Jeudi 9 juillet 2009 à 18:57

Papa, mon petit papa,

il faut que je te raconte ce jeu que je faisais tellement souvent et qui vient de me revenir en mémoire, celui de la quatrième de couverture. Tu sais, ces cinq ou six phrases en italique en dessous du résumé ou parfois en début de roman, du style « J. D. est né dans le nord de la France en 19... blablabla » , cette courte présentation de l'auteur et ses origines.

Cette façon de réduire les gens à quelques mots m'a toujours fascinée. Comment, avec si peu de ponctuations, il est possible d'effacer tous les reliefs, de rendre nos visages fades et muets, si... abstraits. Comment il est possible, au final, de rendre encore plus lointain quelqu'un qui nous est déjà inconnu.

Je jouais à faire des quatrièmes de couverture. J'imaginais être cet auteur et me demandait toujours quels adjectifs pourrait-on me choisir. Et pour vous ? Que dirait-on de mes parents ? Surtout toi, c'était une énigme, comment te résumer, comment faire en quelques mots une image de toi qu'on lui puisse prétendre réaliste ? Ça relevait du défi  absolu.

Depuis le 26 février, plus encore que la mienne, celle de maman ou celle d'Hugo, c'était la quatrième de couverture d'Augustin qui me rendait pensive. Comment le présenterait-on, à l'avenir, en quelques lignes ? Ecrirait-on Alors qu'il n'avait que 10 ans, son papa eu un accident cardiaque qui le... Encore un défi impossible à relever : réussir à dire une existence qui bascule et joue avec le vide, la tienne, et l'influence que ça a sur son entourage, nous.

Et j'ai dit que je t'appellerai ce soir… Je voudrais jouer à ce jeu avec toi, avec ton nom, avec ta vie, et je voudrais que la dernière ligne de ton portait réducteur laisse le sourire, papa, feras-tu ça ? Réussiras-tu à laisser la lumière allumée sur ta quatrième de couverture ?

Vas-tu leur mettre la pâtée, à ces charriots, vas-tu les mater, ces sondes et ces encombrements respiratoires ? Vas-tu trouver d'autres façons de sauter par dessus les obstacles qui parsèment nos promenades ?

Oh oui, dis-moi que plus jamais tu ne vivras dans une chambre blanche où des machines font la guerre à ton corps pour te maintenir en vie, dis-moi que désormais tu reprends le contrôle...

En fait, quelque part, je joue déjà à imaginer ta quatrième de couverture. Je trouve ça tellement beau, tellement improbable, que tu sois là aujourd'hui, que tu te sois réveillé de cet enfer et que je puisse t'écrire " Je t'appelle ce soir ", tu sais que j'ai cru ne plus jamais pouvoir te le dire ?

Depuis le 26 février, quand j'écrivais nos genres de portraits bâclés en quelques mots, ils semblaient tellement plongés dans la nuit, tellement éteints...

Mais le jour se lève et c'est des portes ouvertes sur l'horizon que tu laisseras sur nos quatrièmes de couverture.

Merci Papa, d'avoir eu la force, de t'être accroché à cette flamme de vie capricieuse, c'est courageux. C'eut été si facile de ne pas en revenir, de rester là-bas, dans cette chambre pleine de fantômes en blouses blanches.

Je suis fière, tu sais, tellement fière.

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