24 octobre 2016
Dans l'appartement, l'humain qui utilise vraiment l'infrastructure disponible des 38m2, c'est l'amoureux. Ça a beau être chez moi, chez moi se limite au fond du lit. Le reste, c'eeeeeest. De le place pour mettre le bazar. Du coup, très souvent, il fait les allers-retours entre la bouilloire et le lit, la cuisine et moi. On est devenus experts en extraction de Louise du lit. Le lit est à un mètre cinquante du sol et il fait deux mètres de largeur. Il me tire avec une main et me charge sur son dos, me dépose directement sur le frigo, dans la cuisine, c'est d'un pratique ! Quand je suis au fond du lit, je suis vraaaaaiment loin dans des éternités d'oreillers et de couvertures. Et l'amoureux vient toujours au bord de mon bateau-lit comme ça, ses épaules et sa tête, me ravitailler, me demander des trucs, me dire au revoir.
L'autre fois, il s'apprête à partir, il a ses mains sur le matelas, je vois juste ses bras et sa tête de bébé, et il me demande Louise, tu me dis au revoir ? Depuis que je suis avec lui, je suis devenue un humain très drôle, j'ai jamais eu autant d'humour de ma vie, c'est fou comme j'ai désormais un sens aigu de la blague. Il me demande Louise, tu me dis au revoir ? J'ai baissé lentement mon pyjama et je me suis tournée lentement pour lui montrer mes fesses. Je l'ai regardé et j'ai dit Voilà, au revoir. Je vous avais prévenus, Louise, un rare exemple de finesse.
Aujourd'hui, on fait du shopping sous la pluie pour lui trouver des ballerines moelleuses pour ne pas voir froid aux pieds chez moi. En haut d'un escalator, je lui dis Ça va bientôt faire un an et demi qu'on est ensemble.
- Ça te faire peur ?
- Non.
- Tu te sens prisonnière ?
- Non.
- Tu as l'impression de rater des choses en étant avec moi ?
- Mais eeeeeenfin qu'est-ce que tu veux que je rate, je suis avec toi, j'ai tout ce que je souhaite !
Il a souri doucement, a fait son regard de timide vers le sol et a dit
- Uuuuhuuuu.
(Comprendre : "Oh, que je suis touché !")
Plus tard, dans un autre magasin, j'étais en train de choisir des biscuits sans gluten mais avec plein de sucre dedans, et il m'a dit, Louise, tu te souviens l'autre fois quand je suis venu te dire au revoir au bord du lit et que tu m'as montré tes fesses ? J'ai pensé la même chose que ce que tu m'as dit tout à l'heure, je rate rien du tout, rien du tout en étant avec toi ! Oh la la la, pendant toutes ces années, j'ai espéré ça, j'ai attendu quelqu'un comme toi, mais Louise, tu es la feeeeeeemmmmmeeeee de mes rêêêêêêêves.
4 octobre 2016
Je suis un petit être de la déprime. Parfois, je me décris comme paresseuse. C'est parce qu'il est plus compliqué de se décrire comme vidée d'énergie.
6 février 2016
Ce matin, je sors du métro en courant presque, puisque je suis comme d'habitude, à quelques instants du retard. En m'engouffrant dans les escaliers, je pense à Mike, je cherche vite de la monnaie dans mes poches, fait s'envoler tous mes tickets de métro sur la rue, refuse de les perdre, me mets à leur poursuite, fait s'arrêter un bus, BREF, je finis par arriver à la hauteur de Mike qui est au coin du trottoir, je lui mets des pièces dans la main et alors que je repars du plus belle pour vite vite vite monter dans l’ascenseur, il me dit Les muffins, c'est toi qui les avait fait ?
1 février 2016
- mais attends attends ! reviens ! je veux t'embrasser !
elle revient, elle rit, je la prends dans mes bras, je crie comme une souris
- tu peux pas savoir comme je suis heureuse, en plus c'est mon anniversaire aujourd'hui, ohlalala, merciiiiiiiiii
et cette fois, elle est vraiment partie
AMOUR BORDEL, AMOOOOOUR !
27 janvier 2016
Quand ton tout premier amoureux croise ta maman
Dimanche soir je dormirai dans un bus et lundi matin j'arriverai à Berlin. Du coup, bien sûr, je commence à angoisser, à sentir ma gorgé se serrer, à râler plus qu'à l'habitude. J'étais bien, là, ces jours, sans attache, presque intouchable, à déposer partout mon bazar et repartir pendant la respiration suivante. J'étais bien, avec le ciel de Marseille, des Saberts, de Nantes. A Berlin, j'ai perdu le ciel, puisque Berlin c'est ma maison, dans ma tête il y a des murs. C'est bien aussi mais il y a moins d'horizon.
18 janvier 2016
2 janvier 2016
BORDEL DE CHATTE J'AI DONNÉ MON SANG C'ÉTAIT PAS TROP TÔT.
Et l'infirmière adorable qui était en train de préparer mon bras, me dit, en voyant mes ongles
Ooooooooooh ce matin il y avait un jeune homme avec du vernis comme vous, alors je lui ai dit Oh, vous, vous avez eu un gage pendant les fêtes ! et il m'a répondu que j'avais tout compris, sa copine avait du le maquiller et lui faire les ongles... Je lui ai dit Elle aurait pu vous l'enlever aussi ! Ça fait bizarre !
Plutôt que de faire semblant de rire, j'aurais adoré lui dire que mes deux derniers amoureux se vernissaient les ongles, que Corny portait même parfois des nœuds dans les cheveux et que ça lui arrivait de se maquiller pour aller bosser.
J'aurais adoré lui dire que c'était un peu nul comme remarque, et que peut-être le jeune homme était heureux avec ses ongles colorés. Heureux, et sans doute incertain aussi. Et que ça aurait été bien dommage d'abîmer son amusement. Que les âmes amusées se portent mieux que le reste du monde.
Mais j'étais en train de mourir d'angoisse à l'idée de l'aiguille dans mon bras et je chantais des airs d'Henri Dès en gigotant des pieds. On ne peut pas tout faire à la fois.
1er janvier 2016
Et donc le 1er janvier, un pigeon m'a chié dessus. Ça ne m'était pas arrivé depuis 15 ans. Et le seul appel que j'ai reçu venait d'un numéro allemand inconnu de mon répertoire, parce que j'ai perdu plein de contact. Je décroche : un certain R me parle en anglais, impossible de le replacer, jusqu'à ce que je fasse Aaaaaaaaaah. (Le bruit de ma mémoire quand elle fonctionne une fois toutes les douze semaines)
R. C'est drôle, je me souviens l'avoir rencontré, je me souviens avoir passé une après midi avec lui au lit, je me souviens de ce qu'il racontait, mais je n'ai aucun souvenir du tout d'avoir couché avec lui.
Je passais devant chez toi, je voulais te souhaiter une bonne année...
Je lui dis, ah mais je suis en France, il me demande, mais tu ne vis plus à Berlin, je lui réponds une salade de n'importe quoi, il finit la conversation par Je serai heureux de te revoir.
Ça me plonge dans la perplexité. Je crois que ça remonte à au moins deux ans cette histoire. Il a du depuis m'envoyer trois sms auxquels je n'ai jamais répondu.
Je serai heureux de te revoir. Mais, enfin, il y a pas prescription ?
