée ! C'est comme ça que la joie reste, diffuse, tranquille. On peut regarder sereinement quelques instants encore de petits sourires flotter autour de soi.
Ici, j'adresse un grand merci sonore à tous les humains de la journée d'hier ! Ce fut une belle peuplade de personnes, qui toutes, portaient un peu de beauté et ont la bonté de la partager.
La maison et son jardin sont vendus.
Ma maman et son café-librairie déménageront fin septembre, une jolie famille viendra prendre demeure dans ce qui est encore un lieu de rencontres improbables. Le café-librairie va renaître ailleurs, emportant avec lui toute sa clique de légumes de saison, de livres frais, d'artistes d'occasion, de lectures épicées, de spectacles à la vapeur, de visiteurs appétissants, de poésie à volonté. Pas de panique, rien ne se perd ! Le concept a bel et bien vocation à vous donner rendez-vous ailleurs. Montsabert fût le premier volet de l'histoire. Mais quel volet !
Un volet grand ouvert, pour laisser passer les couleurs et les étincelles de vie.
Si donc vous deviez faire quelque chose ces prochaines semaines, chers amis de l'ouest, chers baroudeurs des lointains, si vous deviez n'avoir qu'un seul rendez-vous : poussez la porte de Montsabert. Ce n'est une impasse que pour le cadastre.
Venez habiter les dernières journées, demandez la programmation, rendez cette fin de saison douce, grande et tendre, que ce chapitre se termine sur une belle et dernière ligne festive.
Oui ! Avant de découvrir et soutenir le café-librairie dans son prochain nid, avant que le changement d'adresse ne soit effectif, venez découvrir ou regoûter encore et encore à ce cadre enchanteur, aux vibrations apaisantes du tuffeau, à l'incroyable légèreté de ce jardin entre ciel et terre. Escapadez-vous, retrouvez-nous mais surtout retrouvez-vous dans la petite cour intérieure de pavés et de fleurs, l'adresse est en bas, cette lettre n'est pas une invitation, cette lettre est une joyeuse convocation !
A très bientôt, donc.
Tendrement,
Louise. "
 

3 aout 2016
 
J'ai le corps entier du bout de l'orteil à l'extrémité du cheveu qui tapage kerusten dans chaque battement de cerveau. Je me suis allongée sur le canapé, j'ai couvert mes paupières, j'ai essayé de donner une bouchée de repos à tout ce monde, mais rien à faire, j'ai le fond de la tête en essorage automatique, pas moyen d'arrêter la machine. J'ai la fièvre des marais, je veux des bottes dans la boue et de la boue sur les joues. Berlin, je ne sais pas ce qu'il va se jouer entre nous, je te martèle depuis une éternité que je n'aspire qu'à te quitter, tu ne me crois même plus, mais petit gars, si je reviens, si je reviens tu sais, ce sera plus que tout à contre-coeur, à contre-sens. Ce sera enchaînée et avec la nausée. J'ai pensé qu'on avait un sursis toi et moi, un bout d'histoire encore à broder, j'ai imaginé que c'était la paresse qui m'avait noyée, que j'avais perdu ma bienveillance pour tout ce que tu as de beau. Oui, non, non, c'est sûr, peu importe ce qui va venir, tu ne m'apprivoiseras plus jamais.
Douce ville, drôle de capitale, ce n'est pas le premier faire-part de rupture que je t'envoie, mais celui là vient de si loin. Un instinct animal. J'ai vu mes amis s'en partir de toi, revenir, s'en mêler, fuir, s'en trouver. 
Je vais sans doute encore me cogner à tes fenêtres, comme un insecte qui ne sait pas, je vais peut-être encore errer, hésiter, me tromper, aller ici et retourner là-bas. Mais.
Désormais, les arbres, c'est une certitude. 
Je serai roulotte au fond des fossés.
Et toi Berlin, tu veilleras, tu grandiras, tu embelliras d'autres âmes, c'est ça.
 
 

27 juillet 2016
 
Je viens donc de passer 17h sur l'ordinateur. J'ai les yeux qui hénissent et le cerveau qui a la nausée. Demain je pars un mois et comme chaque veille de départ je fais n'importe quoi. C'est assez fou de toujours buter aux mêmes endroits, se prendre les mêmes murs, manger les mêmes palissades, encore et encore. J'ai écrit un mail d'anniversaire minable à papa et j'ai même pas appelé Sonja que c'est son anniversaire aussi. J'ai les aisselles qui ruissellent à la pensée de demain. Est-ce que je vais me balancer d'avant en arrière les bras autour des genoux ? Est-ce que je vais pleurer un peu ou beaucoup ? Est-ce que je vais traîner dans la douche comme un bébé zombie ? Aujourd'hui, rien à faire, j'ai été cousue au lit. Et demain ? Chaque fois que je pense concrètement aux gestes qu'il va falloir faire demain, j'ai le cœur qui me fait un battement à l'envers, qui pompe en marche arrière. Ça me flanque un de ces vertiges, t'imagine même pas. Con de cœur.
 

 
 26 juillet 2016
 
L'amoureux est descendu de mon lit et sorti de mon appartement et il est même pas 08h. Après, on ne se voit pas pendant trois semaines.
Entre le couloir et la cuisine, j'ai posé un nouveau décret.
- C'est nul, c'est trop tôt, plus de départ le matin à l'aube.
- D'accord, plus de départ le matin à l'aube.
- Non mais tu vois genre pour une semaine on s'en fout. Mais là trois semaines et tout c'est trop bizarre on n'est pas vraiment réveillés, on pue de la gueule, on peut même pas se faire des salives de bisoooooous.
(il rit)
- Je suis sérieuse, hein, normalement là on se ferait des salives de bisous.
Il est parti, j'ai enfilé un long tee-shirt et j'ai fais un peu l'idiote sur le balcon pendant qu'il décadenassait son vélo.
Ma traduction de "salives de bisous" est en français assez approximative, mais je suis assez fière de ma création allemande qui est le mot "saberei". C'est une chouette mot, saberei. Je l'utilise très très souvent. 
 

25 juillet 2016
 
Je suis face à un sérieux problème. Il me semble avoir eu quasiment le même l'année dernière. Je fais mon sac à dos et je m'apprête à partir un mois avec des fringues bleues, vertes, blanches ou noires. Rien de rouge. Tout au plus un pantalon orange. La question est : est-ce que je survis sans fringues rouges ?
 

 
17 juillet 2016
 
Quelle incroyable journée de merde. Un dimanche comme ça ne devrait pas être autorisé. Ce matin à 8h, j'ai du géré notre chef de cuisine qui a complètement pété les plombs et était en apesanteur dans des vapeurs d'alcool ou de drogues. Particulièrement pénible. 
Pendant les deux heures de préparation du brunch et de mélodrame avec ce cher collègue j'ai eu mille fois envie de balancer dans les fourrés le cuisto italien en plastique qui est devant la porte. Mille fois envie. 
Tu sais ces espèces de nains vraiment moches, vraiment pas classes, qui ne servent à rien d'autre qu'indiquer une pizzeria passée de mode et certainement douteuse ? Notre chef de cuisine en a ramené un il y a des semaines, et l'a mis devant la porte du café. Depuis, pas moyen de virer le gnome, et pourtant on en rêve. Le meilleur dans l'histoire ? On vend même pas de pizza. 
Bref. Début de service catastrophique. Après, j'assure comme une reine, et puis rebelote, fin de service qui part grave en cacahuète. Je serre les mâchoires pendant une heure et arrivée chez moi, je pleure à en avoir la nausée. Si sur le chemin de la maison, un mec m'avait fait la moindre remarque, avait fait le moindre bruit de bouche à mon passage, je te jure que je l'aurais démoli. J'avais une haine à fracasser les trottoirs. 
Bref, bref, je suis dans mon lit particulièrement vide et vidée quand je reçois un mail de notre cheffe, qui a redistribué les services de la cuisine dès demain et demande confirmation de tous. Monsieur l'emmerdeur de ce matin ne fera évidemment pas apparition cette semaine. 
Me vient alors une idée. J'envoie un message à mon collègue "Hé, dis, tu veux pas planquer le nain en plastique au fond de la cave ce soir quand tu fermes ? Genre, derrière les tables et les ustensiles du brunch, tooooout au fond ? Si ça se trouve, personne va le remarquer, et il restera à jamais enterré dans le sous-sol... "
J'ai reçu pour toute réponse "ok". 
Petite joie. Légère incertitude aussi. Osera-t-il vraiment ?
A peine quelques minutes plus tard, mon portable vibre. Je reçois une image de grand bazar immense éclairé par le flash d'un portable. Il m'a fallu une concentration extrême pour reconnaître entre table, chaises, peintures sur toile et casseroles en métal, l'oreille du pizzaoïlo en plastique. 
IMMENSE VICTOIRE. BÄÄÄÄÄÄM GIGANTESQUE. LOUISE PRÉSIDENTE. J'ai sauvé mon dimanche à ma façon.
 

26 juin 2016
 
J'ouvre une sucette en forme de cerise
L'amoureux demande
- Tu as fini le chocolat, non ?
- Non, jamais de la vie !
On parle d'une tablette de chocolat qui était dans le frigo depuis hier soir. Comme si une tablette de chocolat avait une chance de survie de plus de quelques heures, ici. Comme si on avait déjà vu une tablette de chocolat restée entière à la fin de la journée. 
 

15 juin 2016
 
Journée de merde dans une semaine pourrie.
Le soir, j'accumule les heures où je me répète je-veux-pas-dormir-mais-il-faut-dormir. 
Hier je bricolais des tuteurs pour mes tomates de rue quand un papi est tombé d'un coup d'un seul sur le trottoir. Des garçons l'ont relevé et on l'a tenu debout pendant deux minutes et il n'y avait pas la moindre once de force dans ses jambes et réussir à le faire s'asseoir a été tellement compliqué. Et je me suis retrouvée là avec ce papi adorable qui saignait du bras et qui ne comprenait rien du tout du tout des choses très simples que je lui disais, oh bordel, il m'a tellement fait peur, il m'a fichu une trouille pas possible, je me suis dit s'il est en train de clamser devant ma porte d'entrée avec moi, ma main sur son genou et de la terre sous les ongles, s'il fait ça, ça ne va pas du tout du tout. 
Et puis les pompiers sont arrivés et ils l'ont emmené, sans les sirènes ni rien, l’ambulancier m'a juste dit "ça va". Ça faisait des minutes entières que je consolidais ma construction de bambou avec la flippette du siècle, l'ambulance garée juste derrière moi, "ça va" c'était bien, mais c'était pas assez.
Tout à l'heure au café, j'ai commencé à perdre les pédales profondément, j'ai senti le sol partir sous mes pieds et je me suis enfoncée dans une boue d'estomacerveau. Le genre de marécage qui m'emmène aux crises d'angoisses. Dos aux clients, je mordais mes joues mes lèvres avec les yeux pleins de larmes et j'ai fais une listes des possibilités face à moi : 
- respirer et reprendre le contrôle tranquillement. La blague. 
- courir dans le parc en face du café et pleurer derrière un arbuste. Déjà fait. 
- descendre dans la chambre froide et hurler comme une folle. Déjà fait.
Je me suis dit que je n'avais jamais cassé intentionnellement quoique ce soit au café. J'étais en train de réfléchir. Est-ce une bonne idée. Quelle tasse ou quel verre ? Comment faire ? Simplement laisser tomber, au sol, comme ça ? Et si ça ne casse pas ? Misère si ça ne se brise pas du premier coup ça va me rendre folle, mais les clients vont capter, je ne peux pas ramasser la tasse et la rejeter au sol, c'est juste pas possible. Et puis cette femme est entrée dans le café avec cet air pressé et est venue direct au comptoir. Oh punaise ce que je l'ai détestée. Pourquoi elle ne va pas s'asseoir tranquillement sur une putain de chaise attendre que je vienne la voir quand je serai putain en état de le faire, hein ? Si elle avait commandé un cappucino, j'aurais géré. Mais sérieux, me balancer dans un souffle, comme s'il ne lui restait qu'une seule respiration, qu'elle aimerait avoir un jus d'oranges pressées et une part de quiche ? UN JUS D'ORANGE PRESSÉES ET UNE PART DE QUICHE ? J'ai serré les mâchoires et je me suis retournée pour prendre une assiette pour sa putain de part de quiche.
Et là, mon bras est parti tout seul et l'assiette a volé contre les frigos. Explosion derrière le comptoir. Un beau feu d'artifice de porcelaine. Ça été le cri de rage le plus silencieux et le plus court de tous mes cris de rage.
Le vol d'une assiette sur 60 centimètres.
La seconde d'après, j'ai pris une deuxième assiette et j'ai coupé une jolie part de quiche.
 

