Dimanche 30 août 2009 à 20:00

Jeudi soir.
Il fait noir,  je n'y vois rien. Ce n'est pas un soir à monter au jardin, le vent tempête, tourbillonne, les feuilles claquent. Mes cheveux s'éparpillent et j'ai des frissons partout le long des bras. J'ai la certitude que si je me mettais debout là et que je tendais les bras comme une hélice, la nuit m'emporterai dans une bourrasque silencieuse. Je reste assise toute petite. Ça pourrait durer des heures.
J'ai peur. Ça y est, j'ai peur. Peur de Berlin. Je voudrais pleurer un peu et me sentir plus légère, mais le vent va m'enlacer et me prendre. Je suis une vilaine petite fille, j'ai joué à colin maillard avec mes copains, je leur ai bandé les yeux et je suis partie en courant. Il n'y a plus grand monde pour jouer à la marelle, de toutes façons je jette toujours le caillou trop loin : Berlin, c'est pas commode d'y aller à cloche pied.
D'habitude je tiens la route, seule, je fais ma grande, je prends mes airs de commandeuse et je file. Mais là, je pétoche, je trouille, j'ai peur que les lignes blanches de la cour de récréation ne m'attrapent les poignets et ne me tirent au fond de l'eau, je voudrais juste un complice pour rire et les faire fuir, histoire de réinventer le monde. Je ne veux pas être adulte, je ne veux pas discuter avec les adultes toute la journée, chercher du travail et ne pas en trouver, chercher un appartement et craindre de les visiter, il faudra que je me trouve un portable aussi et que j'explique au monsieur que je n'ai jamais réussi à changer ma messagerie parce que la fille parle en allemand elle veut que je fasse le 6 et le 2 et le 4 et le 6 et le 1 et le 8 et le 0 et tout à la fin elle me dit toujours d'une voix polie que je me suis trompée et elle ne veut pas me dire pourquoi et elle fait une petite musique et elle s'en va. Crotte.

Dimanche soir.
Avoir mal à la tête à en tomber dingue, une perceuse me troue le crâne consciencieusement au dessus de l'arcade sourcilière, les larmes lames me scient les paupières, et la fatigue leur a creusé des fleuves qu'elle suivent quand elles dégringolent de mes cils.
Et tout à coup je me fiche tellement des nuits d'insomnies où l'inquiétude m'a empêché de trouver le calme, je ne pense plus qu'à une chose, partir, partir, vite vite de l'air ! Partir loin, fuir à Berlin. Ne plus entendre ma mère geindre, ne plus entendre les insultes de mes frères, ne plus respirer cet air de famille putréfiée, ne pas assister à la décadence, ne pas voir cette maison paradis tous les engloutir, les rendre fous.
Et tout à coup tout me semble simple, sauter dans le premier train, et tant pis si personne ne sait où il m'emmène, et tant pis si je me perds, ne plus voir ne plus entendre, être loin loin de la déconfiture de la chute en miettes.
Même si c'est dur et même s'il va falloir apprendre à se contorsionner, je ne veux plus rien avoir à voir avec eux, je veux être Ailleurs, dans un chez-moi où ils n'existent pas.

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