29 décembre 2015
Je dois quitter mon appart dans très peu de temps pour trois semaines et j'ai passé la journée à ranger et faire le ménage du coup je n'ai pas eu le temps de manger je viens juste de faire mon sac à dos du grand Louise Markise comme d'habitude pourquoi faire simple quand on peut faire stressé
Et là je me dis : si je fais cuire vite fait
deux oeufs et deux patates
J'aurais une petite salade pour le bus cette nuit
J'ai bien deux oeufs. Mais je n'ai pas de patate.
Alors je monte au 4ème étage voir les copains-coloc.
Personne.
Alors je sonne chez mon voisin de palier qui est sympa.
Il est là !
Je lui demande s'il a deux patates, il me dit nooooon
Je lui souhaite de bonnes vacances, une bonne année
Et là, la porte de la voisine s'ouvre,
je ne la connais pas du tout, juste de vue,
Elle me tend une casserole avec deux patates
Elle dit
J'étais dans le couloir devant le miroir
Je t'ai entendue
Tiens, ce sont deux patates
Je les ai cuites il y a trois heures
VOILÀ. J'AI UNE SALADE. BONHEUR.
Je lui ai dit : Tu as sauvé ma nuit !
Et je collerai un coeur sur sa porte en partant.
22 décembre 2015
Je suis tellement fatiguée, je ne fais rien que de pleurer depuis hier soir. J'ai eu l'amoureux au téléphone tard avant de dormir et il a dit Je n'ai rien de prévu demain j'ai pensé à la journée au café et j'ai éclaté en sanglots. Cet après-midi, en faisant mousser le lait pour un Latte machiatto, j'ai complètement perdu la boule et me suis mise à sangloter au dessus des petites cuillères. À la fin de mon service, je suis restée prostrée de longues minutes sur les chaises dehors, incapable de partir, avec la nuit partout sur la ville, et quand j'ai fini par réussir à me traîner jusqu'à la sonnette de chez Corny, j'avais des larmes plein le menton et du maquillage dégoulinant jusque dans mon écharpe.
Je suis comme une miette de biscuit au fond d'une tasse de thé, on croit un instant pouvoir encore me sauver et en fait, on doit vite se résoudre à me voir dissoudre.
C'est juste incroyable que tous les hivers ce soit le même cirque au mois de décembre. On devrait installer un chapiteau et les gens viendraient me regarder faire mon numéro : tomber, repartir de plus belle, m'écharper avec les trapèzes, me prendre dans le nez des poteaux, m'étoiler dans le décor, me frasquer et faire six fois le tour de moi-même, inventer des défis pas du tout dans les proportions et y laisser toutes les plumes de mon oreiller. À la fin, je compterai mes hématomes avec les gens assis sur les bancs, et je crois que ça pourrait être réconfortant, pour eux, cette idée : regarde un peu la galère de l'hiver de quoi elle a l'air, on s'en sort pas si pire. Et pour moi, ce serait une bonne formule, la meilleure des formules, parce que la douleur, sur scène, c'est pour de faux. Alors je serai, à l'intérieur, entière, avec tous mes morceaux.
20 décembre 2015
/ breaking news \
Je viens de recevoir un email de mon père, qui contient :
des lettres majuscules ET des lettres minuscules
des retours à la ligne
de la ponctuation
il a même été identifié des guillemets et une apostrophe.
mon équipe pense à une arnaque.
je crois qu'ils ont raison.
19 décembre 2015
Il y avait, dans la rame de métro avec nous, un homme en fauteuil roulant endormi dans une couverture. Je suis sûre de certitude de l'avoir reconnu, c'est le SDF qui dormait tout le temps à la station de métro Bernauerstr quand je travaillais dans le café à Prenzlauerberg. Il avait l'air sacrément mal à l'époque, et il n'a pas l'air d'aller mieux. Il n'a donc pas spécialement la silhouette de quelqu'un d'handicapé, mais plus de quelqu'un de profondément pommé.
À un moment, il ouvre un œil et commence à manœuvrer son fauteuil, non sans mal et dans une grande lenteur, pour s'approcher des portes du métro. Il est clair pour tout humain possédant un cerveau qu'il compte descendre à la prochaine station.
Il s'est mis en marche arrière. Il ne voit pas derrière lui. On arrive en gare, quelqu'un ouvre les portes. Il est au milieu des portes, le quai dans son dos. 4 personnes passent à côté de lui et sortent, tous des hommes.
Je passe aussi, et lui demande Est-ce que tu veux que je descende ton fauteuil sur le quai ? Il répond oui. Je lui fais donc descendre la marche et c'est tout.
Pourquoi faut-il que ce soit la 5ème personne à passer qui le propose ? Sérieusement ? Qui êtes-vous, les 4 premiers ? Pour décider s'il a besoin d'assistance ou pas ? Pour le laisser au bord des portes comme ça ? Parce qu'il a sûrement pissé sous son plaid ? Parce qu'il est peut-être ivre ? Parce qu'il ne s'est pas douché depuis des semaines ? Non mais vraiment ?
Je vais vous dire, messieurs les 4 premiers à être passés devant lui : lui proposer votre aide et effectuer la manœuvre vous prendra en tout 8 secondes. Le cours de votre soirée ne subira aucun changement. Le faire ne vous liera pas à cet homme pour la vie, ni pour les prochaines 20 minutes, ni pour les prochaines 3 minutes. Par contre, ce serait une belle preuve de civilité,
et je pourrai rentrer chez moi sans vous trouver idiots et sans devoir prendre le temps de vous adresser ces mots -
19 décembre 2015
L'année dernière à la même période, je te racontais que je n'avais pas fait un seul cadeau de noël, pas un, sauf pour Mike. (Clignotants, L'autre journal daté du 20 décembre 2014) Cette année changement de plan : j'ai envoyé un colis à la famille, préparé une ou deux broutilles pour les amis, bricolé du fait-main pour l'amoureux. Cette année, cadeaux de noël il y aura.
Et puis Mike, qui est là, tous les samedis, devant les galeries, pour qui je m'assure d'avoir toujours de la monnaie. Je ne veux pas l'encombrer dans sa journée, lui peser dans ses déambulations, mais je lui ai quand même préparé un petit sac avec un jus de fruit, des sucreries, une banane, deux pommes, deux muffins salés, du fromage, deux paires de chaussettes, une écharpe et un livre. Je crois que je n'oserai jamais l'inviter à boire un café, j'aurai bien trop peur de ne rien comprendre à son allemand à trois dents. Et puis je me fais des pensées, je me dis, ce n'est peut-être pas ce dont il a besoin ou envie, peut-être a-t-il besoin de caleçons, peut-être a-t-il envie de poisson; mais. bon. hein.
_______________ *
Je lui ai tendu le sac en toile en lui énonçant son contenu, il m'a remerciée, il a dit plusieurs fois oh, c'est gentil , il m'a souhaité de joyeuses fêtes et m'a dit à l'année prochaine ! J'ai tout compris ce qu'il a dit. Peut-être que du coup, une autre fois, j'oserai lui demander s'il envie ou besoin de quelque chose; j'ai remarqué qu'il boitait parfois, peut-être que du coup, j'oserai lui demander, si son pied, ça va.