13 juin 2016

Quand il y a une grosse bête volante qui vient butiner les fleurs de ton balcon avec un bruit de mini tracteur, tu te sens infiniment honorée. MES FLEURS DIGNES D'ÊTRE BUTINÉES ! C'est la joie à tous les étages.
 

11 juin 2016
 
L'amoureux vient de me raconter que la maman que l'on croise si souvent dans le quartier l'a invité. Invité à. (à ce que vous voulez). C'est la deuxième en peu de temps à être directe et sans détour. La deuxième que je connais.
Ça me racle le fond de la tête si fort, j'ai l'humeur qui vient de dévaler la montagne sans parachute.
L'amoureux ne comprend pas pourquoi ça me casse la baraque. Il m'a demandé si je voulais toujours qu'on ait une relation ouverte. Bien sûr, de l'évidence, que ça n'a rien à voir.
Mais que ces deux personnes là, dont je connais le visage et la voix, soient au bord de mon horizon, ça me gratte la rétine. C'est hors de question qu'elles s'approchent plus, c'est tout. Je n'ai pas envie, je ne veux pas. Je veux qu'elles aillent butiner ailleurs. Loin même, et vite serait mieux.
Je ne veux pas, les croisant demain, voir dans leur regard cette ponctuation de l'attente, ce souffle retenu du suspens. Ni sentir dans leurs fins de phrases l'envie, le désir, la curiosité. Je refuse d'être témoin de ce petit jeu au détour d'un échange de banalités.
Ce garçon plait et ça me déstabilise toujours. Qu'est-ce que je salade ? Ça me déstabilise parfois. Je m'y amuse plus que le contraire, beaucoup souvent. Je partage, j'éclabousse, je ris aux éclats de ses histoires de rue, des accostages à l'abordage qu'il me raconte. Mais quand il plait aux humains qui croisent mon chemin, alors là, il semblerait que je sache tout à coup plus vraiment rien.
Je suis jalouse, je ne comprends pas et j'ai peur. Je veux pas qu'il se fasse draguer, charmer, emporter. Je lui souhaite de se sentir beau et désirable, je lui souhaite la légèreté et les frissons de se savoir appétissant; mais pas par celles et ceux dont je pourrais saisir, au détour d'un mouvement, la paupière frétillante.
Frétillez ailleurs insectes et asticots. J'ai des dents et je mords.
 

 
7 juin 2016
 
VICTOIRE DÉCISIVE DE LOUISE MARKISE SUR LE MONDE TERRIBLE DE LA RUE.
Je téléphonais avec des trucs dans les bras partout du coup j'ai fait tomber mes framboises par terre. Je les ramasse toutes sauf deux, trop abîmées, et chantonnante, je les laisse au bord du petit jardin à côté de moi.
La nana qui fume sa cigarette à ma gauche, me regarde méchamment, prends les deux framboises et les balance sur le trottoir en grommelant dans sa mâchoire de porte de prison.
Moi : Je ne pensais pas que deux petites framboises allaient nuire aux plantes.
Elle : Avec cette chaleur ça va pourrir.
En partant, je lui lance "Parler aimablement, ça aide"
Dans mon dos, elle grommelle un truc de relou des trottoirs à l'allemande que je ne comprends pas.
Je reviens sur mes pas, décider à faire profiter de ma bonne humeur à tout le quartier
- Si tu me parles aimablement, je vais avoir envie de m'excuser et de te souhaiter gentiment une bonne journée !
(et là elle change direct d'attitude, j'ai sursauté même)
- Pardon d'avoir été ronchon. Mais tout le monde balance ses trucs et ses machins dans les fleurs.
- Je sais, j'ai aussi un petit jardin de l'autre côté de la rue et je passe mon temps à le nettoyer. Je suis désolée pour les framboises, je ne le referai pas. Je te souhaite une bonne journée !
- Merci, à toi aussi.
Je suis partie en faisant coucou de la main.
Je l'ai vue sourire sur la dernière phrase.
ELLE A SOURI.
 

31 mai 2016

Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah je suis CONTENTE ! Je viens d'aller arroser le jardin au pied de l'immeuble et il a fait chaud et pluie ces deux derniers jours et il y a plein de petites choses qui sortent de terre, du côté des fleurs et des pois, et je crois aussi du côté des tournesols, et les câpres sont dans une forme magnifique avec des feuilles d'un vert éclatant ! JOIE ! JOIE ! JOIE !
Cette aprèm, j'ai semé des graines dans la jungle sauvage au milieu de l'avenue entre les voitures, et les hommes de l'épicerie du rez de chaussée m'ont applaudie.
Je veux dire... ils m'ont applaudie !
Je suis réconciliée avec le quartier. Du côté nord du trottoir, on a peut-être moins de soleil, mais au moins, on est cool.
 

31 mai 2016

Je crois qu'ils le font exprès. Ils abattent les murs, retournent le béton, creusent les sous-sol à 08h tous les matins. Une fois que tout le monde est bien réveillé avec un goût de gravier sous les paupières, les ouvriers s'assoient et papotent dans l'arrière-cour et te parasitent le cerveau à coup de grosses gueuleries sans intérêt aucun, ils s'interpellent pour ne rien dire, ça crie ça résonne ça use. Et quand il est 10h et que tu es bien à bout, que ton corps t'envoie des signaux d'épuisement de milieu de nuit en plein jour, que tes orteils sont collés à tes lobes d'oreilles, les gars partent en pause et le silence revient. Je les hais cordialement.
 

17 mai 2016
 
En ce moment, je fais des choses assez bizarres avec l'amoureux. Je lui dis que non, on ne va certainement pas faire des gosses, mais je discute avec lui de la langue dans laquelle on s'adressera à nos monstres et des normes que l'on choisira quant à l'utilisation des portables/tablettes/ordinateurs. J'ai mes règles aujourd'hui, est-ce que ce bug de la pensée est imputable à cette phase de quelques heures ?
Et puis, tombée de nulle part, assez improbable, j'ai l'idée de me remettre dans mes photos, de les chercher, de les retrouver, de les regarder, trier, dépoussiérer, travailler... et de les mettre en ligne. Ha ! Ça fait un an maintenant que rien ne se passe du tout. Mon site internet est toujours porté disparu et les quelques jolies photos que j'ai faites l'été dernier sont... dans un disque dur quelque part ?
Franchement, c'est pas sérieux.
Du coup, je me demande, est-ce que ce truc saugrenu de vouloir me mettre à jour dans les images, c'est parce que j'ai mes règles aussi ?
 

 
1er mai 2016
 
Le jour où tu réalises que tu as, il y a trois semaines déjà, complètement oublié l'anniversaire de ton ancien meilleur ami, de ton ancien amoureux, du garçon que tu as préféré sur la terre pendant si longtemps. Que lui, il s'en fout certainement, qu'il n'a jamais aimé son anniversaire, qu'il n'a jamais voulu qu'on lui souhaite. Que de toutes façons, il se barrait toujours loin quelques jours avant pour être bien sûr de pas être emmerdé. Mais que toi, tu as aimé, lui souhaiter. Que c'était aussi, bêtement, à peu près le jour de début de votre relation. Et bêtement, encore plus, à peu près le jour de fin. Tout ça, en 2016, pouf, oublié !
Le plus drôle ? Je crois que ça m'est revenu dans la mémoire ce matin quand facebook m'a dit dans un coin de l'écran que c'était l'anniversaire de mon tout premier amoureux, celui avec un prénom de fusée. Mes yeux ont balayé l'information, je suis partie bosser, mon cerveau n'a pas vraiment enregistré mais juste assez pour que le faux-contact de mes souvenirs fasse surgir un peu de lumière.
Bon, du coup, j'ai un doute intersidéral - Son anniversaire à Corny, on est d'accord, c'était le 11 avril ? Pas le 11 mai ? Ni le 12 ? Ou c'était le 12 avril ? Oh, fais chier, Louise. Tu me fais chier, Louise.
 

26 mars 2016
 
Mon amoureux et moi, on est bien.
On a une chance de fous furieux parce qu'on a envie des mêmes choses, dans les mêmes proportions et qu'on a beau être très différents, on va dans la même direction. On a une relation ouverte depuis le printemps, et avant, on ne se disait rien du tout. C'était secret défense, fais-ce que tu veux, mais arrange-toi pour que je n'en sache jamais rien.
Finalement, j'ai fait la révolution, et maintenant on se dit tout. Il m'a raconté les humains qu'il a rencontrés et je lui ai dit les garçons avec qui j'ai fait l'amour, ou ceux à qui j'ai fait des câlins.
Des fois je le regarde et je vois juste un ami. Je n'ai pas le sentiment amoureux qui me fauche les poumons. Comme je suis sincère mille fois trop, je le lui dis, du coup je lui fiche la trouille. Moi, ça ne me fiche pas la trouille. Je découvre à peu près tout et la moitié de tout avec lui. Mon corps, les corps, les mots, les intentions, les gestes dans les mots, toutes les idées que la société a mises dans ta tête et tous les jugements dans la tête des gens et comme tu peux essayer de t'affranchir, et comme tu peux essayer de faire de vrais choix.
J'ai l'impression, à mon échelle, de faire de vrais choix. Comment j'ai envie d'aimer, comment j'ai envie d'être aimée, comment j'ai envie de communiquer et comment j'ai envie d'être. Alors, certes, quand je le regarde parfois et que je ne me sens pas spécialement amoureuse, que je me coupe les ongles des pieds et qu'il flippe sa race parce que je n'ai pas fait preuve de beaucoup de tact en lui exposant les sensations qui me traversaient, certes, on pourrait perdre les pédales, je pourrais m'arrêter sur l'arrière-goût de malaise qui s'est invité, on est à deux respirations de s'emballer pour de bon et c'est la panique générale.
Mais, en fait, quoi ? En fait, rien du tout. Ce soir là, je ne me sens pas très amoureuse, mais je me sens follement amie. Dans un lieu sûr. Tendre. Je me coupe les ongles des pieds en mode pas sexy du tout et je m'en fous. Et je crois, je suis convaincue,
que c'est ce qui fait la force de notre lien, aujourd'hui, dans cette vie.
De lui faire me raconter en détails sa dernière partie de jambes en l'air, de l'aimer à la chamade un matin et de l'envoyer balader le soir, d'avoir besoin de lui tout le temps et puis aspirer à être seule trois éternités, de le regarder tout à coup comme un ami et d'être de retour en amoureuse deux jours plus tard, d'avoir envie de faire l'amour trente fois par jour et puis plus du tout pendant dix jours.
Je crois que c'est ce que j'aime, puisqu'on admet quelque part que notre corps a une vie qu'il faut respecter, ses limites, ses envies, ses fatigues, ses peurs, on admet aussi que nos sentiments ont une non-constance qu'il faut respecter. Nos sentiments ont leurs limites, leurs enthousiasmes, leurs irritations, leurs envies, leurs non-droits, leurs fatigues, leurs peurs, leurs déséquilibres.
Il a une tolérance inquantifiable pour mes humeurs, mes manies, mon caractère. Je me découvre une joie et une euphorie à le regarder vivre sans éprouver de jalousie.
Ce soir, j'ai envie de buter l'espace-temps, j'ai envie de tout exploser contre le mur et j'ai une putain d'envie de vacances de bordel de merde de chatte.
Je l'ai eu au téléphone, je l'ai houspillé pour une anecdote, on est tombés d'accord, après il ne restait que ma mauvaise humeur et mes envies de meurtre à mettre dans la discussion. Je connais pleins de gens qui savent faire quand j'en veux à l'univers. Lui ne sait pas. Dans le téléphone, vraiment, vraiment, vraiment pas du tout. Ça le paralyse, il bredouille, il dit rien, s'il dit quelque chose il ne dit pas quelque chose qu'il faudrait dire. Il me sent avec mon arbalète prête à lui décocher une flèche. Comme du coup il est tétanisé et qu'il reste immobile, je perds patience, j'ai pas que ça à foutre, je suis de mauvaise humeur je vais pas attendre toute la nuit pour me prendre la tête, je vais pas à me mettre à crier, je dis un truc sur un ton sec et je raccroche.
Juste après avoir raccroché, bonjour la gêne collante. On dirait qu'on vient de rompre, mais non. C'est juste Louise qui est d'une humeur massacrante et l'amoureux qui a beau en avoir vu d'autres, s'est laissé impressionné. Si je restais deux secondes toute seule dans ma tête, comme je suis maintenant encore plus en pétard qu'avant le coup de fil, je l'étranglerai. Je me cognerai contre les murs en râlant que Bordel de merde c'est quoi cet amoureux incapable qui me fait des nœuds dans les nerfs du téléphone au lieu de m'aider à éclaircir mes conneries.
Mais, en fait, quoi ?
Mon amoureux et moi, on est bien.
Il ne sait pas du tout me remettre à cheval quand, dans le portable, je me roule par terre comme une demeurée. Dans une autre vie, ça aurait été un vrai problème entre lui et moi.
Dans cette vie aujourd'hui, je me débrouille pour que ce soit chaque fois un problème plus petit. Parce que c'est mon affaire d'humeur à la con après tout, et que si je ne peux pas m'en défaire toute seule, je n'ai qu'à me trouver un humain téléphoniquement capable.
J'apprends à ne pas attendre de lui d'être opérationnel sur toutes les brèches du quotidien.
Parce que mon amoureux et moi, on est bien.
 

