Dis, Louise, ça ressemble à quoi une photo quand tu n'es pas là ? Quand je ne triche pas et que je laisse les plis du drap tels qu'ils le sont vraiment ? Dis, Louise, est-ce que je me ressemble quand je suis toute seule ? Est-ce qu'on voit mes fantômes, là-dessus ? Est-ce que tu peux lire la première lettre d'amour de ma meilleure amie depuis que je suis ici ? Dis, Louise, est-ce que tu vois Antoine et les autres, est-ce que tu les vois sur scène comme je les ai vus aujourd'hui, le ventre scié en deux, penchée au dessus de mon ordinateur ? Est-ce que tu peux les toucher, tous mes camarades, mes copains-comédiens ? Est-ce que tu les sens comme moi ? Dis, Louise, le parfum de ma peau tiède, mes pleurs au bord du cœur et son étreinte que je n'ai même pas réussi à lui voler, ça y est, tout ça ? Dis, Louise, quand tu n'es pas là, où est-ce que tu vas ?
Dis, Louise, quand je suis toute seule, toute seule, comment est-ce que je m'appelle ? Est-ce que j'ai encore un prénom ou pas ? A quoi ça sert un prénom quand on a personne pour nous le chuchoter dans le creux de l'oreille ? Et quand on a pas de personnage derrière qui le cacher, pour lui redonner tout son piquant ?

Dis, Louise, tu sais que c'est dur de te suivre ? Regarde, tu vois. Je ne sais même pas où tu es. C'est moi qui suis partie, tu sais.
Arrête de te fiche la pression avec la peur de décevoir. J'ai le droit de faire du noir et blanc, si je veux. Louise. Il faut que tu reviennes. Pas que tu me laisses seule. C'est trop grand, ma peau, juste pour moi. Je me perds, j'ai peur. Mais faut que tu me laisses respirer, quand même. Je. Arrête de ne vouloir que de la magie, rien que de la magie. Moi je m'en fiche. Je veux juste vivre. Ce n'est pas lâche, tu sais, que de rêver d'une autre vie. De ne plus la rêver,  d'aller la chercher, la trouver. Ce n'est pas lâche que de vouloir avancer dans la vie autrement que dans les sentiers tous tracés sans dangers. C'est simplement un peu plus difficile.
Alors arrête de sourire comme ça, comme si tout allait bien, et concentre-toi, je ne sais pas trop où on va. Et on est toutes seules, hein. Regarde droit devant, s'il te plaît. Je sais bien qu'il n'y a rien, rien du tout, rien qu'un fichu brouillard tellement dense qu'on pourrait le boire. Mais regarde quand même, on ne sait jamais, tu sais.
Louise, aide-moi.

Je n'ai qu'une envie, c'est de lui sauter au cou, de la papouiller partout, de dormir dans son lit de baver sur son oreiller et de me réveiller au bord de ses paupières, de lui dire qu'elle est le seul amour de ma vie et que moi aussi Je l'aime et qu'elle n'a qu'à dormir chez moi vendredi soir et on se fait une mission cookies. Mais ce n'est juste pas possible. Alors reste-là, près de moi. Je veux bien que tu fasses rempart. Qu'on triche un peu, au moins pour la nuit, parce que tu sais, je ne veux plus des insomnies. Change les plis du drap, pour jouer avec la lumière, faire croire que. Mais ne fais pas trop semblant. On a le droit d'avoir des fantômes.

Raconter n'importe quoi,
Dire tout et son contraire.