11 décembre 2015
J'avais écrit cette annonce en septembre 2014 et je retombe dessus ce matin, je crois que je m'en sors pas trop mal. On ne boit jamais de vin ensemble ni ne cuisinons épicé, on n'a pas vraiment non plus agrandi la ville,
Je ne sais pas si je ris vraiment plus souvent, mais ce qui est sûr, ce que je m'amuse mille fois fort, je n'ai jamais autant raconté de bêtises à tout va, j'ai un peu pleuré, mais juste un peu, dans le téléphone une fois, il est entré dans mon lit sans faire de vagues il m'a laissé raconter mes trouilles mes incertitudes mes crevasses et depuis j'apprends les corps à petits pas mais avec joie, on ne lit pas vraiment à haute voix mais parfois un peu, je lui traduis au pied levé une chose que j'ai écrite, il écoute, il donne clairement tort au non-romantisme berlinois, on a cette habitude très mauvaise de s'appeler n'importe quand et de se retrouver au dessus d'une barquette de frites, évidemment qu'il me mange les seins, et non, je ne fuis plus, pourquoi le devrais-je ? Je prends des kilomètres de recul, je ne me jette plus dans le feu pour voir si ça brûle, je déguste la juste-mesure,
j'ai des frissons quand il effleure à demi-plume la peau de mon bras, je n'éprouve pas le manque, pas ici, pas en ce moment, j'ai confiance.
il est bien, mon humain.
6 décembre 2015
J'ai été témoin d'une sale scène de rue hier soir. Je n'ai pas encore la force de l'écrire mais je n'arrive pas non plus à lâcher prise. Je ressasse deux scènes violentes vécue à Berlin cet automne, j'ai un profond dégoût pour les demi-cerveaux humains de ce monde capable de se frapper, s'attaquer les uns les autres. Même une demi-seconde de violence est une demi-seconde de trop, tu comprends ? Je ressens aussi une profonde tristesse de m'être sentie si seule ces deux fois dans l'intervention rationnelle, mesurée, calme, pour apaiser. Je crois que je suis toujours sous le choc. J'ai la hargne aussi, tu comprends. La prochaine fois les amis, je ferai comme les autres, je passerai mon chemin, hein, c'est donc ça ? Merde, je pleure. Vous n'avez pas été cool, les Berlinois, hier, non, pas cool, la prochaine fois que tu vois une fille seule s'interposer entre des idiots agressifs et essayer de les calmer, la prochaine fois, tu vas aider cette fille, d'accord ? S'il te plaît. Parce que là, je ne digère vraiment vraiment pas du tout.
6 décembre 2015
Tu veux que je t'en raconte une bonne ? Assieds-toi, ça va être long.
Je remonte l'Adalbertstr. Le quartier est hyper animé, il y a un restaurant tous les mètres, du monde partout. Je vais vite fait rendre visite à une amie qui habite deux coins de rues plus haut, j'ai un grand sac en papier rouge avec un petit arbre, un pot de fleur, des galettes de sarrasin et de la mousse au chocolat.
Un garçon dévale la rue en courant, quand il passe à ma hauteur je vois qu'il saigne abondamment du nez, quelqu'un lui crie quelque chose de loin, je me retourne mais il est déjà en train de disparaître entre les voitures.
40 secondes plus tard, en traversant un passage piéton, je vois un homme, inerte, au sol, entre le trottoir et la rue. Il y a une quinzaine de personnes tout autour, je me dit Les pompiers vont certainement arriver d'une seconde à l'autre.
Et puis, j'ai cet instinct de faire demi-tour et de traverser la rue.
Quelqu'un bouge l'homme à terre, le met sur le côté, j'ai un éclair de seconde peur de le voir gravement blessé, je regarde tout de suite son ventre, il n'a de sang que sur le visage, il est inconscient, youpi.
Est-ce que quelqu'un a appelé les pompiers ? Les gens font un arc de cercle et personne ne répond. Je parle pourtant fort et clairement.
Un des deux jeunes hommes qui ne font pas parti du cercle dit, au tout début Bordel, il est où mon portable, il m'a volé mon portable.
On appellera le jeune homme qui dit il m'a volé mon portable Portable, et l'autre, son pote, Chemise. Je me souviens qu'il avait un manteau noir genre feutre et une chemise.
Chemise se met à crier hyper agressivement Mets-le debout, mets-le debout qu'il reprenne ses esprits mets-le debout ! Il crie ça en boucle. A partir de là, mon sac en papier avec le petit arbre est posé sur le trottoir, mon cerveau vérifiera de temps en temps de manière automatique sa présence. Je vais m'adresser en boucle à Chemise Il faut qu'il reste au sol, regarde dans quel état il est, il faut qu'il reste au sol, regarde-moi s'il te plait, regarde moi dans les yeux, arrête de crier, regarde-moi, arrête de crier vraiment, arrête de crier ça ne sert à rien, regarde-moi, arrête de crier il faut qu'il reste au sol. Je suis à deux doigts de lui gueuler dessus tellement il est con de gueuler sur un mec en sang qui a je crois commencé à ouvrir les yeux mais qui est clairement dans les vapes. Je me dis qu'il y a peut-être des gens autour de nous qui ont vachement plus d'expérience que moi côté médical, mais je fais comme si je savais complètement ce que je disais. En vrai, j'ai juste la sensation que mettre quelqu'un debout alors que dix secondes avant il était inerte sur le trottoir n'est pas une bonne idée. De toutes façons il ne tient absolument pas sur ses jambes. Je ne me sens pas du tout légitime mais je ne laisse pas Chemise le ressentir, je suis ferme, immobile face à lui, je répète en boucle Arrête de crier. Je m'adresse à d'hypothétiques personnes en disant Il faut qu'il s'assoie, asseyez-le par terre. Le gars a le nez et les gencives en sang. Il y a un homme qui est apparu et qui le soutient, cet homme disparaîtra à un moment, je ne sais pas quand. Si j'avais pu, j'aurais dit à Chemise Mais qui est-tu espèce de demi-cerveau pour hurler comme un veau sur un mec qui vient de se faire défoncer et qui saigne comme ça ? Qui es-tu espèce de profond idiot pour lui crier dessus, pour ne pas voir qu'il est complètement assommé ? Je ne l'ai évidemment pas fait. Je l'ai regardé dans les yeux et lui ai parlé calmement. Chemise est moins agressif et ne gueule plus, il rumine dans son coin, mais Portable commence à s'adresser au gars blessé et à lui demander Donne-moi mon portable, il est où mon portable ?
À un moment, je me dis que si je suis la seule conne ici à dialoguer, c'est peut-être que les autres ont assisté à l'agression qui a eu lieu il y a quelques minutes et qu'ils sont sous le choc. Je me sens quand même très seule et je leur en veux. Personne ne s'occupe du gars au sol et je ne peux pas lâcher Chemise et Portable, je leur parle continuellement. Il devrait y avoir d'autres passants qui me soutiennent. J'essaie de faire entendre raison à Portable, je le tiens par l'épaule pendant que mon autre main est sur l'épaule du gars en sang, je me souviens oui, dans ma main gauche l'épaule de Portable et dans ma main droite, l'épaule du gars assis au sol Regarde dans quel état il est, il ne peut pas du tout s'enfuir, il ne peut pas te répondre, attends quelques minutes, tout va s'expliquer, calme-toi, laissez-le, laissez-le, laissez-le, il ne part pas, regarde il est là. Chemise dit quelque chose comme Ses potes sont partis en courant, il lui gueule tout à coup Ils sont où tes potes, hein, ils sont où ? Portable dit Il est où mon portable ? Je pense Mais bordel quand est-ce qu'ils vont la fermer leur gueule, ils ont deux neurones ou quoi. Je repense tout à coup au mec qui saignait du nez qui remontait la rue en courant. Une femme nous crie de loin Ils arrivent, il faut qu'il reste là. Je me retourne PARDON ? Elle répète Ils arrivent, il faut qu'il reste là. Je lui gueule Mais qui, mais quoi ? Elle se barre. Je vous prie de me croire quand je vous dis que cette femme sous son bonnet noir, je l'ai haï avec force. J'aurais tellement aimé la rattraper et lui dire Mais dis donc, qui es-tu connasse pour t'adresser de loin à moi comme ça, pour ne pas t'approcher à plus de 5 mètres et repartir bien vite ? Qui es-tu pour ne pas venir me parler ? C'est qui ILS, on joue aux devinettes, ILS quoi, les pompiers, la police ? IL FAUT QU'IL RESTE LÀ. Pardon ? Tu as dit quoi ? Il faut ? Hahaha et tu t'adresses à moi, là, il faut ? Vraiment ? J'ai l'air d'avoir la tête d'une quelconque force d'intervention à qui on peut dire Il faut que ? Il reste là, tu veux dire, le gars en sang ? Donc parce que tu viens de crier au beau milieu de la rue, j'ai la mission suprême de garder ce mec ici sur le trottoir ? Parce que c'est moi que tu regardais parmi tous les gens. Mais dis-donc connasse viens donc avec moi m'aider un peu, viens te pencher sur lui et s'il te plait vérifier qu'il ne se mette pas à vomir partout. Qui es-tu pour te barrer comme ça, sérieux, réponds-moi !