13 mars 2016

Parlons peu mais parlons bien.
Il y a un an, je commençais à essayer de passer à un régime sans gluten parce que je me sentais vraiment, vraiment, vraiment mal. Franchement, je n'ai pas fait la maline les premières semaines. Depuis, merci de votre intérêt, ma vie sans gluten et moi nous portons bien.
Je travaille aux Galeries Lafayette, à Berlin. J'y fais la potiche. J'y porte des robes noires, je mets du rouge à lèvre, je souris et je suis polie avec tous les clients, même les stupides, même les odieux, même ceux qui ont des remarques déplacées.
Mais les remarques déplacées de mes collègues commencent à m'user, alors, je me dis, parlons-en ! Je ne mange plus de gluten et j'ai perdu du poids. Sérieusement, sincèrement, je ne m'en étais pas rendue compte jusqu'à ce que ces fameux collègues me le fassent remarquer au mois de septembre, et que l'amoureux, suite à mon étonnement, approuve.
Je n'avais absolument pas besoin de perdre du poids, pas l'intention non plus, je n'en avais même pas fait le constat.
Mes collègues aux Galeries Lafayette me parlent de mon chic, de mon élégance, de mes jambes depuis des années. Je me suis habituée. C'est fatiguant, mais quand on fait la potiche, on accepte.
Par contre, quand j'y repense, ce week-end a été une valse de remarques qui me restent collées au fond de la tête. Plusieurs personnes ont commenté mon physique et m'ont conseillé de prendre du poids, de retrouver des formes. J'ai réagi sincèrement en répondant que je n'avais pas d'emprise sur mon corps et que ces changements n'étaient pas volontaires.
J'hésite, pour le prochaine fois, entre répondre
- Ta gueule
- J'ai un cancer, mais ça va, merci.
Si des amis, je dis bien des amis, pas de vagues connaissances, veulent, avec bienveillance, aborder quelque sujet que ce soit avec moi, je n'y vois aucun problème.
Par contre, messieurs, foutez donc la paix à vos collègues. Quelque soit votre lieu de travail. Apprenez à parler d'autre chose avec elles que de leur coiffure, leur robe, leurs jambes, leurs seins ou leurs hanches.
Et oui, je ferai moi-même attention à la manière dont je m'adresse à mes collègues. Et j'espère que si je suis, d'une manière ou d'une autre, offensante, mon interlocuteur me le dira.
 

4 mars 2016

Il y a quelques jours, sur OKC,
l'amoureux et moi, on matchait à 95%.
Comme on a répondu à pleins de questions, depuis,
là,
on matche à 99%
et 0% d'hostilité
je suis excitée comme une puce !
C'est trop triste, maintenant,
ça ne peut que redescendre.
 

3 mars 2016

Quand tu vas faire un tour sur OKC et que tu vois que l'amoureux a édité son profil et, et ajouté cette phrase, traduite approximativement
" oh, et je n'aime pas vraiment les discussions virtuelles. rencontrons-nous et voyons comment ça se passe "
et que tu souris, et que tu trouves ça trop mignon, et que tu es excitée pour lui et a envie de lui sauter dessus en l'attaquant de chatouilles.
Est-ce que je suis dingue ?
 

27 février 2016

Mon lit est une personne merveilleuse. J'ai un tiède bonheur à nos retrouvailles. Mon doudou est une chose parfaite. Hier j'ai incroyablement pleuré. Il m'a tenue dans ses bras. J'ai tout dégommé avec un vrai potentiel dramatique. Aujourd'hui je suis fatiguée. J'ai les jambes en confettis. Je ne sais pas comment je réagirai, si quelqu'un faisait une vidange de larmes devant moi. Il n'y aurait sans doute que mes bras. Mon lit est moelleux. J'anticipe demain matin et je programme 40 minutes de réveil. Je ne comprends pas pourquoi la vie ne me laisse pas une existence belle et tranquille entre mes draps. Pourquoi il faut toujours et encore se séparer. Ça me brise le cœur, ça me crève l'oreiller.
 

24 février 2016

L'amoureux me racontait avoir eu une discussion, avec quelqu'un qui nous connait tous les deux, et qui sait que nous avons une relation ouverte.
Cette personne a dit, pendant cette conversation, la phrase suivante
" Quand on est vraiment amoureux, quand on aime quelqu'un pour de vrai, on n'a d'yeux que pour elle, il ne nous viendrait même pas à l'idée de regarder quelqu'un d'autre. Quand tu connais l'amour pur, tu n'as besoin de personne d'autre."
D'abord, dans le genre propos bien rétrograde, tu notes qu'on en a une bonne.
Mais sinon, l'insulte, tu la sens passer ou pas ?
Hé dis donc mon loulou, on te laisse le droit de penser comme tu veux et tout, mais sinon, tes jugements à l'emporte pièce, pourquoi ne pas les partager avec des gens que tu ne risques pas de blesser ?
Tu n'as pas l'impression de cracher sur les sentiments des autres ?
L'amoureux ne lui a rien répondu de particulier.
Moi, je m'arrangerai, un jour, pour provoquer cette même phrase, l'écouter calmement, et remettre mon interlocuteur en place méchamment.
Celui-là, et tous les autres qui jugeront de mes sentiments.
" Coucou, regarde-moi, pioupiou, j'ai un truc à te dire : on est que deux à décider de la légitimité de notre relation amoureuse. Sois rassuré, tu n'as aucun droit de regard là dessus, tu peux donc la boucler. Nous, je te promets, on en a discuté, et on est d'accord, un truc de dingue. Du coup je vais aller faire un tour parce que je suis énervée maintenant. Si tu as envie tu pourras t'excuser plus tard. "
 

23 février 2016

Je me suis inscrite sur OKC.
Mon amoureux aussi.
On match à 95%.
 

13 février 2016
 
Salut, si tu n'éprouves qu'un intérêt très limité pour ce profil, le mien, pour cette amitié facebook, je t'invite à me supprimer de tes amis ! J'en serai ravie. Coeurs !
Salut, si tu fais parti des silencieux de facebook et que je te supprime de mes amis dans les semaines qui viennent mais que cela t’attriste, redemande-moi ;) Je fais doucement un peu de ménage, et il y a, beaucoup, beaucoup, beaucoup de contacts ici que je ne peux pas du tout replacer. Ne sois pas vexé. Baisers.
 
EDIT : Du coup, j'ai supprimé quelques 500 profils de la liste des mes "amis". Encore une fois, c'était sans vouloir offenser quiconque. Juste besoin de respirer.
Je ne m'attendais pas aux commentaires ci dessous, et du coup, merci. Merci, merci, merci ? Merci.
Comment dire. Je poste beaucoup. Des photos, plein, des petites phrases, de longues histoires.
Il m'est déjà arrivé que quelqu'un m'écrive pour me dire " ta nudité me dérange, je te supprime de mes amis ".
Tu sais quoi ? Je suis ravie qu'il le fasse ! Si j'étais sûre que chacun de nous, sur les réseaux sociaux, ne se retrouve pas avec un fil d'actualité pollué par des contacts qu'il ne désire pas,
je me sentirai moins fautive.
Je me sens parfois fautive. Pas d'être trop présente dans l'internet. Je le suis depuis 10 ans, et je l'ai toujours été avec abondance, dans différentes formes. Il se trouve, qu'en ce moment, c'est facebook. Je me sens parfois fautive, parce qu'il m'arrive de penser que je suis la pollution de ton fil d'actualité. Que tu n'as pas eu l'idée de mettre la sourdine sur mes blablas.
J'ai cette idée parce que je me rends compte que moi-même, j'ai souvent mis longtemps à réagir aux publications de quelqu'un qui, vraiment, me gonflaient profondément.
Du coup, cher ami virtuel, je suis rassurée quand tu écris en dessous que tout va bien, que je ne tue pas ton silence préféré, 
je suis vraiment touchée que des petites âmes plutôt silencieuses le disent aussi, parce que je n'aurais pas cru,
et si ce n'était pas le cas pour toi, cher ami virtuel,
envole-toi !
Baisers.
 
 

11 février 2016

Demain matin, je me lève à pas d'heure pour me taper une heure de métro pour aller bosser. Le truc impensable quand tu fais parti des trous du cul qui vivent à Neukölln et ne sortent jamais de leur quartier. Je me souviens plus des noms des rues de l'autre côté du canal. Je te jure. Mon vélo pile de lui même, comme arrêté par un mur invisible. Putain, ça va être l'enfer. 55minutes de métro, cette arnaque.



6 février 2016

Ce matin, je sors du métro en courant presque, puisque je suis comme d'habitude, à quelques instants du retard. En m'engouffrant dans les escaliers, je pense à Mike, je cherche vite de la monnaie dans mes poches, fait s'envoler tous mes tickets de métro sur la rue, refuse de les perdre, me mets à leur poursuite, fait s'arrêter un bus, BREF, je finis par arriver à la hauteur de Mike qui est au coin du trottoir, je lui mets des pièces dans la main et alors que je repars du plus belle pour vite vite vite monter dans l’ascenseur, il me dit Les muffins, c'est toi qui les avait fait ?
 Alors là, il me troue la cervelle tellement, que de surprise, je lui réponds que oui. Alors qu'en fait non, les muffins, c'est le cuisinier du café où je bosse qui les avait fait. Mais, prise de court, je balbutie Oui, oui, c'est moi. Les muffins, c'est toi qui les avait fait ? Le con ! Sept semaines plus tard, il m'a replacée instantanément. Incroyable. Et bah, franchement, Mike, s'il avait voulu me faire un cadeau, me " rendre " quelque chose, il ne pouvait pas trouver mieux que cette phrase, un mois et demi après l'avoir vu pour la dernière fois. Les muffins, c'est toi qui les avait fait ? Je suis arrivée au boulot avec un sourire fracassant, une énergie de jus d'oranges pressées, une envie de balancer tout par terre et de dire, POUSSEZ VOUS J'INVITE MIKE AU RESTAU ON VA SE GOINFRER DE MUFFINS. BIIIIIIIIIM !
 
Je ne le vois plus qu'une fois par semaine, le samedi si je bosse aux galeries, je me précipite toujours pour lui donner de la monnaie et je repars toujours à la hâte faire semblant d'être ponctuelle, et c'est à chaque fois le même rituel : sa main, ma main, mon sourire, ses droits dents, mon Je te souhaite une bonne journée lancé joyeusement, son merci, merci, merci, toi aussi et toujours, pour finir, son petit signe de main. J'ai toujours, pris le temps du contact avec sa main, c'est ma façon de lui dire bonjour, ces quelques secondes paume contre paume. Vous savez quoi ? Mike, il a la peau douce. Aussi idiot que ce soit, la peau de Mike a quelque chose de réconfortant. La vie, ailleurs, sous une autre forme, la vie.
 
Et pour être honnête, peut-être qu'il ne s'appelle pas Mike du tout, peut-être que je n'ai rien compris quand je lui ai demandé, l'année dernière. Ça ne vous dérange pas si je continue de l'appeler Mike, en attendant confirmation ? Un prénom mélangé c'est mieux que pas de prénom du tout.



1 février 2016

Vous n'allez pas me croire.
 
J'ai acheté ce petit parapluie jaune à Strasbourg au mois de juin un jour de mauvais temps. Je l'ai oublié chez mon frère, quand je suis partie le lendemain. J'ai chouiné des semaines.
 
J'ai retrouvé le petit parapluie jaune à Strasbourg au mois de janvier, un jour de mauvais temps, encore ! Un coup de vent l'a fait mourir le surlendemain. J'ai chouiné magistralement de magistralement.
 
Aujourd'hui, je viens de finir mes photomatons d'anniversaire et je rentrais chez moi, sous la pluie. Une dame a traversé la rue, et elle avait le même petit parapluie jaune ! Vite !
 
