Je voulais aller à Ikea acheter un cadre immense pour une image immense. J'ai pris la ligne de sbahn que j'aime beaucoup parce que je la connais des pieds à la tête, parce que je l'ai faite plus de mille fois quand j'étais au-pair, parce qu'elle nous emmène vers les lacs et les forêts, là où la vie a une odeur de vraie vie. Je suis montée dans le train qui allait par là-bas, il y avait du soleil, le ciel était bleu et tout le reste, infiniment beau. La neige brillait à la manière des boules à facettes, il y avait au bord des branches des petits pompons de flocons, comme si les arbres nus se décoraient pour noël. Leur silhouettes s'étendaient dans la lumière, majestueuses d'ombres. C'était juste beau. Loin du fracas de la ville. Du sable fondu, de la boue des trottoirs. Le train s'est arrêté. Le temps aussi. J'ai eu envie de pleurer, avec cette sensation écœurante de lait chaud qui me ballonnerait le ventre. Je suis fatiguée des tunnels des escalators des ascenseurs que j'emprunte trente fois par jour, fatiguée des boulevards, fatiguée d'entendre les voitures et les trams jusque tard le soir et de les retrouver trop tôt la nuit, fatiguée de la lumière orange des reverbères qui vient toujours me chercher jusque sous ma couette, fatiguée des parcs qui ne ressemblent pas à la nature, mais juste à des parcs. Fatiguée de tout ça, ce n'est pas du vrai. Et le temps s'enfuit quand il voit ça, cette drôle de vie, il part, il court à toutes vitesses, il prend ses jambes à son cou, et nous, pour espérer le garder avec nous, on se lance à sa poursuite. Ça n'a pas de sens.
Je voudrais avoir une bande de copain, on irait louer une petite maison là-bas, à la lisière de Berlin, là où le ciel ressemble de nouveau à un poumon.
La ville m'éteindra. A petit feu, à petits pas. Elle m'éteindra.
Je voudrais avoir une bande de copain, on irait louer une petite maison là-bas, à la lisière de Berlin, là où le ciel ressemble de nouveau à un poumon.
La ville m'éteindra. A petit feu, à petits pas. Elle m'éteindra.