Elle a eu de la chance elle, que je ne puisse pas la rattraper, je crois que j'ai eu le désir ardent de faire une soupe de sa peau, j'aurai mis Chemise et Portable dedans aussi, et celui du début qui m'a dit Hé mais j'ai rien à voir là dedans moi ! quand je demandais si les pompiers avaient été appelés.
Quoiqu'il en soit, je savais maintenant que la situation n'allait pas durer toute la nuit, et notre garçon au visage tuméfié avait du retrouver un peu de ses esprits parce qu'il s'est relevé.
J'ai vu passer les premières sirènes de police. Puis deux. Trois. Sûrement aller se garer plus loin. Quand j'ai vu la première silhouette de policier avancer vers nous, j'ai baissé les bras, j'ai tourné la tête, pris mon sac en papier, je suis partie. Je n'ai pas regardé autour de moi, je ne suis pas restée un centième de seconde de plus. J'ai pensé Enjoy mec, c'est ton métier, enjoy je me casse.
J'ai marché en pestant dans mon écharpe Putain de connards d'humains. 40 secondes plus tard, au moment de sonner chez ma pote, l'adrénaline m'a pulvérisée. D'un seul coup d'un seul, j'ai été démontée des pieds à la tête. Je suis arrivée au premier étage et je n'arrivais plus à respirer, j'avais un tambour au coeur, j'étais blanche comme un yaourt, je me suis mise le dos contre un mur et la seule chose que je pouvais dire à ma pote qui hallucinait c'était Pardon, j'arrive pas à respirer, deux secondes. Ça faisait une éternité que j'avais un sang-froid du tonnerre et d'un seul coup, bim, explosion de la chaudière.
6 décembre 2015
Factuellement, il ne s'est rien passé de grave. Je n'ai été témoin d'aucune agression, je me suis juste mêlée d'un truc parce que j'avais le besoin d'être sûre que tout allait bien, et qu'une fois sur place il m'a semblé essentiel de calmer les esprits.
Je n'ai pas eu le temps de digérer ces quelques minutes de rue vendredi soir.
Le soir après le boulot, je suis épuisée de l'épuisement, genre zombie, pourtant je n'arrive pas à aller dormir, je traîne dans mon lit et je zone dans l'écran de l'ordinateur, vaseuse.
Pareil, là, j'ai le coeur qui bat très rapide et les aisselles en nage.
Je n'ai été témoin d'aucune agression, mais je suis choquée de l’imbécillité humaine, de son aptitude à la violence, et de l'aptitude de tous les autres au silence.
À vous, qui marchez dans la rue, à vous qui étiez sur ce trottoir avec moi, parler, s'adresser à d'autres humains, avec calme, de façon calme et posée, ne devrait pas être un acte aussi isolé. Je me sens profondément triste de n'avoir eu le soutien de personne, qu'il n'y ait eu que des témoins avec qui je n'ai même pas eu le temps d'un échange de regard, j'ai été mille fois trop seule pendant ces quelques minutes. Mille fois trop seule.
Je n'ai été témoin de rien de grave, mais je suis quand même choquée. Je vous en veux.
28 novembre 2015
25 novembre 2015
Comme tout le monde, je zone dans l'internet qu'on me fait défiler devant les yeux : je zappe et je zoom, je fais des zigzags dans les onglets de mon navigateur. Je ne tiens pas en place, je me déconcentre de tout, je clique partout, des mots-clés allument une étincelle d'intérêt, je survole, je vais je viens je consulte un tas de gens je vérifie un tas de trucs il y a toujours une page à visiter un blog à regarder un profil a suivre et un jour,
Un jour tu n'as plus rien produit. Toi, dans l'internet, le plutôt silence. Tu meubles un peu mais personne n'y croit. Les écrans ont endormi ton envie, la multitude des réseaux sociaux t'a flanqué la frousse, la vitesse de croissance du virtuel t'a donné le vertige
Tu te sens vieille et à la masse,
Frustrée par la plate-forme qui héberge ton blog et a tué ton site internet, parce que cette plate-forme s'effondre sur elle-même de façon si pittoresque et misérable, et que tu n'as pas encore de solution pour quitter le navire
Il y a de gros chantiers de reconquête à mener pour toi, toi l'enfant de l'internet, toi qui y est née, toi qui y a grandi.
Si tu as envie de me soutenir un peu dans les semaines à venir, dans cette fin 2015, tu peux aller liker ma page, lire un peu ce que j'y partagerai, m'écrire des bisous sous les photos, me dire que tu m'aimes bien.
Et si mon profil te saoule parce que j'y poste trop, et si ma page te saoule parce qu'il y a trop de photo de nu, j'y pense souvent et c'est important de le rappeler à ceux qui sont moins familiers des petites lignes de Facebook : tu peux demander à ne plus voir mes publications ! Tranquille Émile, fais-toi plaisir !
Je vous salue,
Louise
22 novembre 2015
Vis ma vie. Depuis que je ne mange plus de gluten, moi et ma bouffe on est quand même vachement plus organisées. Les placards ne sont presque jamais vides à un point de non retour. Ce matin à 07h, je me fais une galette de sarrasin citrouille, pomme de terre, crème fraîche, féta, romarin. C'est bon. La patate est la base de mes petits dejs depuis des mois. Je suis devenue experte en épluchage de légumes, quand, paupières à demi décollées, je suis debout depuis 3 minutes. Je pourrais bien sûr, faire mon pain avec les farines rigolotes sur les étagères. Mais ça a été tellement difficile d'arrêter d'en manger, je ne veux pas tenter le diable en y reprenant goût, ce serait me fournir des occasions de craquer devant une boulangerie. Dès que j'ai 5 minutes et une grande casserole, je vais commencer à faire des conserves. Cette idée me fait bien de la joie.
Ce matin, c'est brunch, je vais travailler des heures à côté d'un buffet magnifique dont je ne peux pas manger grand chose pendant ma pause. Life is life. C'est pas toujours facile, mais on s'en sort pas trop mal.