- excusez-moi, bonjour, où avez-vous acheté votre parapluie ?
- en pologne !
- en pologne... oh non... c'est trop loin... j'avais le même, je l'avais acheté en france, et il est cassé et ça me rend vraiment triste.
(elle sourit)
- tu veux le mien ?
- hein ? vraiment ?
- mais oui !
- han ! oui ! merci !
 
et elle continue de traverser la rue

- mais attends attends ! reviens ! je veux t'embrasser !

elle revient, elle rit, je la prends dans mes bras, je crie comme une souris

- tu peux pas savoir comme je suis heureuse, en plus c'est mon anniversaire aujourd'hui, ohlalala, merciiiiiiiiii
- aaaaah ! tu vois ! joyeux anniversaire !

et cette fois, elle est vraiment partie
la tête sous la pluie
pendant que moi, je bloquais complètement,
un petit parapluie jaune dans la main
tombé de nulle part.

AMOUR BORDEL, AMOOOOOUR !



27 janvier 2016


Quand ton tout premier amoureux croise ta maman 
par hasard à un festival de cinéma, et t'écrit

Mais même ta mère t'appelle Louise ? 

Hé oui. Même ma mère.



25 janvier 2016

Pendant cette vadrouille de France, j'ai eu de vrais cadeaux : les clefs d'un appartement, un pot de miel, des repas sans gluten, des photographies, un livre, un porte-clefs, des mitaines, une scie sauteuse, un dvd, du papier cadeau, un pull, une place de théâtre, une fleur en céramique, du temps convivial, de la patiente chaleur, de l'humain beau. 
Et puis, ces trois choses, qui n'étaient pas des cadeaux, mais qui m'ont si touchée. En diagonale & en profondeur.

- Le maraîcher bio du marché de Paris, qui s'est exclamé à mon passage pressé
oh ! un rayon de soleil ! oh ! une étoile filante ! 

- Que tout le monde m'ait appelée Louise en Bretagne. Sans jamais se tromper. Je l'ai sans cesse remarqué, c'était doux.

- Quand un petit homme m'a sauté au cou, alors que j'allais le chercher dans la cour d'une école avec la trouille des baby-sitter : que ça se passe mal. D'autant que ces deux héros miniatures là, je ne les vois plus que deux fois l'année. Mais il m'a vue et, spontanément, m'a couru dessus. Ça m'a rendue invincible pendant 20 bonnes minutes.
 


23 janvier 2016

Dimanche soir je dormirai dans un bus et lundi matin j'arriverai à Berlin. Du coup, bien sûr, je commence à angoisser, à sentir ma gorgé se serrer, à râler plus qu'à l'habitude. J'étais bien, là, ces jours, sans attache, presque intouchable, à déposer partout mon bazar et repartir pendant la respiration suivante. J'étais bien, avec le ciel de Marseille, des Saberts, de Nantes. A Berlin, j'ai perdu le ciel, puisque Berlin c'est ma maison, dans ma tête il y a des murs. C'est bien aussi mais il y a moins d'horizon. 

Lundi je serai à Berlin, et peut-être que j'aurai préféré être à Lyon, à Bordeaux, à Vannes. J'aurai peut-être préféré ne pas rentrer.



18 janvier 2016
 

Conseil de la baroudeuse : avoir avec soi une grande écharpe, un plaid, ou une étole se révèle assez pratique. Ce tissu sans couture, poche, fermeture éclair, ourlet, capuche, manche, saura rendre votre voyage plus agréable. Il n'est pas besoin de l'utiliser comme couverture : la température dans un train ou dans un bus est normalement convenable. Par contre, repartissez votre allié entre les deux sièges de manière à atténuer les arrêtes des fauteuils, la présence du bouclon de la ceinture ou du support de l'accoudoir. Vous pouvez désormais vous allongez et votre repos ne sera pas troublé par quelques douleurs aiguës dans les côtes ou le dos. Tout cela sera si confortable que vous vous endormirez. Tenez, à l'instant, je viens de me réveiller. Mais je suis vraiment équipée : j'ai même un petit oreiller. Mes heures de sommeil sont dans le désordre, mais elles vont bien.
 
Note de train, Strabourg-Angers.
 


2 janvier 2016

BORDEL DE CHATTE J'AI DONNÉ MON SANG C'ÉTAIT PAS TROP TÔT.

Et l'infirmière adorable qui était en train de préparer mon bras, me dit, en voyant mes ongles
Ooooooooooh ce matin il y avait un jeune homme avec du vernis comme vous, alors je lui ai dit Oh, vous, vous avez eu un gage pendant les fêtes ! et il m'a répondu que j'avais tout compris, sa copine avait du le maquiller et lui faire les ongles... Je lui ai dit Elle aurait pu vous l'enlever aussi ! Ça fait bizarre !
Plutôt que de faire semblant de rire, j'aurais adoré lui dire que mes deux derniers amoureux se vernissaient les ongles, que Corny portait même parfois des nœuds dans les cheveux et que ça lui arrivait de se maquiller pour aller bosser.
J'aurais adoré lui dire que c'était un peu nul comme remarque, et que peut-être le jeune homme était heureux avec ses ongles colorés. Heureux, et sans doute incertain aussi. Et que ça aurait été bien dommage d'abîmer son amusement. Que les âmes amusées se portent mieux que le reste du monde.

Mais j'étais en train de mourir d'angoisse à l'idée de l'aiguille dans mon bras et je chantais des airs d'Henri Dès en gigotant des pieds. On ne peut pas tout faire à la fois.

 


1er janvier 2016

Et donc le 1er janvier, un pigeon m'a chié dessus. Ça ne m'était pas arrivé depuis 15 ans. Et le seul appel que j'ai reçu venait d'un numéro allemand inconnu de mon répertoire, parce que j'ai perdu plein de contact. Je décroche : un certain R me parle en anglais, impossible de le replacer, jusqu'à ce que je fasse Aaaaaaaaaah. (Le bruit de ma mémoire quand elle fonctionne une fois toutes les douze semaines)
R. C'est drôle, je me souviens l'avoir rencontré, je me souviens avoir passé une après midi avec lui au lit, je me souviens de ce qu'il racontait, mais je n'ai aucun souvenir du tout d'avoir couché avec lui.
Je passais devant chez toi, je voulais te souhaiter une bonne année...
Je lui dis, ah mais je suis en France, il me demande, mais tu ne vis plus à Berlin, je lui réponds une salade de n'importe quoi, il finit la conversation par Je serai heureux de te revoir.

Ça me plonge dans la perplexité. Je crois que ça remonte à au moins deux ans cette histoire. Il a du depuis m'envoyer trois sms auxquels je n'ai jamais répondu.

Je serai heureux de te revoir. Mais, enfin, il y a pas prescription ?




29 décembre 2015

Je dois quitter mon appart dans très peu de temps pour trois semaines et j'ai passé la journée à ranger et faire le ménage du coup je n'ai pas eu le temps de manger je viens juste de faire mon sac à dos du grand Louise Markise comme d'habitude pourquoi faire simple quand on peut faire stressé

Et là je me dis : si je fais cuire vite fait
deux oeufs et deux patates
J'aurais une petite salade pour le bus cette nuit
J'ai bien deux oeufs. Mais je n'ai pas de patate.

Alors je monte au 4ème étage voir les copains-coloc.
Personne.
Alors je sonne chez mon voisin de palier qui est sympa.
Il est là !
Je lui demande s'il a deux patates, il me dit nooooon

Je lui souhaite de bonnes vacances, une bonne année
Et là, la porte de la voisine s'ouvre,
je ne la connais pas du tout, juste de vue,
Elle me tend une casserole avec deux patates

Elle dit
J'étais dans le couloir devant le miroir
Je t'ai entendue
Tiens, ce sont deux patates
Je les ai cuites il y a trois heures


VOILÀ. J'AI UNE SALADE. BONHEUR.

Je lui ai dit : Tu as sauvé ma nuit !
Et je collerai un coeur sur sa porte en partant.

 


22 décembre 2015

Je suis tellement fatiguée, je ne fais rien que de pleurer depuis hier soir. J'ai eu l'amoureux au téléphone tard avant de dormir et il a dit Je n'ai rien de prévu demain j'ai pensé à la journée au café et j'ai éclaté en sanglots. Cet après-midi, en faisant mousser le lait pour un Latte machiatto, j'ai complètement perdu la boule et me suis mise à sangloter au dessus des petites cuillères. À la fin de mon service, je suis restée prostrée de longues minutes sur les chaises dehors, incapable de partir, avec la nuit partout sur la ville, et quand j'ai fini par réussir à me traîner jusqu'à la sonnette de chez Corny, j'avais des larmes plein le menton et du maquillage dégoulinant jusque dans mon écharpe.
Je suis comme une miette de biscuit au fond d'une tasse de thé, on croit un instant pouvoir encore me sauver et en fait, on doit vite se résoudre à me voir dissoudre.
C'est juste incroyable que tous les hivers ce soit le même cirque au mois de décembre. On devrait installer un chapiteau et les gens viendraient me regarder faire mon numéro : tomber, repartir de plus belle, m'écharper avec les trapèzes, me prendre dans le nez des poteaux, m'étoiler dans le décor, me frasquer et faire six fois le tour de moi-même, inventer des défis pas du tout dans les proportions et y laisser toutes les plumes de mon oreiller. À la fin, je compterai mes hématomes avec les gens assis sur les bancs, et je crois que ça pourrait être réconfortant, pour eux, cette idée : regarde un peu la galère de l'hiver de quoi elle a l'air, on s'en sort pas si pire. Et pour moi, ce serait une bonne formule, la meilleure des formules, parce que la douleur, sur scène, c'est pour de faux. Alors je serai, à l'intérieur, entière, avec tous mes morceaux.



20 décembre 2015

/ breaking news \

Je viens de recevoir un email de mon père, qui contient :

des lettres majuscules ET des lettres minuscules
des retours à la ligne
de la ponctuation

il a même été identifié des guillemets et une apostrophe.

mon équipe pense à une arnaque.
je crois qu'ils ont raison.

 


19 décembre 2015

Il y avait, dans la rame de métro avec nous, un homme en fauteuil roulant endormi dans une couverture. Je suis sûre de certitude de l'avoir reconnu, c'est le SDF qui dormait tout le temps à la station de métro Bernauerstr quand je travaillais dans le café à Prenzlauerberg. Il avait l'air sacrément mal à l'époque, et il n'a pas l'air d'aller mieux. Il n'a donc pas spécialement la silhouette de quelqu'un d'handicapé, mais plus de quelqu'un de profondément pommé.
À un moment, il ouvre un œil et commence à manœuvrer son fauteuil, non sans mal et dans une grande lenteur, pour s'approcher des portes du métro. Il est clair pour tout humain possédant un cerveau qu'il compte descendre à la prochaine station.
Il s'est mis en marche arrière. Il ne voit pas derrière lui. On arrive en gare, quelqu'un ouvre les portes. Il est au milieu des portes, le quai dans son dos. 4 personnes passent à côté de lui et sortent, tous des hommes.
Je passe aussi, et lui demande  Est-ce que tu veux que je descende ton fauteuil sur le quai ?  Il répond oui. Je lui fais donc descendre la marche et c'est tout.
Pourquoi faut-il que ce soit la 5ème personne à passer qui le propose ? Sérieusement ? Qui êtes-vous, les 4 premiers ? Pour décider s'il a besoin d'assistance ou pas ? Pour le laisser au bord des portes comme ça ? Parce qu'il a sûrement pissé sous son plaid ? Parce qu'il est peut-être ivre ? Parce qu'il ne s'est pas douché depuis des semaines ? Non mais vraiment ?

Je vais vous dire, messieurs les 4 premiers à être passés devant lui : lui proposer votre aide et effectuer la manœuvre vous prendra en tout 8 secondes. Le cours de votre soirée ne subira aucun changement. Le faire ne vous liera pas à cet homme pour la vie, ni pour les prochaines 20 minutes, ni pour les prochaines 3 minutes. Par contre, ce serait une belle preuve de civilité,

et je pourrai rentrer chez moi sans vous trouver idiots et sans devoir prendre le temps de vous adresser ces mots -



19 décembre 2015

L'année dernière à la même période, je te racontais que je n'avais pas fait un seul cadeau de noël, pas un, sauf pour Mike. (Clignotants, L'autre journal daté du 20 décembre 2014) Cette année changement de plan : j'ai envoyé un colis à la famille, préparé une ou deux broutilles pour les amis, bricolé du fait-main pour l'amoureux. Cette année, cadeaux de noël il y aura.
Et puis Mike, qui est là, tous les samedis, devant les galeries, pour qui je m'assure d'avoir toujours de la monnaie. Je ne veux pas l'encombrer dans sa journée, lui peser dans ses déambulations, mais je lui ai quand même préparé un petit sac avec un jus de fruit, des sucreries, une banane, deux pommes, deux muffins salés, du fromage, deux paires de chaussettes, une écharpe et un livre. Je crois que je n'oserai jamais l'inviter à boire un café, j'aurai bien trop peur de ne rien comprendre à son allemand à trois dents. Et puis je me fais des pensées, je me dis, ce n'est peut-être pas ce dont il a besoin ou envie, peut-être a-t-il besoin de caleçons, peut-être a-t-il envie de poisson; mais. bon. hein.

