Mercredi 4 avril 2007 à 18:35

Elle ne le regarde jamais, comme si elle ne lui parlait pas. D'ailleurs, elle ne lui parle peut-être pas. Elle se partage entre des passages où sa voix semble venir d'Ailleurs et des moments d'extrême lucidité. Elle le repousse mais est inconsciemment attirée par lui. Lui se bat pour exister.
Elle :
Le soir, il fait quoi ?
Lui  : Je ne sais pas.
Elle : Il tombe ! « Le soir tombe.
Un détonement sourd que porte le vent.»
Lui  : Pourquoi tu écris ça ?
Elle : Je répertorie. « 
La ville est nuit. Sur les trottoirs il y a des bonhommes qui marchent les uns derrière les autres. Des bonhommes silencieux aux pas étouffés.»
Lui  : Répertorie quoi ?
Elle : Des moments. « 
Comme des hommes perdus dans les abîmes de leurs pensées. Comme un cortège funèbre sous des lampadaires malades. »
Lui  : A quoi ça te sert ?
Elle : « La ville semble nous défier de faire du bruit.
Le monde se tait ». Ça me sert à écrire un mode d'emploi pour métaphoriser la vie et la trouver plus jolie.
Lui  : Parce qu'elle n'est pas belle ?
Elle : Je ne crois pas non. Je suis une demi-mesure. Je ne mange plus, je ne dors plus. Je meuble la vie, en attendant que ça passe. « 
Il y a de drôles de scintillement sonores dehors. Comme des étoiles qui crisseraient sur la tableau de la nuit. Ça me bourdonne, ça m'emplit, ça me déborde. »
L
ui  : Tu dérapes…
Elle : L'existence dérape.
Lui  : Je ne te comprends pas.
Elle : Je voudrais vaciller le monde.
J'ai soif d'obscurité.
Lui  : Tes rêves sont toujours trop clairs ou trop noirs. Fais toi-même le mélange des couleurs.*
Elle :
C'est de l'herbe. C'est le ciel. C'est l'entre ciel. C'est l'entre terre. C'est moi. Légère. Je n'ai que ce mot là. Légère. Je voudrais être légère. C'est l'herbe. C'est le ciel. C'est l'air. Je voudrais avoir la force de refuser le sol. De me dérober à lui. Je voudrais avoir la force de partir. De dire que je ne veux plus de tout ça. De vivre ailleurs, là où rien n'existe. Je voudrais avoir la force d'exister autrement. Vivre sur du papier. Vivre sur des nuages, peu importe. Echapper au matériel, à l'humain. Remettre en cause l'existence. Déroger aux règles. Refuser les limites. Elle pleure, le martèle de coups, en proie à un certain désespoir Je ne veux plus des ces cernes sous mes Yeux pour voir la vie. Je ne veux plus de cet épuisement sur mon Corps pour courir le monde. Plus de ces tremblements dans mon Poignet pour écrire. Plus de ces cahots dans ma Tête pour rêver. Plus de ces pierres dans mon Coeur pour vibrer.
Lui  : Je ne te connais pas. Tu es insaisissable. Insondable. Intouchable. Inaccessible. Je ne sais pas qui tu es. Il essaie de la prendre dans ses bras.
Elle : Elle se dégage de lui   Tout est pourtant écrit sur mon Front, tout ce qu'il y a à savoir  !
Lui  : Je ne lis rien, sur ton front, seule une peau en manque de caresse.
Elle : Il y est écrit explicitement : Jeune fille totalement inapte à la vie en société, décalée, saugrenue et parfaitement anachronique.* Ensuite : Très peu facile de contact. Forts risques à vous abandonner.  Et pour finir : attention, je mords.
Lui  : Tu es folle.
Elle : Je dis souvent que je suis Folle.
Lui  : Tu es nouée de l'intérieur, minuscule et desséchée.
Elle : Je suis peut-être Emma Bovary… Ou Hedda Gabler.
Lui  : Mais quel jeu joues-tu ?*
Elle : Je ne sais pas.