31 octobre 2015
Je suis épuisée. Défoncée à la fatigue. Arrivée à ma frontière de Dans-trois-secondes-je-vais-m'éteindre. Et pourtant, je n'arrive pas à lâcher prise. Si c'était un samedi soir de semaine A, j'aurai depuis longtemps éteint la lumière, depuis certainement 20h30. Allez, peut-être 21h. Je dormirai à poings fermés, comme un bébé, lovée dans mon oreiller et heureuse. Mais c'est un samedi de semaine B, et je me lève dans pas longtemps pour aller ouvrir le café, pour dresser les tables pour le brunch du dimanche. Et je n'ai pas assez dormi les nuits dernières, et je n'ai pas envie d'ouvrir les paupières demain dans le noir pour m'habiller; tôt, tôt, tôt. Du coup, je lutte. Ce qui est idiot du genre profondément idiot. Ce dilemme qui revient si souvent.
Je n'aime pas la fatigue. Certains, d'autres, les autres, savent faire avec la fatigue. Ils la surmontent, la contournent, la mettent en sourdine en attendant. En attendant le repos, la trêve, la pause. Moi, la fatigue me grignote très fort tout de suite. Je suis en miettes, direct. Pas d'entre deux, direct-biscotte-écrasée.
L'heure me regarde et se moque, tic-tac-tic-tac-tic-toc-tic-tac-tac-toc
Pardon ?
4 novembre 2015
L'autre soir, je rentrais du boulot à vélo, quand j’aperçois de l'autre côté de l'avenue quelqu'un à terre en plein milieu du trottoir.
Pleins de commerces, pleins de passants, trois personnes l'entourent, je me dis que c'est bon. Et puis, avec un regard plus long, je remarque que l'une des trois personnes autour d'elle est clairement "avec" elle, penchée sur elle, mais n'a pas vraiment l'air de l'aider... ? Le temps d'un feu rouge, j'observe les deux autres. Ils tiennent leur vélo à deux mètres de la scène, se parlent entre eux mais ne s'approchent pas... BON.
Je fais demi-tour et je traverse la place, la personne au sol est une femme, l'autre un homme, lui grognant-beuglant-insultant des trucs incompréhensibles.
Je demande aux deux jeunes hommes qui se tiennent à côté si tout va bien,
" On ne sait pas, on se demandait justement "
Justement ? Tu as besoin de 5 minutes pour voir que ça ne va pas bien ? En m'approchant, je m'en rends compte en 10 secondes...
Je me penche sur la femme, elle est pleine de morve et de larmes, le visage et le cou trempés et visqueux, je lui demande si elle veut que je lui trouve un mouchoir, si elle a besoin d'aide. Le simple fait que je m'adresse à elle fait s'éloigner l'homme qui lui gueulait des trucs. Elle me dit "Relève-moi, je n'y arrive pas". Elle est grosse, obèse, mais surtout, complètement bouleversée, défigurée par les pleurs, à bout de forces. Je la soulève, lui trouve un mouchoir, elle me remercie, me prend dans ses bras, je lui demande si ça va aller, si elle ne veut pas aller s'asseoir sur la terrasse de la boulangerie là-bas, boire un peu d'eau, se calmer. Elle me dit que non, non, elle commence à raconter des choses décousues sur l'homme qui l'accompagne, elle est confuse, elle parle de drogues, qu'il l'a bat, qu'il est dingue, qu'il a failli mourir dix fois, qu'elle n'en peut plus, je lui demande où elle habite, lui propose de l'accompagner prendre le métro, lui dit qu'il faudrait qu'elle rentre chez elle reprendre ses esprits, s'allonger, dormir,
Les deux hommes approuvent, répètent qu'elle devrait rentrer chez elle, Tiens, vous êtes là vous deux ? Encore ?
L'homme qui l'accompagne est vraiment ivre ou vraiment défoncé ou tout à la fois. Il se tient debout, en diagonale, à une dizaine de mètres de nous, tranquille. Au bout d'un moment, elle part à pieds. Il commence à la suivre de loin. Des gamins de 14-15 ans qui s'étaient joints à notre drôle de groupe lui emboîtent le pas, l'interpellent deux fois et lui disent de laisser la femme partir tranquille.
Des gamins de 14-15 ans, hein.
Finalement, je suis le couple, les gamins continuent à surveiller un peu et lâcheront l'affaire plus loin, l'homme et la femme recommencent à se disputer à un passage piéton, cette fois elle lui hurle (à bout de souffle) des trucs, personne n'intervient, elle recommence à pleurer, ça dure un peu, j'accroche mon vélo, ils descendent dans une galerie marchande et entrent dans un supermarché. Je ne les trouve plus, ni l'un ni l'autre, je demande à un employé si deux personnes sont entrées dans le magasin en se disputant violemment il y a quelques minutes, il me dit que oui, me demande pourquoi, je lui explique en quelques phrases les dernières 15 minutes et lui conseille de les séparer s'il les croise. Je pars.
Pourquoi je raconte tout ça ? Parce que les deux jeunes hommes avec leur vélo m'ont tellement et trop et infiniment énervée. Qu'ont-ils fait ? Ils se sont arrêtés et ont affiché leur position de "témoins", ont discuté entre eux. Combien de temps ? Aucune idée. Entre le moment où je les ai vus, et le moment où je les ai rejoints, il y avait bien 4-5 minutes. Ils étaient peut-être depuis plus longtemps là ?
En quelques secondes, parce que j'ai très simplement demandé à la dame si elle avait besoin d'aide, la situation a complètement changé. L'homme s'est éloigné, elle a repris ses esprits.
Pourquoi ne l'ont-ils pas fait, ça, nos deux trentenaires, simplement dire "Pardon, est-ce que tout va bien ?"
Ils m'ont répondu à moi "On se demande", bon, tu te demandes si tout va bien, c'est déjà cool, mec, hein, bravo, MAIS C'EST ÉVIDENT QUE CA VA PAS LÀ, il y a quelqu'un au sol, ce n'est pas assez ? Tant que l'homme ne la bat pas, vous n'intervenez pas, c'est ça ? C'est quoi votre baromètre du ça-va ou ça-va-pas ? A quel moment tu vas enlever ces deux mètres de sécurité entre toi et eux, qui font qu'eux, ils sont et restent dans leur bulle, et que tu regardes la bulle en-te-demandant-si-tout-est-normal-ou-pas.
Ah, tu vas rester là ? Dans ce cas, ne t'arrête pas, mec, rentre chez toi, regarde le groupe de 3 gamins là-bas, eux ils interviendront plus que toi, c'est bon, laisse, laisse, laisse.
31 octobre 2015
Je me souviens, quand je suis arrivée à Berlin, avoir tant détesté les rendez-vous souterrains, leur 2 mètres de cigarettes à boire par leur nez, leur basses assourdissantes, insupportables. J'avais la nausée, les corps trop nombreux me faisaient peur, le chaos me chavirait, je mettais les voiles en quelques secondes, impossible de me retenir, je rejoignais mes draps pour me couler dans le sommeil, tranquille.
Je me souviens de ça, calée dans un fauteuil naviguant dans un ciel de fumées. Partout autour, ces gens qui passent d'une pièce à l'autre, dansent, se croisent, ne parlent pas vraiment, ces humains qui sont devenus les petites cellules du Club, qui rendent les murs vivants, notre épiderme. A ma droite, le coeur qui vibre, fou, lent, puissant, boum boum, je me concentre, boum boum, sur la petite musique lointaine, boum boum, à discerner dans le brouillard des bruits, cette mélodie : des violons, quelque chose comme des violons, sans doute les poumons qui chantent, les poumons de ce drôle d'ogre qui nous invite pour la nuit en son sein, nous éteindre, nous revivre, nous jeter, nous arabesquer, nous tous petites pulsations, moi petite pulsation dans le fauteuil les yeux fermés, l'amoureux dans mes bras, sa tête dans ma main, je me souviens comme j'ai détesté ce monde précis, pendant des années.