_______________ *

Je lui ai tendu le sac en toile en lui énonçant son contenu, il m'a remerciée, il a dit plusieurs fois oh, c'est gentil , il m'a souhaité de joyeuses fêtes et m'a dit à l'année prochaine ! J'ai tout compris ce qu'il a dit. Peut-être que du coup, une autre fois, j'oserai lui demander s'il envie ou besoin de quelque chose; j'ai remarqué qu'il boitait parfois, peut-être que du coup, j'oserai lui demander, si son pied, ça va.




11 décembre 2015

J'avais écrit cette annonce en septembre 2014 et je retombe dessus ce matin, je crois que je m'en sors pas trop mal. On ne boit jamais de vin ensemble ni ne cuisinons épicé, on n'a pas vraiment non plus agrandi la ville,

mais on est paresse, on passe l'hiver, on a aimé l'été, quand je flanche il est sur mon horizon, et de fait, je flanche moins, j'ai infiniment grandi, il prend de la place mais il m'en laisse aussi chaque fois que c'est l'heure, on s'assoit dans la cuisine, on boit un thé, on fait vivre l'appartement, je ne suis jamais autant astreinte à la sincérité, je n'ai jamais autant fait preuve de sagesse, on a, c'est sûr, bricolé une chouette intimité, inventé une belle confiance, on a un peu voyagé et on repasse la frontière bientôt, j'ai des rendez-vous, avec lui, mes semaines sont devenues rythmées et colorées, on s'endort parfois avec une bougie allumée, j'écoute la vie comme elle passe à travers lui et même si j'ai toujours du mal avec le silence et que le sien peut parfois me faire tanguer,

il est bien, mon copain.

Je ne sais pas si je ris vraiment plus souvent, mais ce qui est sûr, ce que je m'amuse mille fois fort, je n'ai jamais autant raconté de bêtises à tout va, j'ai un peu pleuré, mais juste un peu, dans le téléphone une fois, il est entré dans mon lit sans faire de vagues il m'a laissé raconter mes trouilles mes incertitudes mes crevasses et depuis j'apprends les corps à petits pas mais avec joie, on ne lit pas vraiment à haute voix mais parfois un peu, je lui traduis au pied levé une chose que j'ai écrite, il écoute, il donne clairement tort au non-romantisme berlinois, on a cette habitude très mauvaise de s'appeler n'importe quand et de se retrouver au dessus d'une barquette de frites, évidemment qu'il me mange les seins, et non, je ne fuis plus, pourquoi le devrais-je ? Je prends des kilomètres de recul, je ne me jette plus dans le feu pour voir si ça brûle, je déguste la juste-mesure,

j'ai des frissons quand il effleure à demi-plume la peau de mon bras, je n'éprouve pas le manque, pas ici, pas en ce moment, j'ai confiance.

il est bien, mon humain.

 


6 décembre 2015

J'ai été témoin d'une sale scène de rue hier soir. Je n'ai pas encore la force de l'écrire mais je n'arrive pas non plus à lâcher prise. Je ressasse deux scènes violentes vécue à Berlin cet automne, j'ai un profond dégoût pour les demi-cerveaux humains de ce monde capable de se frapper, s'attaquer les uns les autres. Même une demi-seconde de violence est une demi-seconde de trop, tu comprends ? Je ressens aussi une profonde tristesse de m'être sentie si seule ces deux fois dans l'intervention rationnelle, mesurée, calme, pour apaiser. Je crois que je suis toujours sous le choc. J'ai la hargne aussi, tu comprends. La prochaine fois les amis, je ferai comme les autres, je passerai mon chemin, hein, c'est donc ça ? Merde, je pleure. Vous n'avez pas été cool, les Berlinois, hier, non, pas cool, la prochaine fois que tu vois une fille seule s'interposer entre des idiots agressifs et essayer de les calmer, la prochaine fois, tu vas aider cette fille, d'accord ? S'il te plaît. Parce que là, je ne digère vraiment vraiment pas du tout.‬



6 décembre 2015

Tu veux que je t'en raconte une bonne ? Assieds-toi, ça va être long.

Vendredi soir, 21h30, Berlin, Kottbussertor.

Je remonte l'Adalbertstr. Le quartier est hyper animé, il y a un restaurant tous les mètres, du monde partout. 
Je vais vite fait rendre visite à une amie qui habite deux coins de rues plus haut, j'ai un grand sac en papier rouge avec un petit arbre, un pot de fleur, des galettes de sarrasin et de la mousse au chocolat.

Un garçon dévale la rue en courant, quand il passe à ma hauteur je vois qu'il saigne abondamment du nez, quelqu'un lui crie quelque chose de loin, je me retourne mais il est déjà en train de disparaître entre les voitures.

40 secondes plus tard, en traversant un passage piéton, je vois un homme, inerte, au sol, entre le trottoir et la rue. Il y a une quinzaine de personnes tout autour, je me dit Les pompiers vont certainement arriver d'une seconde à l'autre.

Et puis, j'ai cet instinct de faire demi-tour et de traverser la rue.
J'arrive, je m'adresse directement aux gens Qu'est-ce qu'il s'est passé, est-ce que quelqu'un a appelé les pompiers ?
Deux garçons sont plus près du corps que les autres, j'ai la présence d'esprit de jeter au coup d'oeil à leurs mains, si jamais il leur traînait une arme entre les doigts... 

Quelqu'un bouge l'homme à terre, le met sur le côté, j'ai un éclair de seconde peur de le voir gravement blessé, je regarde tout de suite son ventre, il n'a de sang que sur le visage, il est inconscient, youpi.

Est-ce que quelqu'un a appelé les pompiers ?
 Les gens font un arc de cercle et personne ne répond. Je parle pourtant fort et clairement.
Je ne sais pas combien de temps a duré la scène. 5 minutes ? 12 minutes ? Impossible pour moi de mettre de l'ordre dans le passage des secondes, impossible de me souvenir des visages autour de moi, de m'être rendue compte des réactions des gens dans la rue, est-ce que d'autres personnes se sont approchées pendant les minutes qui ont suivi ? Aucune idée.

Un des deux jeunes hommes qui ne font pas parti du cercle dit, au tout début
Bordel, il est où mon portable, il m'a volé mon portable.
Je redemande, j'attrape un gars du regard EST-CE QUE LES POMPIERS ONT ÉTÉ PRÉVENUS ? - Hé mais j'ai rien à voir là dedans moi ! - Peux-tu appeler les pompiers ?  Lui, c'est la première personne que j'ai détesté.
Ça y est, l'un de deux gars dit Il m'a volé mon portable, il m'a volé mon portable, son pote s’énerve complètement, quelqu'un se met à porter l'homme qui était au sol, il n'a même pas les yeux ouverts, il est porté, mis debout woooowwwooowwwwo repose-le au sol, repose-le au sol, ça va pas ou quoi

On appellera le jeune homme qui dit il m'a volé mon portable Portable, et l'autre, son pote, Chemise. Je me souviens qu'il avait un manteau noir genre feutre et une chemise.

Chemise se met à crier hyper agressivement Mets-le debout, mets-le debout qu'il reprenne ses esprits mets-le debout !  Il crie ça en boucle. A partir de là, mon sac en papier avec le petit arbre est posé sur le trottoir, mon cerveau vérifiera de temps en temps de manière automatique sa présence. Je vais m'adresser en boucle à Chemise Il faut qu'il reste au sol, regarde dans quel état il est, il faut qu'il reste au sol, regarde-moi s'il te plait, regarde moi dans les yeux, arrête de crier, regarde-moi, arrête de crier vraiment, arrête de crier ça ne sert à rien, regarde-moi, arrête de crier il faut qu'il reste au sol. Je suis à deux doigts de lui gueuler dessus tellement il est con de gueuler sur un mec en sang qui a je crois commencé à ouvrir les yeux mais qui est clairement dans les vapes. Je me dis qu'il y a peut-être des gens autour de nous qui ont vachement plus d'expérience que moi côté médical, mais je fais comme si je savais complètement ce que je disais. En vrai, j'ai juste la sensation que mettre quelqu'un debout alors que dix secondes avant il était inerte sur le trottoir n'est pas une bonne idée. De toutes façons il ne tient absolument pas sur ses jambes. Je ne me sens pas du tout légitime mais je ne laisse pas Chemise le ressentir, je suis ferme, immobile face à lui, je répète en boucle Arrête de crier. Je m'adresse à d'hypothétiques personnes en disant Il faut qu'il s'assoie, asseyez-le par terre. Le gars a le nez et les gencives en sang. Il y a un homme qui est apparu et qui le soutient, cet homme disparaîtra à un moment, je ne sais pas quand. Si j'avais pu, j'aurais dit à Chemise  Mais qui est-tu espèce de demi-cerveau pour hurler comme un veau sur un mec qui vient de se faire défoncer et qui saigne comme ça ? Qui es-tu espèce de profond idiot pour lui crier dessus, pour ne pas voir qu'il est complètement assommé ? Je ne l'ai évidemment pas fait. Je l'ai regardé dans les yeux et lui ai parlé calmement. Chemise est moins agressif et ne gueule plus, il rumine dans son coin, mais Portable commence à s'adresser au gars blessé et à lui demander
Donne-moi mon portable, il est où mon portable ?
J'ai renoncé depuis longtemps à savoir si quelqu'un avait appelé les pompiers, je crois que je suis juste là, debout au milieu de ces trois cons pour être sûre que celui qui saigne ne se mette pas à aller très très très mal. Je n'ai pas la possibilité de me pencher sur lui et de lui demander comment il se sent parce qu'il faut gérer Chemise et Portable. Je m'adresse à Chemise Arrête de lui parler, il ne peut pas te répondre, calme-toi, vous allez tous avoir des explications.

À un moment, je me dis que si je suis la seule conne ici à dialoguer, c'est peut-être que les autres ont assisté à l'agression qui a eu lieu il y a quelques minutes et qu'ils sont sous le choc. Je me sens quand même très seule et je leur en veux. Personne ne s'occupe du gars au sol et je ne peux pas lâcher Chemise et Portable, je leur parle continuellement. Il devrait y avoir d'autres passants qui me soutiennent. J'essaie de faire entendre raison à Portable, je le tiens par l'épaule pendant que mon autre main est sur l'épaule du gars en sang, je me souviens oui, dans ma main gauche l'épaule de Portable et dans ma main droite, l'épaule du gars assis au sol Regarde dans quel état il est, il ne peut pas du tout s'enfuir, il ne peut pas te répondre, attends quelques minutes, tout va s'expliquer, calme-toi, laissez-le, laissez-le, laissez-le, il ne part pas, regarde il est là. Chemise dit quelque chose comme Ses potes sont partis en courant, il lui gueule tout à coup Ils sont où tes potes, hein, ils sont où ?  Portable dit  Il est où mon portable ? Je pense Mais bordel quand est-ce qu'ils vont la fermer leur gueule, ils ont deux neurones ou quoi. Je repense tout à coup au mec qui saignait du nez qui remontait la rue en courant. Une femme nous crie de loin  Ils arrivent, il faut qu'il reste là. Je me retourne PARDON ? Elle répète  Ils arrivent, il faut qu'il reste là. Je lui gueule Mais qui, mais quoi ?  Elle se barre. Je vous prie de me croire quand je vous dis que cette femme sous son bonnet noir, je l'ai haï avec force. J'aurais tellement aimé la rattraper et lui dire Mais dis donc, qui es-tu connasse pour t'adresser de loin à moi comme ça, pour ne pas t'approcher à plus de 5 mètres et repartir bien vite ? Qui es-tu pour ne pas venir me parler ? C'est qui ILS, on joue aux devinettes, ILS quoi, les pompiers, la police ? IL FAUT QU'IL RESTE LÀ. Pardon ? Tu as dit quoi ? Il faut ? Hahaha et tu t'adresses à moi, là, il faut ? Vraiment ? J'ai l'air d'avoir la tête d'une quelconque force d'intervention à qui on peut dire Il faut que ? Il reste là, tu veux dire, le gars en sang ? Donc parce que tu viens de crier au beau milieu de la rue, j'ai la mission suprême de garder ce mec ici sur le trottoir ? Parce que c'est moi que tu regardais parmi tous les gens. Mais dis-donc connasse viens donc avec moi m'aider un peu, viens te pencher sur lui et s'il te plait vérifier qu'il ne se mette pas à vomir partout. Qui es-tu pour te barrer comme ça, sérieux, réponds-moi !