Je ne sais plus rien. Je sais juste que j'existe et que c'est un problème essentiel. Que je vis selon des principes qui m'échappent très souvent, que j'évolue sur des chemins que je ne cerne pas toujours, que j'ai un peu peur de moi, du jeu de la vie. Un peu peur de ne plus en connaître les règles, de les déjouer. De blesser. J'ai un peu peur du poids qu'ont les éléments sur mes épaules, de mes maux de dos, j'ai aussi peur de la façon dont les éléments ne m'effleurent même pas, de la façon dont je marche dans le ciel. Je peur pour mon équilibre. J'ai peur d'être le déséquilibre du monde. J'ai peur d'être la perche d'un funambule, une perche qui pencherait toujours d'un côté ou de l'autre.  Je ne sais plus ce que je dois penser. J'aimerais bien que quelqu'un se penche sur moi, là, et me le chuchote. J'ai plus tellement confiance dans le monde, ni dans moi. J'ai peur que tout ça ce ne soit ni pour de faux, ni pour vrai. J'ai peur que tout ça, ce soit autre chose.
Lui  : il se penche sur elle et chuchote Je crois que je t'aime.
Elle : J'ai peur que tout ça, ce soit autre chose.
Lui  : J'en suis même sûr.
Elle : Je survole.
Lui  : Je t'aime.
Elle : J'envoie valser.
Lui  : Je t'aime.
Elle : Je me fiche.
Lui  : Je t'aime.
Elle : Je me moque.
Lui  : Je t'aime.
Elle : Je m'envole.
Lui  : Je t'aime.
Elle : Ne fais pas la tête. Je ne suis pas prête à vivre ce genre de choses, pas maintenant.*
Lui  : Je t'ai dans le ventre.
Elle : On s'en sortira, la vie c'est tant de choses.*
Lui  : Tout cet amour enfermé dans nos corps et que personne ne veut recevoir.*
Elle : Je ne sais ni recevoir, ni donner.
Lui  : C'est que tu n'en as pas envie.
Elle : Je n'existe que pour ces moments de nuit, où le ciel de son plus sombre, se glisse dans mes cheveux.
Lui  : J'existe pour toi. J'existe pour toi. Laisse-moi me glisser dans tes cheveux.
Elle : Lâche-moi.
Lui  : Tu ne m'as jamais laissé te prendre.
Elle : On ne m'attrape pas.
Lui  : Juste une fois, arrête-toi, regarde moi. Regarde moi.
Elle : Il y beaucoup de choses intéressantes à apprendre sur les icebergs.*
Lui  : J'abandonne.
Elle : Abandonner, c'est bien. Abandonne, je suis inaccessible.
Lui  : Tu trembles.
Elle : Je vacille.
Lui  : Tu vas tomber.
Elle : Sûrement.
Lui  : Et le masque ?
Elle : Quel masque.
Lui  : Le tien, il tombera avec toi ?
Elle : Faire tomber les masques.
Lui  : Laisse-moi te l'enlever.
Elle : Lâche-moi.
Lui : Je ne t'ai jamais enlacée. Toujours tes mots, partout. Je n'ai aucune prise sur toi. Toujours tes mots, partout…
Elle : On ne m'attrape pas.
Lui  : Arrête, tu es épuisée. Ce n'est pas une vie de se fuir comme ça. Laisse-toi une chance. Une seule. Arrête-toi, regarde-toi… Tu trembles.
Elle : Oui.
Lui  : Tu vas tomber.
Elle : un soupir. Elle le regarde  Est-ce que tu crois que ça va faire mal ?
Elle s'effondre –il a anticipé sa chute- dans ses bras. Il la berce.
Lui  : C'est fini, c'est fini, c'est fini… Tu vois, tout va bien, c'est fini, c'est fini… Elle pleure.  Allez… T'inquiète pas, on va y arriver… On fera pas mieux que les autres, mais on fera pas pire non plus… On va y arriver, je te dis… On va y arriver…  Allez…*

*Citations ou phrases adaptées. Dans l'ordre : Cabrel, Anna Gavalda, Julien Clerc,  La Grande Sophie, Samuel Benchetrit, Régis de Sà Moreira, Anna Gavalda.

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