Et là, je m'endors si bien si doux, je me sens chez moi, dans le bain bouillant d'une nuit Berlinoise, je ne souhaite pas du tout rejoindre mon lit, je ne désire pas changer d'air, c'est bien, ici : un fauteuil défoncé, un air saturé, des corps mouvants, et cette chose qui a l'air de violons au loin dans la brume. Merde, comme c'est bien.
24 octobre 2015
Berlin, Berlin, Berlin ! Tes pistes de danse souterraines, ton oxygène parfumé nicotine, Berlin ta folie, Berlin je t'aime ! Payer dix euro pour finir dans une cabane piscine à balles, être fauchée, puante, suintante, mais heureuse; les paupières qui grésillent, l'épiderme clignotant, les mollets en mille pattes. Sale mais comblée, Louise. Pour ces quelques minutes de liberté, pour cette errance du corps dans les basses d'une cave, pour cette réalité suspendue, ici, là, Berlin, je te le dis, c'est la seule chose qui me retient, me ramène à toi. J'ai de longs mois laissé passer nos rendez-nous, je n'ai plus écumé tes nuits, pourtant, regarde!, comme c'est bon, de t'avoir, même peu, si précieux. Demain matin, à l'ouverture du café, je regretterai amèrement mon sommeil empiècé, mais tout de suite, mon oreiller sourit, et je t'adresse, Berlin, mes salutations distinguées.
24 septembre 2015
J'ai reçu hier un mail. Complètement inattendu. Avec une pièce jointe, assez folle. Un document de 89 pages.
Un monsieur, qui se dit "un très vieux monsieur", que j'aurais plutôt envie de décrire comme un agile monsieur, a parcouru les 10 années de mon blog, et m'en livre une lecture très touchante, une mise en pinceau, une danse sur papier, une réécriture à l'encre noire, mais sans les mots.
88 textes extraits de Clignotants, accompagnés de 88 dessins.
Autant dire : un peu dingue. J'ai dégringolé le document hier soir, avant de m'endormir, les yeux ouverts comme des soucoupes, la lumière de l'écran qui se vidait dans mes pupilles, j'ai survolé ces mots écrits en 2005, 2005 mon dieu, il y avait ces dessins à côté, ça résonnait étrangement, ça donnait à ces vieilleries d'écriture une légitimité, j'avais des chamades de surprise un peu partout. Et puis l'encre noire a suivi le fil du temps, les pages défilaient et les années aussi, 2006, 2007, parfois je reconnaissais les textes par coeur, parfois ils me filaient un hoquet, les sourcils haussés, louise déroutée, avoir oublié, c'est possible ? Depuis 2008, mes mots semblaient être d'hier, 2008 c'est Berlin, Berlin c'est être devenue quelque chose, depuis 2008 c'est comme une cohérence, j'entends ma cohérence, je la sens, et je la redécouvre tout à coup traversée par les blancs et les noirs de ces peintures, frissons, surprise, toujours, le curseur glisse sur l'écran mais je ne m'habitue pas.
Et c'est vraiment les palpitations dans l'estomac.
Je crois qu'à un moment j'ai oublié de respirer. Je suis certainement restée comme ça, en apnée.
Un peu dingue, ce cadeau. Un beau cadeau. Presque un cadeau d'anniversaire, un clin d'oeil à ces dix années vacillantes.
Je me permets de mettre ici une capture d'écran. Besoin de partager, je ne sais pas faire autrement. Et certainement, un jour, le document tout entier, ici ou ailleurs, à trouver, à voir, à consulter ? Ce serait bien chouette, si notre "très vieux monsieur" est d'accord.
11 juillet 2015
Je m'appelle Louise, que ça vous plaise ou non. Vous vous défendez souvent en me disant que vraiment, Margot, c'est plus joli. Ça vous plait. Plus. Mieux.
Il se trouve, que moi, j'ai choisi Louise, et que comme ce prénom est à mon adresse, il serait bien sympathique d'arrêter d'argumenter. Il n'y a pas d'argument. Je m'appelle Louise, c'est tout. Je porte des culottes en coton colorées parce que je me sens bien dedans. Je m'appelle Louise, ça fait longtemps déjà. Louise : parce que je me sens bien dedans.
Évidemment, quand j'entends Margot, je réponds. Mais à chaque fois, je me sens griffée. Une aiguille de mauvaise humeur plantée au milieu des cheveux. Alors je vous reprends. Depuis des mois. Parfois, vous vous rebiffez, comme aujourd'hui. Je n'ai pas dit que ça devait vous être facile ou agréable. Mais je continuerai, à vous reprendre, parce que je m'appelle Louise et que je me fiche bien que Margot ce soit vraiment plus joli.
24 mai 2015
Nuit - Paillettes - Musique
La robe dorée, bien sûr
Le jour levé, partir
À vélo, légèrement
Entendre le son des percussions
Les chants de drôles allumés
Descendre dans le couloir du métro
Retrouver la folle ronde des gens
Et danser, danser, danser
Puis partir
Faire du vélo sans toucher le guidon
S'allonger le long du canal
avec un parfait inconnu
rencontré dans un rayon de soleil
La ville dans son silence de petit jour - belle,
nulle part, les voitures
nulle part, les humains
partout, un océan d'oiseau
et cette douce odeur d'eau
Terrible délice !
Cette précieuse paix,
dormir - rêver - sereine,
les doigts dans l'herbe,
des fourmis dans le cou,
la peau accrochée au ciel
Bailler, se lever, s'en aller
Croiser à la terrasse
d'un café très matinal
Les amis des amis
Pain au chocolat et oranges pressées
Le trottoir plein de vies,
les enfants, les lêve-tôt
Tous baignés de soleil
Petit déjeuner
Joie & Liberté
Se laisser glisser jusqu'à la maison
Danser sur le vélo
Toutes ailes déployées
Berlin, Berlin, Berlin,
comme on t'aime !
27 avril 2015
23h à Berlin un dimanche soir. Tout petit kebab, 3 tables, 6 chaises.
Au dessus d'une barquette de frites, je raconte à un ami, en français et en détail, la misère de ma vie sexuelle avec un amoureux. À un moment, je remarque deux garçons qui attendent debout leur commande et sens le regard de l'un sur moi. Furtivement, je me dis Si ça se trouve il comprend le français. Mais déjà je l'ai oublié, trop concentrée sur mon pote de l'autre côté de la table "Toooooutes les nuits, pendant un an, est-ce que tu i-ma-gi-nes ? ". Je continue mon histoire, on ne peut plus explicite. Quelques minutes plus tard, quand ils paient leur commande, j'entends un des garçons demander au vendeur, en allemand, "Et tu parles français ?". Le vendeur répond que non, je me retourne "NON, LES GARS, VOUS ÊTES FRANÇAIS ?" - "Oui, oui. C'était, euh, assez intéressant. À partir du moment où on a entendu le mot missionnaire, on a été hyper attentifs." Je rembobine. Depuis combien de temps sont-ils là ? Bordel, bien plus de cinq minutes. Ils n'ont pas dit un mot. Ils n'ont même pas pouffé de rire. Je la joue cool, comme si, après tout ce n'était rien. Ils sortent, CRISE DE RIRE.