Elle a eu de la chance elle, que je ne puisse pas la rattraper, je crois que j'ai eu le désir ardent de faire une soupe de sa peau, j'aurai mis Chemise et Portable dedans aussi, et celui du début qui m'a dit Hé mais j'ai rien à voir là dedans moi ! quand je demandais si les pompiers avaient été appelés.

Quoiqu'il en soit, je savais maintenant que la situation n'allait pas durer toute la nuit, et notre garçon au visage tuméfié avait du retrouver un peu de ses esprits parce qu'il s'est relevé.
Mon cerveau a pensé en un éclair oh nooooon débile, fallait rester tranquille en bas, qu'est-ce que tu fous, on est repartis pour un tour
Ça n'a pas manqué. Chemise et Portable, de le voir debout sont redevenus surexcités en une demi-seconde. Le gars titubait littéralement et leur balbutiait un truc du genre Je suis tout seul, j'étais tout seul, je suis tout seul.
Chemise et Portable ont repris leur beuglements. J'ai posé mes deux pieds dans le sol et j'ai écarté mes bras en grand. Derrière moi, il y avait le gars aux gencives éclatées. Face à moi Chemise et Portable que je regardais dans les yeux. Louise habillée en rouge, immobile les bras écartés, le sac en papier rouge à un pas de là, tous les autres en noir, la nuit, la rue, très graphique cette image.

J'ai vu passer les premières sirènes de police. Puis deux. Trois. Sûrement aller se garer plus loin. Quand j'ai vu la première silhouette de policier avancer vers nous, j'ai baissé les bras, j'ai tourné la tête, pris mon sac en papier, je suis partie. Je n'ai pas regardé autour de moi, je ne suis pas restée un centième de seconde de plus. J'ai pensé
Enjoy mec, c'est ton métier, enjoy je me casse.

J'ai marché en pestant dans mon écharpe Putain de connards d'humains. 40 secondes plus tard, au moment de sonner chez ma pote, l'adrénaline m'a pulvérisée. D'un seul coup d'un seul, j'ai été démontée des pieds à la tête. Je suis arrivée au premier étage et je n'arrivais plus à respirer, j'avais un tambour au coeur, j'étais blanche comme un yaourt, je me suis mise le dos contre un mur et la seule chose que je pouvais dire à ma pote qui hallucinait c'était Pardon, j'arrive pas à respirer, deux secondes. Ça faisait une éternité que j'avais un sang-froid du tonnerre et d'un seul coup, bim, explosion de la chaudière.



6 décembre 2015

Factuellement, il ne s'est rien passé de grave. Je n'ai été témoin d'aucune agression, je me suis juste mêlée d'un truc parce que j'avais le besoin d'être sûre que tout allait bien, et qu'une fois sur place il m'a semblé essentiel de calmer les esprits.

J'ai peu dormi cette semaine, je suis rentrée tard après avoir été chez mon amie, je bossais le lendemain et j'ai passé la journée à me vider de mon énergie pour être souriante, sympathique, avenante au boulot, pour faire découvrir aux clients un chouette produit et les convaincre de passer quelques minutes avec moi dans la cohue d'un samedi en centre commercial.

Je n'ai pas eu le temps de digérer ces quelques minutes de rue vendredi soir.
Samedi matin, une collègue me demande dans l’ascenseur si ça va, je lui raconte très rapidement la scène de la veille et lui dit que je pense être toujours un peu secouée. Elle me dit Je suis fière de toi, tu as été courageuse. Je m'emporte tout de suite Mais non, ce n'est pas être courageuse, c'est du putain de bon sens, je ne me suis pas mise en danger, ils étaient où les autres bordel hein, pourquoi est-ce que j'ai été la seule connasse à faire preuve de raison, c'est pas du courage, on ne devrait pas saluer ça !

Le soir après le boulot, je suis épuisée de l'épuisement, genre zombie, pourtant je n'arrive pas à aller dormir, je traîne dans mon lit et je zone dans l'écran de l'ordinateur, vaseuse.
A deux heures du matin, je craque, je suis prise d'une putain de crise de larme et j'écris le statut de pleurs que certains ont lu dans la nuit ou aujourd'hui, je mets deux heures à me calmer véritablement, je finis par m'endormir après avoir fait de belles suées.

Pareil, là, j'ai le coeur qui bat très rapide et les aisselles en nage.

Je n'ai été témoin d'aucune agression, mais je suis choquée de l’imbécillité humaine, de son aptitude à la violence, et de l'aptitude de tous les autres au silence.

À vous, qui marchez dans la rue, à vous qui étiez sur ce trottoir avec moi, parler, s'adresser à d'autres humains, avec calme, de façon calme et posée, ne devrait pas être un acte aussi isolé. Je me sens profondément triste de n'avoir eu le soutien de personne, qu'il n'y ait eu que des témoins avec qui je n'ai même pas eu le temps d'un échange de regard, j'ai été mille fois trop seule pendant ces quelques minutes. Mille fois trop seule.
Et je suis en colère, et je suis amère, et je suis déçue, et je n'arrive pas à comprendre. Ni les idiots capables de violence, ni les idiots incapables de composer un numéro de téléphone, ni les autres silencieux tout autour.

Je n'ai été témoin de rien de grave, mais je suis quand même choquée. Je vous en veux.


28 novembre 2015

Tu sais que l'hiver est là et tu sais que le froid aiguise les solitudes quand tu reçois des messages de garçons que tu n'as pas vus depuis des années. Des années, je n'exagère rien. Mais, on ne se moque pas, on a tous, un soir de fatigue, raclé le fond de son annuaire... La loose hivernale n'est pas un sujet à quolibets. ‪#‎solidaritésolitude


25 novembre 2015

Comme tout le monde, je zone dans l'internet qu'on me fait défiler devant les yeux : je zappe et je zoom, je fais des zigzags dans les onglets de mon navigateur. Je ne tiens pas en place, je me déconcentre de tout, je clique partout, des mots-clés allument une étincelle d'intérêt, je survole, je vais je viens je consulte un tas de gens je vérifie un tas de trucs il y a toujours une page à visiter un blog à regarder un profil a suivre et un jour,

Un jour tu n'as plus rien produit. Toi, dans l'internet, le plutôt silence. Tu meubles un peu mais personne n'y croit. Les écrans ont endormi ton envie, la multitude des réseaux sociaux t'a flanqué la frousse, la vitesse de croissance du virtuel t'a donné le vertige

Tu te sens vieille et à la masse, 

Frustrée par la plate-forme qui héberge ton blog et a tué ton site internet, parce que cette plate-forme s'effondre sur elle-même de façon si pittoresque et misérable, et que tu n'as pas encore de solution pour quitter le navire

Il y a de gros chantiers de reconquête à mener pour toi, toi l'enfant de l'internet, toi qui y est née, toi qui y a grandi.

Si tu as envie de me soutenir un peu dans les semaines à venir, dans cette fin 2015, tu peux aller liker ma page, lire un peu ce que j'y partagerai, m'écrire des bisous sous les photos, me dire que tu m'aimes bien.

Et si mon profil te saoule parce que j'y poste trop, et si ma page te saoule parce qu'il y a trop de photo de nu, j'y pense souvent et c'est important de le rappeler à ceux qui sont moins familiers des petites lignes de Facebook : tu peux demander à ne plus voir mes publications ! Tranquille Émile, fais-toi plaisir !

Je vous salue, 

Louise


22 novembre 2015

Vis ma vie. Depuis que je ne mange plus de gluten, moi et ma bouffe on est quand même vachement plus organisées. Les placards ne sont presque jamais vides à un point de non retour. Ce matin à 07h, je me fais une galette de sarrasin citrouille, pomme de terre, crème fraîche, féta, romarin. C'est bon. La patate est la base de mes petits dejs depuis des mois. Je suis devenue experte en épluchage de légumes, quand, paupières à demi décollées, je suis debout depuis 3 minutes. Je pourrais bien sûr, faire mon pain avec les farines rigolotes sur les étagères. Mais ça a été tellement difficile d'arrêter d'en manger, je ne veux pas tenter le diable en y reprenant goût, ce serait me fournir des occasions de craquer devant une boulangerie. Dès que j'ai 5 minutes et une grande casserole, je vais commencer à faire des conserves. Cette idée me fait bien de la joie. 

Ce matin, c'est brunch, je vais travailler des heures à côté d'un buffet magnifique dont je ne peux pas manger grand chose pendant ma pause. Life is life. C'est pas toujours facile, mais on s'en sort pas trop mal.


31 octobre 2015

Je suis épuisée. Défoncée à la fatigue. Arrivée à ma frontière de Dans-trois-secondes-je-vais-m'éteindre. Et pourtant, je n'arrive pas à lâcher prise. Si c'était un samedi soir de semaine A, j'aurai depuis longtemps éteint la lumière, depuis certainement 20h30. Allez, peut-être 21h. Je dormirai à poings fermés, comme un bébé, lovée dans mon oreiller et heureuse. Mais c'est un samedi de semaine B, et je me lève dans pas longtemps pour aller ouvrir le café, pour dresser les tables pour le brunch du dimanche. Et je n'ai pas assez dormi les nuits dernières, et je n'ai pas envie d'ouvrir les paupières demain dans le noir pour m'habiller; tôt, tôt, tôt. Du coup, je lutte. Ce qui est idiot du genre profondément idiot. Ce dilemme qui revient si souvent.

Je n'aime pas la fatigue. Certains, d'autres, les autres, savent faire avec la fatigue. Ils la surmontent, la contournent, la mettent en sourdine en attendant. En attendant le repos, la trêve, la pause. Moi, la fatigue me grignote très fort tout de suite. Je suis en miettes, direct. Pas d'entre deux, direct-biscotte-écrasée.


L'heure me regarde et se moque, tic-tac-tic-tac-tic-toc-tic-tac-tac-toc


Pardon ?



4 novembre 2015

L'autre soir, je rentrais du boulot à vélo, quand j’aperçois de l'autre côté de l'avenue quelqu'un à terre en plein milieu du trottoir.

Pleins de commerces, pleins de passants, trois personnes l'entourent, je me dis que c'est bon. Et puis, avec un regard plus long, je remarque que l'une des trois personnes autour d'elle est clairement "avec" elle, penchée sur elle, mais n'a pas vraiment l'air de l'aider... ? Le temps d'un feu rouge, j'observe les deux autres. Ils tiennent leur vélo à deux mètres de la scène, se parlent entre eux mais ne s'approchent pas... BON.


Je fais demi-tour et je traverse la place, la personne au sol est une femme, l'autre un homme, lui grognant-beuglant-insultant des trucs incompréhensibles.

Je demande aux deux jeunes hommes qui se tiennent à côté si tout va bien,
" On ne sait pas, on se demandait justement "
Justement ? Tu as besoin de 5 minutes pour voir que ça ne va pas bien ? En m'approchant, je m'en rends compte en 10 secondes...
Je me penche sur la femme, elle est pleine de morve et de larmes, le visage et le cou trempés et visqueux, je lui demande si elle veut que je lui trouve un mouchoir, si elle a besoin d'aide. Le simple fait que je m'adresse à elle fait s'éloigner l'homme qui lui gueulait des trucs. Elle me dit "Relève-moi, je n'y arrive pas". Elle est grosse, obèse, mais surtout, complètement bouleversée, défigurée par les pleurs, à bout de forces. Je la soulève, lui trouve un mouchoir, elle me remercie, me prend dans ses bras, je lui demande si ça va aller, si elle ne veut pas aller s'asseoir sur la terrasse de la boulangerie là-bas, boire un peu d'eau, se calmer. Elle me dit que non, non, elle commence à raconter des choses décousues sur l'homme qui l'accompagne, elle est confuse, elle parle de drogues, qu'il l'a bat, qu'il est dingue, qu'il a failli mourir dix fois, qu'elle n'en peut plus, je lui demande où elle habite, lui propose de l'accompagner prendre le métro, lui dit qu'il faudrait qu'elle rentre chez elle reprendre ses esprits, s'allonger, dormir, 
Les deux hommes approuvent, répètent qu'elle devrait rentrer chez elle, Tiens, vous êtes là vous deux ? Encore ?
L'homme qui l'accompagne est vraiment ivre ou vraiment défoncé ou tout à la fois. Il se tient debout, en diagonale, à une dizaine de mètres de nous, tranquille. Au bout d'un moment, elle part à pieds. Il commence à la suivre de loin. Des gamins de 14-15 ans qui s'étaient joints à notre drôle de groupe lui emboîtent le pas, l'interpellent deux fois et lui disent de laisser la femme partir tranquille.
Des gamins de 14-15 ans, hein.
Finalement, je suis le couple, les gamins continuent à surveiller un peu et lâcheront l'affaire plus loin, l'homme et la femme recommencent à se disputer à un passage piéton, cette fois elle lui hurle (à bout de souffle) des trucs, personne n'intervient, elle recommence à pleurer, ça dure un peu, j'accroche mon vélo, ils descendent dans une galerie marchande et entrent dans un supermarché. Je ne les trouve plus, ni l'un ni l'autre, je demande à un employé si deux personnes sont entrées dans le magasin en se disputant violemment il y a quelques minutes, il me dit que oui, me demande pourquoi, je lui explique en quelques phrases les dernières 15 minutes et lui conseille de les séparer s'il les croise. Je pars.