L'histoire que je racontais à mon ami de l'autre côté de la barquette de frites, je ne la raconte jamais, et eux deux, ils l'ont eue, comme ça, au vol, ils sont sortis du kebab avec le récit de mes nuits avec cet amoureux, et c'est étrange, comme c'est à la fois rien du tout, et à la fois tout.
09 avril 2015
Au téléphone
- Je t'ai pas dit
- Non
- Il y a ce garçon que j'avais croisé deux fois par hasard, une fois dans un bar, une fois dans la rue. Je le recroise sur un marché, on papote et finalement on va se poser un peu dans un café boire un coup. On échange nos numéros, et on se revoit, l'autre soir. Je bois un verre de vin, il boit une bière. Il se tortille comme un asticot sur le canapé, et au bout d'une heure, il me dit qu'il est amoureux. Qu'il est amoureux de moi. Il précise bien "nicht verknallt, verliebt !". Mais bordel, c'est quoi ce délire tu peux me dire ? C'est un virus ? Ils ont quoi tous ? Une maladie moderne ? Une nouvelle mode à Berlin ? Mais qu'est-ce qu'ils ont bordel, hein ? Arrête de rire enfin, dis-moi ! Ils participent à une expérience de société ? Ils veulent ma peau ou quoi ?
Elle ne m'a pas répondu. On a dit qu'on se verrait samedi, bisous.
Je lui ai pas répondu à lui non plus. Je lui ai expliqué qu'il avait de la chance que je ne ressente pas le besoin immédiat de l'assassiner, parce qu'on m'avait fait le coup quelques semaines auparavant et que j'avais été tellement en colère que j'aurais pu fiche une belle paire de claques. Sur le coup, quand il a ouvert la bouche pour dire ça, j'ai juste pensé "oh-la-boulette" mais je me suis retenue de le dire, parce qu'il se tortillait déjà assez. Je n'ai certes pas ressenti le besoin de partir en courant, je n'ai certes pas été contrariée. Juste un peu sonnée. J'essaie de ne pas considérer son aveu comme de la bêtise. J'essaie d'accueillir ça à neuf.
Mais à nouveau, je me demande :
1. Pourquoi ?
2. Qu'imaginent-ils ?
Il m'a trouée la culotte. Me dire ça alors qu'on a passé à tout casser, deux heures bout-à-bout ensemble.
Je ne comprends pas d'où leur tombe cette envie complètement saugrenue de se mettre à nu, comme ça, paf, sans prévenir, c'est comme traverser la rue en dehors du passage piéton sans regarder ni à droite ni à gauche :
Advienne que pourra, si j'arrive de l'autre côté vivant je sabre le champagne et sinon tant pis !
Est-ce ça, ce qu'ils pensent ?
Mais enfin !
Mais, enfin !
23 mars 2015
Il est fou amoureux et maintenant fou triste et il me le dit, cet idiot, je ne comprends pas pourquoi il me le dit, il me le dit, il me le dit, il me le dit. MAIS BORDEL, pourquoi tu fais ça ? Tu crois que je vais te dire Oui bien sûr chaton, viens on va se promener et passer du temps ensemble ? Tu crois que je vais te dire Oh, roulons-nous dans les champs de fleurs, peut-être que moi aussi je vais être folle amoureuse ?
Je ne comprends pas du tout ce besoin d'exprimer un sentiment quand il est si fort et si frais, d'imposer cet état à l'autre en face de soi, ça me met presque en colère, c'est désagréable, c'est impudique, c'est chiant comme la peste.
J'ai été folle amoureuse, et quand j'ai senti que ce n'était ni l'heure ni le lieu pour lui de jouer ce jeu là, je me suis tue, je n'ai rien dit, j'ai serré les dents et j'ai pris ce qu'il m'était permis de prendre : de l'amitié. Parce que ça me semblait mieux que rien du tout, parce que je me sentais assez forte pour tenir le cap.
Qu'aurait-il fait, si je lui avais dit
" Coucou Corny, je t'ai rencontré il y a deux jours, et là mon ventre est déchiré en deux, je suis enfermée dans l'oeil de la tempête, le ciel est un putain de vomi de bonheur, je suis pendue par les pieds dans un fou rire, j'ai pêté de l'hélium tout à l'heure et je meurs de désir de toi toutes les secondes "
Qu'aurait-il fait ?
Il m'aurait dit
Désolée gamine, j'peux rien pour toi.
Mais je n'ai rien dit,
je ne lui ai pas demandé de prendre une décision,
je n'ai pas gratté à sa porte pour qu'il me la ferme au nez,
j'ai ravalé mes fleurs au coeur,
j'ai pris de longues respirations,
j'ai arrêté la tornade de l'amour,
j'ai été sa meilleure amie,
il a été mon plus bel humain.
Maintenant, je veux bien que l'on m'explique ce que je ne comprends pas, ce que je ne tolère pas, ce qui me rend sacrément chiffon, QUELLE SORTE D'ESPOIR IDIOT pousse un humain à informer un autre humain d'un coup de foudre ?
Louise colère, Louise sévère.
13 mars 2015
Ce matin, une bouteille en verre se brise dans mon sac : je m'empresse de sortir mes carnets d'écriture de l'océan de thé-vert-gingembre-citron bien installé dans ma besace étanche, et démarre une opération sauvetage à renfort de mouchoirs. Au bout de quelques minutes, je percute que toutes mes affaires sont éparpillées autour de moi sur le quai de métro, que je n'ai même pas encore pensé à jeter un oeil à mon portable ou mes fringues pour le boulot, et que n'importe qui aurait pu partir avec mon porte-monnaie. Au moins, ça replace les priorités : les mots de papier d'abord, le reste après.
Ce soir, j'ai pu récupérer des dizaines de cuillères dorées de la déco de Noël des Galeries, je suis heureuse comme une enfant, impatiente de leur trouver un coin de mur ou de plafond où se glisser.
28 janvier 2015
Le jeune prince, Paris.
- Moi, je suis ton amoureux.
- Oh bah non ! Je préfère que tu sois mon meilleur ami, les amoureux c'est chiant, ça se dispute tout le temps.
- Pourquoi ?
- Parce que quand on est amoureux, on est sensible.
Plus tard, assiette de pâtes sauce tomate.
- Pourquoi les amoureux ils sont sensibles ?
- Parce que souvent ils ont des sentiments très forts. Des fois ça se passe bien, ils restent ensemble pour la vie et ils font des enfants, par exemple. Des fois c'est trop difficile alors ils se séparent.
- Moi quand je serai grand je serai un bon amoureux.
20 décembre 2014
Cette année, pas de cadeaux.
Sauf pour lui, tiens.
Je l'ai croisé tous les jours de la semaine pendant trois ans. Il était, tous les jours, à cette même intersection de rue, sur un tabouret, avec ses journaux. Je passais devant lui en allant chercher les enfants à la garderie.
Quand je sortais d'un service au café, je lui ramenais des sandwichs ou des gaufres.
Un jour, il n'était plus là. Ni le jour d'après. Pendant deux semaines, j'ai retenu ma respiration, face à face avec mon impuissance : où était-il ? allait-il bien ? comment s'appelait-il ? combien, des personnes faisant ce même chemin que moi chaque jour, s'inquiétaient aussi ? combien ne l'avaient même pas remarqué ?
Un midi, il était là, de nouveau. Je me suis sentie idiote d'être soulagée.