Pourquoi je raconte tout ça ? Parce que les deux jeunes hommes avec leur vélo m'ont tellement et trop et infiniment énervée. Qu'ont-ils fait ? Ils se sont arrêtés et ont affiché leur position de "témoins", ont discuté entre eux. Combien de temps ? Aucune idée. Entre le moment où je les ai vus, et le moment où je les ai rejoints, il y avait bien 4-5 minutes. Ils étaient peut-être depuis plus longtemps là ?
En quelques secondes, parce que j'ai très simplement demandé à la dame si elle avait besoin d'aide, la situation a complètement changé. L'homme s'est éloigné, elle a repris ses esprits.
Pourquoi ne l'ont-ils pas fait, ça, nos deux trentenaires, simplement dire "Pardon, est-ce que tout va bien ?" 
Ils m'ont répondu à moi "On se demande", bon, tu te demandes si tout va bien, c'est déjà cool, mec, hein, bravo, MAIS C'EST ÉVIDENT QUE CA VA PAS LÀ, il y a quelqu'un au sol, ce n'est pas assez ? Tant que l'homme ne la bat pas, vous n'intervenez pas, c'est ça ? C'est quoi votre baromètre du ça-va ou ça-va-pas ? A quel moment tu vas enlever ces deux mètres de sécurité entre toi et eux, qui font qu'eux, ils sont et restent dans leur bulle, et que tu regardes la bulle en-te-demandant-si-tout-est-normal-ou-pas.
Ah, tu vas rester là ? Dans ce cas, ne t'arrête pas, mec, rentre chez toi, regarde le groupe de 3 gamins là-bas, eux ils interviendront plus que toi, c'est bon, laisse, laisse, laisse.


31 octobre 2015

Je me souviens, quand je suis arrivée à Berlin, avoir tant détesté les rendez-vous souterrains, leur 2 mètres de cigarettes à boire par leur nez, leur basses assourdissantes, insupportables. J'avais la nausée, les corps trop nombreux me faisaient peur, le chaos me chavirait, je mettais les voiles en quelques secondes, impossible de me retenir, je rejoignais mes draps pour me couler dans le sommeil, tranquille.

Je me souviens de ça, calée dans un fauteuil naviguant dans un ciel de fumées. Partout autour, ces gens qui passent d'une pièce à l'autre, dansent, se croisent, ne parlent pas vraiment, ces humains qui sont devenus les petites cellules du Club, qui rendent les murs vivants, notre épiderme. A ma droite, le coeur qui vibre, fou, lent, puissant, boum boum, je me concentre, boum boum, sur la petite musique lointaine, boum boum, à discerner dans le brouillard des bruits, cette mélodie : des violons, quelque chose comme des violons, sans doute les poumons qui chantent, les poumons de ce drôle d'ogre qui nous invite pour la nuit en son sein, nous éteindre, nous revivre, nous jeter, nous arabesquer, nous tous petites pulsations, moi petite pulsation dans le fauteuil les yeux fermés, l'amoureux dans mes bras, sa tête dans ma main, je me souviens comme j'ai détesté ce monde précis, pendant des années. 

Et là, je m'endors si bien si doux, je me sens chez moi, dans le bain bouillant d'une nuit Berlinoise, je ne souhaite pas du tout rejoindre mon lit, je ne désire pas changer d'air, c'est bien, ici : un fauteuil défoncé, un air saturé, des corps mouvants, et cette chose qui a l'air de violons au loin dans la brume. Merde, comme c'est bien.


24 octobre 2015

Berlin, Berlin, Berlin ! Tes pistes de danse souterraines, ton oxygène parfumé nicotine, Berlin ta folie, Berlin je t'aime ! Payer dix euro pour finir dans une cabane piscine à balles, être fauchée, puante, suintante, mais heureuse; les paupières qui grésillent, l'épiderme clignotant, les mollets en mille pattes. Sale mais comblée, Louise. Pour ces quelques minutes de liberté, pour cette errance du corps dans les basses d'une cave, pour cette réalité suspendue, ici, là, Berlin, je te le dis, c'est la seule chose qui me retient, me ramène à toi. J'ai de longs mois laissé passer nos rendez-nous, je n'ai plus écumé tes nuits, pourtant, regarde!, comme c'est bon, de t'avoir, même peu, si précieux. Demain matin, à l'ouverture du café, je regretterai amèrement mon sommeil empiècé, mais tout de suite, mon oreiller sourit, et je t'adresse, Berlin, mes salutations distinguées.


24 septembre 2015

J'ai reçu hier un mail. Complètement inattendu. Avec une pièce jointe, assez folle. Un document de 89 pages.

Un monsieur, qui se dit "un très vieux monsieur", que j'aurais plutôt envie de décrire comme un agile monsieur, a parcouru les 10 années de mon blog, et m'en livre une lecture très touchante, une mise en pinceau, une danse sur papier, une réécriture à l'encre noire, mais sans les mots.

88 textes extraits de Clignotants, accompagnés de 88 dessins.

Autant dire : un peu dingue. J'ai dégringolé le document hier soir, avant de m'endormir, les yeux ouverts comme des soucoupes, la lumière de l'écran qui se vidait dans mes pupilles, j'ai survolé ces mots écrits en 2005, 2005 mon dieu, il y avait ces dessins à côté, ça résonnait étrangement, ça donnait à ces vieilleries d'écriture une légitimité, j'avais des chamades de surprise un peu partout. Et puis l'encre noire a suivi le fil du temps, les pages défilaient et les années aussi, 2006, 2007, parfois je reconnaissais les textes par coeur, parfois ils me filaient un hoquet, les sourcils haussés, louise déroutée, avoir oublié, c'est possible ? Depuis 2008, mes mots semblaient être d'hier, 2008 c'est Berlin, Berlin c'est être devenue quelque chose, depuis 2008 c'est comme une cohérence, j'entends ma cohérence, je la sens, et je la redécouvre tout à coup traversée par les blancs et les noirs de ces peintures, frissons, surprise, toujours, le curseur glisse sur l'écran mais je ne m'habitue pas.


Et c'est vraiment les palpitations dans l'estomac.


Je crois qu'à un moment j'ai oublié de respirer. Je suis certainement restée comme ça, en apnée.


Un peu dingue, ce cadeau. Un beau cadeau. Presque un cadeau d'anniversaire, un clin d'oeil à ces dix années vacillantes.


Je me permets de mettre ici une capture d'écran. Besoin de partager, je ne sais pas faire autrement. Et certainement, un jour, le document tout entier, ici ou ailleurs, à trouver, à voir, à consulter ? Ce serait bien chouette, si notre "très vieux monsieur" est d'accord.



11 juillet 2015

Je m'appelle Louise, que ça vous plaise ou non. Vous vous défendez souvent en me disant que vraiment, Margot, c'est plus joli. Ça vous plait. Plus. Mieux.

Il se trouve, que moi, j'ai choisi Louise, et que comme ce prénom est à mon adresse, il serait bien sympathique d'arrêter d'argumenter. Il n'y a pas d'argument. Je m'appelle Louise, c'est tout. Je porte des culottes en coton colorées parce que je me sens bien dedans. Je m'appelle Louise, ça fait longtemps déjà. Louise : parce que je me sens bien dedans. 


Évidemment, quand j'entends Margot, je réponds. Mais à chaque fois, je me sens griffée. Une aiguille de mauvaise humeur plantée au milieu des cheveux. Alors je vous reprends. Depuis des mois. Parfois, vous vous rebiffez, comme aujourd'hui. Je n'ai pas dit que ça devait vous être facile ou agréable. Mais je continuerai, à vous reprendre, parce que je m'appelle Louise et que je me fiche bien que Margot ce soit vraiment plus joli.



24 mai 2015

Nuit - Paillettes - Musique 
La robe dorée, bien sûr
Le jour levé, partir

À vélo, légèrement


Entendre le son des percussions

Les chants de drôles allumés
Descendre dans le couloir du métro
Retrouver la folle ronde des gens
Et danser, danser, danser

Puis partir


Faire du vélo sans toucher le guidon

S'allonger le long du canal
avec un parfait inconnu
rencontré dans un rayon de soleil
La ville dans son silence de petit jour - belle,
nulle part, les voitures
nulle part, les humains
partout, un océan d'oiseau
et cette douce odeur d'eau

Terrible délice ! 

Cette précieuse paix,
dormir - rêver - sereine,
les doigts dans l'herbe,
des fourmis dans le cou,
la peau accrochée au ciel

Bailler, se lever, s'en aller

Croiser à la terrasse 
d'un café très matinal
Les amis des amis
Pain au chocolat et oranges pressées
Le trottoir plein de vies,
les enfants, les lêve-tôt
Tous baignés de soleil

Petit déjeuner

Joie & Liberté

Se laisser glisser jusqu'à la maison
Danser sur le vélo
Toutes ailes déployées

Berlin, Berlin, Berlin,
comme on t'aime !



27 avril 2015

23h à Berlin un dimanche soir. Tout petit kebab, 3 tables, 6 chaises.

Au dessus d'une barquette de frites, je raconte à un ami, en français et en détail, la misère de ma vie sexuelle avec un amoureux. À un moment, je remarque deux garçons qui attendent debout leur commande et sens le regard de l'un sur moi. Furtivement, je me dis Si ça se trouve il comprend le français. Mais déjà je l'ai oublié, trop concentrée sur mon pote de l'autre côté de la table "Toooooutes les nuits, pendant un an, est-ce que tu i-ma-gi-nes ? ". Je continue mon histoire, on ne peut plus explicite. Quelques minutes plus tard, quand ils paient leur commande, j'entends un des garçons demander au vendeur, en allemand, "Et tu parles français ?". Le vendeur répond que non, je me retourne "NON, LES GARS, VOUS ÊTES FRANÇAIS ?" - "Oui, oui. C'était, euh, assez intéressant. À partir du moment où on a entendu le mot missionnaire, on a été hyper attentifs." Je rembobine. Depuis combien de temps sont-ils là ? Bordel, bien plus de cinq minutes. Ils n'ont pas dit un mot. Ils n'ont même pas pouffé de rire. Je la joue cool, comme si, après tout ce n'était rien. Ils sortent, CRISE DE RIRE.


L'histoire que je racontais à mon ami de l'autre côté de la barquette de frites, je ne la raconte jamais, et eux deux, ils l'ont eue, comme ça, au vol, ils sont sortis du kebab avec le récit de mes nuits avec cet amoureux, et c'est étrange, comme c'est à la fois rien du tout, et à la fois tout.




09 avril 2015

Au téléphone

- Je t'ai pas dit

- Non
- Il y a ce garçon que j'avais croisé deux fois par hasard, une fois dans un bar, une fois dans la rue. Je le recroise sur un marché, on papote et finalement on va se poser un peu dans un café boire un coup. On échange nos numéros, et on se revoit, l'autre soir. Je bois un verre de vin, il boit une bière. Il se tortille comme un asticot sur le canapé, et au bout d'une heure, il me dit qu'il est amoureux. Qu'il est amoureux de moi. Il précise bien "nicht verknallt, verliebt !". Mais bordel, c'est quoi ce délire tu peux me dire ? C'est un virus ? Ils ont quoi tous ? Une maladie moderne ? Une nouvelle mode à Berlin ? Mais qu'est-ce qu'ils ont bordel, hein ? Arrête de rire enfin, dis-moi ! Ils participent à  une expérience de société ? Ils veulent ma peau ou quoi ?

Elle ne m'a pas répondu. On a dit qu'on se verrait samedi, bisous.

Je lui ai pas répondu à lui non plus. Je lui ai expliqué qu'il avait de la chance que je ne ressente pas le besoin immédiat de l'assassiner, parce qu'on m'avait fait le coup quelques semaines auparavant et que j'avais été tellement en colère que j'aurais pu fiche une belle paire de claques. Sur le coup, quand il a ouvert la bouche pour dire ça, j'ai juste pensé "oh-la-boulette" mais je me suis retenue de le dire, parce qu'il se tortillait déjà assez. Je n'ai certes pas ressenti le besoin de partir en courant, je n'ai certes pas été contrariée. Juste un peu sonnée. J'essaie de ne pas considérer son aveu comme de la bêtise. J'essaie d'accueillir ça à  neuf.

Mais à nouveau, je me demande :
1. Pourquoi ?
2. Qu'imaginent-ils ?

Il m'a trouée la culotte. Me dire ça alors qu'on a passé à tout casser, deux heures bout-à-bout ensemble.
Je ne comprends pas d'où leur tombe cette envie complètement saugrenue de se mettre à nu, comme ça, paf, sans prévenir, 
c'est comme traverser la rue en dehors du passage piéton sans regarder ni à droite ni à gauche :
Advienne que pourra, 
si j'arrive de l'autre côté vivant je sabre le champagne et sinon tant pis !

Est-ce ça, ce qu'ils pensent ?

Mais enfin !

Mais, enfin !


23 mars 2015

Il est fou amoureux et maintenant fou triste et il me le dit, cet idiot, je ne comprends pas pourquoi il me le dit, il me le dit, il me le dit, il me le dit. MAIS BORDEL, pourquoi tu fais ça ? Tu crois que je vais te dire Oui bien sûr chaton, viens on va se promener et passer du temps ensemble ? Tu crois que je vais te dire Oh, roulons-nous dans les champs de fleurs, peut-être que moi aussi je vais être folle amoureuse ?

Je ne comprends pas du tout ce besoin d'exprimer un sentiment quand il est si fort et si frais, d'imposer cet état à l'autre en face de soi, ça me met presque en colère, c'est désagréable, c'est impudique, c'est chiant comme la peste.

J'ai été folle amoureuse, et quand j'ai senti que ce n'était ni l'heure ni le lieu pour lui de jouer ce jeu là, je me suis tue, je n'ai rien dit, j'ai serré les dents et j'ai pris ce qu'il m'était permis de prendre : de l'amitié. Parce que ça me semblait mieux que rien du tout, parce que je me sentais assez forte pour tenir le cap.


Qu'aurait-il fait, si je lui avais dit

" Coucou Corny, je t'ai rencontré il y a deux jours, et là mon ventre est déchiré en deux, je suis enfermée dans l'oeil de la tempête, le ciel est un putain de vomi de bonheur, je suis pendue par les pieds dans un fou rire, j'ai pêté de l'hélium tout à l'heure et je meurs de désir de toi toutes les secondes "

Qu'aurait-il fait ?
Il m'aurait dit
Désolée gamine, j'peux rien pour toi.
Mais je n'ai rien dit,
je ne lui ai pas demandé de prendre une décision,
je n'ai pas gratté à sa porte pour qu'il me la ferme au nez,
j'ai ravalé mes fleurs au coeur,
j'ai pris de longues respirations,
j'ai arrêté la tornade de l'amour,
j'ai été sa meilleure amie,
il a été mon plus bel humain.

Maintenant, je veux bien que l'on m'explique ce que je ne comprends pas, ce que je ne tolère pas, ce qui me rend sacrément chiffon, QUELLE SORTE D'ESPOIR IDIOT pousse un humain à informer un autre humain d'un coup de foudre ?

Louise colère, Louise sévère.


13 mars 2015

Ce matin, une bouteille en verre se brise dans mon sac : je m'empresse de sortir mes carnets d'écriture de l'océan de thé-vert-gingembre-citron bien installé dans ma besace étanche, et démarre une opération sauvetage à renfort de mouchoirs. Au bout de quelques minutes, je percute que toutes mes affaires sont éparpillées autour de moi sur le quai de métro, que je n'ai même pas encore pensé à jeter un oeil à mon portable ou mes fringues pour le boulot, et que n'importe qui aurait pu partir avec mon porte-monnaie. Au moins, ça replace les priorités : les mots de papier d'abord, le reste après. 

Ce soir, j'ai pu récupérer des dizaines de cuillères dorées de la déco de Noël des Galeries, je suis heureuse comme une enfant, impatiente de leur trouver un coin de mur ou de plafond où se glisser.


28 janvier 2015

Le jeune prince, Paris.


- Moi, je suis ton amoureux.

- Oh bah non ! Je préfère que tu sois mon meilleur ami, les amoureux c'est chiant, ça se dispute tout le temps.
- Pourquoi ?
- Parce que quand on est amoureux, on est sensible.

Plus tard, assiette de pâtes sauce tomate.

- Pourquoi les amoureux ils sont sensibles ?
- Parce que souvent ils ont des sentiments très forts. Des fois ça se passe bien, ils restent ensemble pour la vie et ils font des enfants, par exemple. Des fois c'est trop difficile alors ils se séparent.
- Moi quand je serai grand je serai un bon amoureux.


20 décembre 2014

Cette année, pas de cadeaux.

Sauf pour lui, tiens.


Je l'ai croisé tous les jours de la semaine pendant trois ans. Il était, tous les jours, à cette même intersection de rue, sur un tabouret, avec ses journaux. Je passais devant lui en allant chercher les enfants à la garderie.

Quand je sortais d'un service au café, je lui ramenais des sandwichs ou des gaufres.

Un jour, il n'était plus là. Ni le jour d'après. Pendant deux semaines, j'ai retenu ma respiration, face à face avec mon impuissance : où était-il ? allait-il bien ? comment s'appelait-il ? combien, des personnes faisant ce même chemin que moi chaque jour, s'inquiétaient aussi ? combien ne l'avaient même pas remarqué ?


Un midi, il était là, de nouveau. Je me suis sentie idiote d'être soulagée.


Un soir, je sortais du métro pour rentrer chez moi, et je le vois qui remonte les escaliers aussi. Toute étonnée, je le rattrape et lui dis ces mots


" Hey, tu habites ici ? "


Ne me demande pas ce qu'il a répondu, je n'en sais rien. Je venais de demander à un sans-domicile-fixe s'il habitait ici. Mon cerveau me lançait des tomates et des oeufs. 


Et puis, Franz & Josi ont eu une fille au pair, Luis a déménagé à Paris, fini le chemin quotidien de la garderie. Au revoir, le monsieur du tabouret.


En fait, non. Il déambule tous les samedis devant les Galeries Lafayette. Quand je sors du métro, j'ai toujours une pièce dans ma poche, je me presse pour arriver à sa hauteur et repartir encore plus vite, parce que je suis, toujours, en retard.


Cette année, pas de cadeaux, sauf pour lui. Un petit paquet avec tout et n'importe quoi dedans, du chocolat, une tarte aux légumes, un jus de fruit, un macaron, des fruits secs, des biscuits, des rillettes, une banane.


Aujourd'hui, je lui demanderai son prénom.


Note, plus tard : Il s'appelle Mike, et il a trois dents ! Ou peut-être quatre.



1 novembre 2014

// Tag n°256 im Galeries Lafayette


-Kunde(x) "Ihre Kampfanzug ist von feinsten ! "

-Kunde(z) "Ist das Salzig ?
-Louise "Nein, das ist Süß...
-Kunde(z) "So wie Sie ! "

Bon, c'est bien sympathique, mais vraiment, vous n'avez pas mieux ?


-Kind, ~4jahre alt "Was machst du ?

-Louise "Ich stehe. Was machst du ?
-Kind "Ich gucke was du für uns vorbereitest. Was vorbereitest du für uns ?
// Unterhaltung geht weiter über Schokolade, etwas später :
-Kind "Na dann, machen wir uns auf dem Weg.
-Mama "Ja, wir machen uns auf dem Weg.
-Kind "Und was machst du jetzt ?
-Louise "Na, ich stehe weiter ! "


25 octobre 2014


Vendredi & samedi, c'est petite robe noire.

Il y a les heures qui font du bien, celles des beaux humains, avec des papillons dans le ventre. Certains ont déjà leur petit nom, celui, par exemple, que l'on appelait Le prince charmant. Il a depuis été rétrogradé au "blond", il n'est pas si charmant que ça. Le punk à velours, qui surgit toujours aux moments inattendus mais ne s'approche jamais. La rousse, celle que j'appelle la rousse de Moritzplatz, du jour où l'on est tous tombés amoureux d'elle, en chœur. La rousse est passée une fois aux galeries et j'ai bien failli m'évanouir. Les mecs à chignons et puis les barbus, et tiens, ce client aux yeux bleu et aux sourcils blonds, oh dieu.


Et puis il y les heures insupportables. Pas un seul ne lève les yeux sur toi, pas un seul ne dit Bonjour, S'il vous plait, Merci, Aurevoir. Tous se servent et tu n'as qu'à recommencer à tartiner ce fichu foie gras. Tu souris encore plus fort, tu ne parles pas s'ils ne parlent pas, tu les regardes avec insistance, insolence, tu grinces des dents, ça se sent, on pourrait faire des tranches d'air avec ton couteau. Tu voudrais dire Wäre es mir eine Freude, wenn sie mich anschauen würden. Mais le silence plane. Certains s'éloignent à reculons, fautifs, avant que tu ne commences à aboyer. Les autres ont compris et sourient en coin.


Tout à coup, la tempête se lève, un rayon de soleil : un habitué qui te salue, un inconnu qui débarque et appuie les fins des mots Guten Taaaaaaaaag was gibt es schöneeeeeees bei ihnen zu probiereeeeeeeeeen, un gamin qui demande à son papa C'est quoi ?, et le papa, tiens curieux, tiens, oui, c'est quoi, allons demander, le monsieur ogre qui passe, sûrement un comédien, un chanteur d'opéra, et cet ogre qui te dit pour la 100ème fois, dans des tonalités terriblement graves "AMAMIA je vais vous manger les jambes". Ceux-là, tes sauveurs.Ceux-là viennent de sauver ton quart d'heure.


Allez, plus que trois heures.


28 juin 2014

Un papi avec une canne, dans un costume gris, tout joli. Il a la main posée sur la porte d'un immeuble, immobile. Personne à l'horizon.
Je me demande
1. a-t-il besoin d'aide ?
2. attend-il tout simplement que quelqu'un déclenche l'ouverture de la porte ?
Je tourne en vélo dans la rue. A la troisième ronde, la porte est entrouverte et il a coincé sa canne pour qu'elle ne se referme pas.
J'y vais.

- Vous avez besoin d'aide ?

- Oui ! répond-il d'une voix claire
J'ouvre la porte en grand et la lui tient.
Il ne bouge pas. J'attends quelques secondes, étonnée, du coup je répète

- Vous avez besoin d'aide ?

- Merci, merci, mais je dois me débrouiller tout seul, ordre du médecin. (Il continue dans un sourire) J'ai la maladie de Parkinson, ce n'est pas simple.
Je vois qu'il essaie d'avancer sa jambe droite, mais elle n'a pas l'air de vouloir suivre. Il prend une grande inspiration, s'élance (si on peut parler d'élan), fait trois pas, atteint le mur de la main. Ouf.

- Vous allez où comme ça ?

- Au premier étage !
- Bon. D'accord. Amusez-vous bien !
Il me regarde, a l'air de se demander si je suis sérieuse, rit finalement
- Ah oui, ça, je vais m'amuser ! Merci beaucoup !
- Bonne soirée Monsieur !

Il était beau, ce vieil homme, et sympathique, et malicieux, et courageux. J'aurais aimé lui faire une bise, ou un câlin. Ou que ce soit mon grand-père.


20 juin 2014

Aux galeries. Une cliente me demande

- Pourquoi êtes vous debout, ici ?
- Euuuuuuuh...
- Une jolie fille comme vous, il faut aller à la télé ! Vraiment !

Ah ah ah. Très übertrieben mais tellement mignon.


Et sinon madame, vous êtes productrice ? 

Parce que vous avez raison, il caille au rayon frais...



28 février 2014

Un jour de l'hiver, au travail, ma collègue Annette vient me raconter un rêve fou qu'elle a fait, où j'avais installé un chapiteau dans le magasin, avec trapézistes, jongleurs, cracheurs de feu... 

La semaine dernière, je passe aux galeries lafayette en habit de tous-les-jours, et lorsqu'elle me reconnait sous mon chapeau acidulé et d'entre toutes les autres couleurs, Annette me dit

- Ah mais c'est toi là ! Et tu vas où ?
-
 Je vais où ?
- Oui, tu vas faire la fête où ?
J'ai mis quelques secondes à comprendre qu'elle me croyait costumée.
- Ah aaaah mais non Annette, ça, tu vois, ça c'est moi, comme je suis, vraiment, ce sont mes habits !
- Ah bon ? Ah bon. ah bon, ah bon...

Ce matin, quand je reviens bosser à nouveau dans mon uniforme de petite ballerine endeuillée, Annette vient me voir :

- Tu sais l'autre jour après que tu sois venue j'ai réfléchi : le rêve que j'avais fait de toi, avec le cirque et les confettis que tu lançais partout... C'était toi comme tu es VRAIMENT ! Sauf que je ne le savais pas... J'ai fait un vrai rêve de toi...

PFH, des phrases comme ça, ça donne envie de faire une avalanche de bisous.