Un soir, je sortais du métro pour rentrer chez moi, et je le vois qui remonte les escaliers aussi. Toute étonnée, je le rattrape et lui dis ces mots
" Hey, tu habites ici ? "
Ne me demande pas ce qu'il a répondu, je n'en sais rien. Je venais de demander à un sans-domicile-fixe s'il habitait ici. Mon cerveau me lançait des tomates et des oeufs.
Et puis, Franz & Josi ont eu une fille au pair, Luis a déménagé à Paris, fini le chemin quotidien de la garderie. Au revoir, le monsieur du tabouret.
En fait, non. Il déambule tous les samedis devant les Galeries Lafayette. Quand je sors du métro, j'ai toujours une pièce dans ma poche, je me presse pour arriver à sa hauteur et repartir encore plus vite, parce que je suis, toujours, en retard.
Cette année, pas de cadeaux, sauf pour lui. Un petit paquet avec tout et n'importe quoi dedans, du chocolat, une tarte aux légumes, un jus de fruit, un macaron, des fruits secs, des biscuits, des rillettes, une banane.
Aujourd'hui, je lui demanderai son prénom.
Note, plus tard : Il s'appelle Mike, et il a trois dents ! Ou peut-être quatre.
1 novembre 2014
// Tag n°256 im Galeries Lafayette
-Kunde(x) "Ihre Kampfanzug ist von feinsten ! "
-Kunde(z) "Ist das Salzig ?
-Louise "Nein, das ist Süß...
-Kunde(z) "So wie Sie ! "
Bon, c'est bien sympathique, mais vraiment, vous n'avez pas mieux ?
-Kind, ~4jahre alt "Was machst du ?
-Louise "Ich stehe. Was machst du ?
-Kind "Ich gucke was du für uns vorbereitest. Was vorbereitest du für uns ?
// Unterhaltung geht weiter über Schokolade, etwas später :
-Kind "Na dann, machen wir uns auf dem Weg.
-Mama "Ja, wir machen uns auf dem Weg.
-Kind "Und was machst du jetzt ?
-Louise "Na, ich stehe weiter ! "
25 octobre 2014
Vendredi & samedi, c'est petite robe noire.
Il y a les heures qui font du bien, celles des beaux humains, avec des papillons dans le ventre. Certains ont déjà leur petit nom, celui, par exemple, que l'on appelait Le prince charmant. Il a depuis été rétrogradé au "blond", il n'est pas si charmant que ça. Le punk à velours, qui surgit toujours aux moments inattendus mais ne s'approche jamais. La rousse, celle que j'appelle la rousse de Moritzplatz, du jour où l'on est tous tombés amoureux d'elle, en chœur. La rousse est passée une fois aux galeries et j'ai bien failli m'évanouir. Les mecs à chignons et puis les barbus, et tiens, ce client aux yeux bleu et aux sourcils blonds, oh dieu.
Et puis il y les heures insupportables. Pas un seul ne lève les yeux sur toi, pas un seul ne dit Bonjour, S'il vous plait, Merci, Aurevoir. Tous se servent et tu n'as qu'à recommencer à tartiner ce fichu foie gras. Tu souris encore plus fort, tu ne parles pas s'ils ne parlent pas, tu les regardes avec insistance, insolence, tu grinces des dents, ça se sent, on pourrait faire des tranches d'air avec ton couteau. Tu voudrais dire Wäre es mir eine Freude, wenn sie mich anschauen würden. Mais le silence plane. Certains s'éloignent à reculons, fautifs, avant que tu ne commences à aboyer. Les autres ont compris et sourient en coin.
Tout à coup, la tempête se lève, un rayon de soleil : un habitué qui te salue, un inconnu qui débarque et appuie les fins des mots Guten Taaaaaaaaag was gibt es schöneeeeeees bei ihnen zu probiereeeeeeeeeen, un gamin qui demande à son papa C'est quoi ?, et le papa, tiens curieux, tiens, oui, c'est quoi, allons demander, le monsieur ogre qui passe, sûrement un comédien, un chanteur d'opéra, et cet ogre qui te dit pour la 100ème fois, dans des tonalités terriblement graves "AMAMIA je vais vous manger les jambes". Ceux-là, tes sauveurs.Ceux-là viennent de sauver ton quart d'heure.
Allez, plus que trois heures.
28 juin 2014
Un papi avec une canne, dans un costume gris, tout joli. Il a la main posée sur la porte d'un immeuble, immobile. Personne à l'horizon.
Je me demande
1. a-t-il besoin d'aide ?
2. attend-il tout simplement que quelqu'un déclenche l'ouverture de la porte ?
Je tourne en vélo dans la rue. A la troisième ronde, la porte est entrouverte et il a coincé sa canne pour qu'elle ne se referme pas.
J'y vais.
- Vous avez besoin d'aide ?
- Oui ! répond-il d'une voix claire
J'ouvre la porte en grand et la lui tient.
Il ne bouge pas. J'attends quelques secondes, étonnée, du coup je répète
- Vous avez besoin d'aide ?
- Merci, merci, mais je dois me débrouiller tout seul, ordre du médecin. (Il continue dans un sourire) J'ai la maladie de Parkinson, ce n'est pas simple.
Je vois qu'il essaie d'avancer sa jambe droite, mais elle n'a pas l'air de vouloir suivre. Il prend une grande inspiration, s'élance (si on peut parler d'élan), fait trois pas, atteint le mur de la main. Ouf.
- Vous allez où comme ça ?
- Au premier étage !
- Bon. D'accord. Amusez-vous bien !
Il me regarde, a l'air de se demander si je suis sérieuse, rit finalement
- Ah oui, ça, je vais m'amuser ! Merci beaucoup !
- Bonne soirée Monsieur !
Il était beau, ce vieil homme, et sympathique, et malicieux, et courageux. J'aurais aimé lui faire une bise, ou un câlin. Ou que ce soit mon grand-père.
20 juin 2014
Aux galeries. Une cliente me demande
- Pourquoi êtes vous debout, ici ?
- Euuuuuuuh...
- Une jolie fille comme vous, il faut aller à la télé ! Vraiment !
Ah ah ah. Très übertrieben mais tellement mignon.
Et sinon madame, vous êtes productrice ?
Parce que vous avez raison, il caille au rayon frais...
28 février 2014
Un jour de l'hiver, au travail, ma collègue Annette vient me raconter un rêve fou qu'elle a fait, où j'avais installé un chapiteau dans le magasin, avec trapézistes, jongleurs, cracheurs de feu...
La semaine dernière, je passe aux galeries lafayette en habit de tous-les-jours, et lorsqu'elle me reconnait sous mon chapeau acidulé et d'entre toutes les autres couleurs, Annette me dit
- Ah mais c'est toi là ! Et tu vas où ?
- Je vais où ?
- Oui, tu vas faire la fête où ?
J'ai mis quelques secondes à comprendre qu'elle me croyait costumée.
- Ah aaaah mais non Annette, ça, tu vois, ça c'est moi, comme je suis, vraiment, ce sont mes habits !
- Ah bon ? Ah bon. ah bon, ah bon...
Ce matin, quand je reviens bosser à nouveau dans mon uniforme de petite ballerine endeuillée, Annette vient me voir :
- Tu sais l'autre jour après que tu sois venue j'ai réfléchi : le rêve que j'avais fait de toi, avec le cirque et les confettis que tu lançais partout... C'était toi comme tu es VRAIMENT ! Sauf que je ne le savais pas... J'ai fait un vrai rêve de toi...
PFH, des phrases comme ça, ça donne envie de faire une avalanche de bisous.